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« Le Chirurgien de Diên Biên Phu » : médecine de guerre

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

La collection « Histoire & Destins » des éditions Delcourt accueille en son sein Le Chirurgien de Diên Biên Phu, de Jean-Pierre Pécau et Vladimir Davidenko. Ces derniers reviennent sur la personnalité de Jacques Gindrey, affecté à l’antenne chirurgicale mobile de Diên Biên Phu, où il soignera et opérera durant 57 jours presque sans discontinuer.

S’il existe deux sentiments universellement liés à la guerre, c’est bien l’urgence et l’horreur. En racontant comment le chirurgien Jacques Gindrey s’est démené au front, à Diên Biên Phu, pour venir en aide aux soldats français blessés, le scénariste Jean-Pierre Pécau et le dessinateur Vladimir Davidenko les déversent à larges flots dans leur album. Car il faut se méfier des apparences : la petite antenne médicale disposée au milieu de paysages magnifiques dissimule à peine l’effroi environnant. Ce sont des points d’appui subissant les vagues successives des Viêts, des villages incendiés afin qu’ils ne servent pas de refuges aux combattants ennemis, une menace tapie dans l’ombre face à laquelle seule une protection famélique vous prémunit.

Le récit débute en novembre 1953. Jacques Gindrey et sa compagne attendent un enfant. Il n’a pas encore vingt-sept ans. Mais le chirurgien reçoit un ordre de mission : il va s’envoler pour l’Asie, l’Indochine plus spécifiquement, où il va secourir des militaires blessés, en pleine saison des pluies, et alors même qu’on lui répète à l’envi que les Viêts n’ont pas d’artillerie. Ces derniers ont néanmoins des capacités de nuisance significatives. Et la métaphore du jeu de go prend alors tout son sens : « On ne prend un pion de son adversaire que lorsqu’il est totalement encerclé. » Ainsi, attaquant de nuit, « à dix contre un », les forces ennemies vont battre en brèche les lignes françaises, un échec militaire qui préfigure le drame médical qui va se jouer à Diên Biên Phu : les blessés affluent, la détresse est immense et les équipes de Jacques Gindrey cherchent à y répondre avec les moyens (insuffisants) du bord – à l’image de cette tente trouée qui tient à peine debout face aux pluies torrentielles.

Agréablement mis en vignettes, attaché à une personnalité incarnant l’abnégation et le sens du devoir, Le Chirurgien de Diên Biên Phu nous immerge dans la guerre, mais aussi dans la culture locale : les filles qui se baignent nues, l’alcool de riz (le choum), les villages typiques, etc. Jean-Pierre Pécau et Vladimir Davidenko parviennent à une synthèse honorable entre la chair humaine et l’action belliqueuse, entre l’Histoire et les situations particulières qui en découlent. Il manque peut-être un peu de contexte à l’album, mais l’essentiel est ailleurs : dans cette course effrénée contre la mort, bercée par le son des balles et des explosions, justifiée par une éthique inébranlable.

Le Chirurgien de Diên Biên Phu, Jean-Pierre Pécau et Vladimir Davidenko
Delcourt, mars 2022, 60 pages

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