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Crédits : mjps / Pixabay

« Les Jeux interdits » : les douze derniers fantasmes de Stefano Mazzotti

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Depuis ses premières explorations dans les années 1990, Stefano Mazzotti s’est fait un nom dans la bande dessinée érotique. Le dessinateur italien, adepte de la tablette graphique, propose dans l’album Les Jeux interdits douze récits, pour la plupart inédits, sur les fantasmes contemporains.

La collection Fantasmes s’enrichit d’un troisième et dernier album. Le scénariste, dessinateur et coloriste italien Stefano Mazzotti clôt une série qu’il a entamée aux éditions Delcourt en juin 2013, avec Les Copines de classe. Si son compatriote Milo Manara a récemment privilégié la suggestion à la démonstration dans l’album Passion Femmes, paru chez Glénat, lui ne propose rien de moins que des planches pornographiques conçues avec un réalisme édifiant. Fellation, masturbation, coït, sodomie, échangisme, voyeurisme, plan à trois : tout y passe et pas en proportion négligeable.

Les qualités graphiques de ces Jeux interdits sont évidentes : Stefano Mazzotti accorde une importance considérable aux détails et aux nuances (notamment de peau), mais aussi aux décors et aux expressions faciales. Les femmes qu’il met en scène sont toujours sculpturales, et tour à tour libres ou soumises. Le bédéiste italien invite le lecteur à explorer de nombreux fantasmes, mais il le mène aussi de la Révolution française au récit fantastique. Ses postulats scénaristiques ne sont pas seulement fonctionnels : ils confèrent à ses histoires une véritable épaisseur. Et ils disent beaucoup de certains comportements sexuels.

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La Cave nous plonge au cœur d’un double voyeurisme : au héros scrutant sous les jupes des passantes à travers un soupirail succède un voisin s’attardant devant une porte pour écouter ses ébats. Auto-stop est un fantasme chimiquement pur : un homme se fait véhiculer par deux inconnus et finit sur le siège arrière de la voiture avec une jeune femme entreprenante, sans que son compagnon n’y trouve rien à redire. Pardon est un récit délicieux d’ironie : un mari adultère lâche, se confondant en excuses bidons, se voit à son tour cocufié par sa femme, en guise de vengeance… dans les toilettes d’un avion. La Première fois au Strange Days est un récit échangiste classique mais efficace.

Trois friandises se cachent dans l’album. Le Médicament donne à voir un malade dont le changement de traitement a complètement transformé les hallucinations : il voyait des morts, il est désormais assailli d’images sexuelles obsédantes. Nobles et paysans revient sur les contre-révolutionnaires vendéens en proposant une double mystification joliment élaborée. La Jalousie propose une véritable réflexion sur l’amour, le désir et l’épanouissement, en prenant appui sur un personnage ne vivant que des expériences imaginaires, qu’il estime plus authentiques et extatiques que les rapports réels.

Ce dernier opus de la série Fantasmes tient finalement toutes ses promesses. Très abouti sur le plan graphique, au plus près de son sujet, il propose en outre des récits/chutes amusants et des sous-propos moins superficiels que ce que l’on aurait pu craindre.

Fantasmes – 3. Les Jeux interdits, Stefano Mazzotti
Delcourt, février 2021, 72 pages

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