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« Lord Gravestone » : vampirisme à l’époque victorienne

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Le scénariste Jérôme Le Gris et le dessinateur et coloriste Nicolas Siner s’associent à l’occasion de la série Lord Gravestone, dont l’excellent premier tome, « Le Baiser rouge », vient de paraître aux éditions Glénat.

Les premières pages du « Baiser rouge » prennent pour cadre l’Angleterre de 1806. John Gravestone est encore un enfant, dont le père, Lord Luther, est parti combattre des monstres, par conviction. Le lecteur ne va pas tarder à découvrir que derrière cette ouverture se cache un profond traumatisme qui affectera toujours le jeune héros, très bien caractérisé, presque vingt années plus tard : la mort de sa mère, traquée par une meute de loups, et son refus, par peur, de la serrer une dernière fois contre lui. Il n’en faut pas plus à Jérôme Le Gris et Nicolas Siner pour fixer les repères graphiques et scénaristiques de ce premier tome : John va se frotter à des créatures surnaturelles, mû par une certaine tradition familiale, le tout dans un univers victorien pré-Dracula et éminemment sépulcral.

Le baiser rouge est l’antichambre du vampirisme, une première étape préfigurant la transformation d’un être humain en une créature assoiffée de sang. Cette dernière va être éventée à travers l’histoire de Camilla von Holbein, fille unique d’un bourgeois de Leipzig tombée sous le charme d’un vampire, le prince Achéron. Tandis que Lord Luther et son frère Théophile cherchent à mettre fin aux agissements de ce dernier, ils blessent par mégarde Camilla, qui ne sera sauvée qu’à la faveur du fameux baiser rouge. Cette histoire est doublement engageante : bien ficelée, elle constitue un arc narratif passionnant ; mais en sus, elle est annonciatrice d’une vengeance à venir, qui se portera évidemment sur John Gravestone…

Un autre arc va venir se glisser dans « Baiser rouge ». John s’éprend de Mary, qu’il finit par épouser dans le dos de son père, lequel, passablement irrité, le menace de mort le jour de leur union. En plus d’entrer en résonance avec l’époque victorienne, ce mariage interdit va servir de prétexte à l’enchevêtrement des arches narratives, puisque Camilla en profite pour se rappeler au bon souvenir des Gravestone (dont le nom, vous en conviendrez, est pour le moins programmatique). Ces intrigues, rondement menées, prennent place dans une imagerie que ne renieraient pas Tim Burton ou Francis Ford Coppola. Nicolas Siner met ainsi son sens du cadre et ses traits fins au service d’un album particulièrement réussi.

Lord Gravestone : Le Baiser rouge, Jérôme Le Gris et Nicolas Siner
Glénat, mars 2022, 56 pages

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