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Hôtesse de l’air (Natacha 1) : aventure, exotisme et humour

Natacha est une jeune et pimpante hôtesse de l’air. Prenant son service sur avion charter à destination de l’Amérique du sud, elle apprend par ses collègues que le chargement de jouets laisse de la place en soute. Du coup, l’appareil transportera discrètement quelques caisses de lingots d’or pour le compte de la banque de France…

Étant donné qu’il s’agit du tout premier épisode d’une série qui en compte 23 à ce jour, arrêtons-nous un instant sur le personnage central qu’est Natacha. Tout d’abord, il faut bien dire qu’il s’agit d’une des premiers héroïnes de BD, ce qui en fait déjà un exemple à part. Avant elle, il y a bien eu Sibylline, mais dans une BD animalière. Quant à Bécassine, elle appartient à la préhistoire de la BD et son nom en dit suffisamment long pour décourager la majorité du lectorat d’aujourd’hui. Natacha, elle, a ouvert la voie à Yoko Tsuno notamment, puis à quelques autres. Son succès vient sans doute pour une part de son physique, ce qui ne manque pas de surprendre dans le paysage de la BD franco-belge calibrée paraissant dans un magazine visant un public adolescent. Mais si Natacha est sexy (voir sa silhouette et surtout sa bouche aux petites lèvres pulpeuses, sa chevelure blonde assez courte bien mise en valeur par le calot qu’elle porte sagement et une jupe aussi moulante que courte qui contribue à mettre en valeur ses gambettes bien galbées) et ses mines gentiment effarouchées, elle reste toujours tirée à quatre épingles dans son uniforme avec chemisier blanc et chaussures à talons-aiguille. Elle fait preuve d’une bonne volonté jamais mise en défaut, mais aussi d’une présence d’esprit (doublée d’une audace bienvenue) qui se révélera particulièrement judicieuse au vu des circonstances, car, bien entendu, le chargement d’or est convoité par une bande de malfrats qui embarque à la place de l’équipe de foot qui devait monter à bord.

Débuts réussis

Parmi les premières remarques qui viennent à l’esprit, on constate que pour un premier épisode de série, ce Natacha hôtesse de l’air présente vraiment bien, malgré ou grâce à une gestation sur plusieurs années. Les traits, le caractère et le physique de Natacha sont nets, sans la moindre hésitation, rien qui laisse deviner ou nécessiter une évolution future. De manière générale, le trait est franchement sûr et séduisant, tout à fait dans la lignée des séries qui faisaient le succès de Spirou (publication initiale dans la revue au cours de l’année 1970) et des éditions Dupuis (publication de l’album en 1971), à l’époque. On remarque que les décors et visages font parfaitement leur effet : diversité des figures dessinées, aspect soigné des véhicules avec un léger effet voiture miniature qui montre qu’il s’agit bien de BD. Enfin, le dessinateur François Walthery s’y entend à merveille pour faire sentir le mouvement. Il faut voir les bagarres, ainsi que l’atterrissage en catastrophe de l’avion où Natacha a embarqué (avec son collègue Walter, le steward gaffeur). Parce qu’il n’a plus le choix, le commandant tente de poser l’appareil sur une piste de fortune tracée dans une région où vivent des indiens Guyapos en pleine jungle hostile. Un gros arbre va provoquer de sérieux dégâts et isoler Natacha (ligotée) du reste de l’équipage ainsi que des malfrats qui vont la croire morte. Il faut dire que le très solide scénario signé Gos (Roland Goossens) contribue à faire de l’album une réussite. La lecture est agréable de bout en bout, avec une organisation des planches sans le moindre défaut (vignettes de tailles et formes différentes, quelques-unes assez grandes, toujours au service du scénario). Dues à Vittorio Leonardo (non crédité), les couleurs contribuent à cet aspect général séduisant. Enfin, n’oublions pas que le scénario comprend pas mal d’humour, aussi bien dans les situations (le chef des Guyapos répondant en français à Walter qui s’était adressé à lui en petit nègre) que les accessoires par exemple (voir les têtes réduites sous forme de jouets en plastique) et quelques bons mots (« Hé ! Le sucrier est cassé ! »).

Pour relativiser un peu

Si le scénario est bien ficelé (contrairement à Natacha qui va s’échapper et trouver le moyen de sortir l’équipage du DC-3 d’une très mauvaise situation), il enchaîne des péripéties somme toute assez classiques qui rappellent qu’il s’agit d’une BD franco-belge calibrée (44 planches), tout en exploitant de façon astucieuse la situation initiale avec un détournement d’avion organisé (genre relaté régulièrement dans les médias à l’époque). On pourra déplorer que les Indiens soient un peu stéréotypés (coupeurs voire réducteurs de têtes, lanceurs de fléchettes à l’aide de sarbacanes, sous le joug d’un sorcier censé être capable de commander la pluie). Ces clichés permettent heureusement d’apporter les éléments qui font de l’intrigue une histoire savoureuse à apprécier au second degré.

Lire Natacha en 2021

Il s’agit donc d’une BD soignée qui a fort logiquement trouvé des prolongements pour constituer une série à succès. On peut juste se demander désormais si la série ne véhicule pas une idéologie sexiste. Cela dépend sans doute de la manière dont on la regarde. Avec son look sexy, Natacha a tout pour plaire à ceux qui réagissent automatiquement à ce genre d’attraits (bien naïf qui imaginerait que les auteurs n’en jouent pas). Mais Natacha n’affiche aucune vulgarité et reste toujours aussi correcte que son uniforme. Elle connaît bien son métier et assume parfaitement son rôle, tout en affirmant sa féminité sans complexe. Et les circonstances la propulsent au rang d’héroïne, sans que cela lui monte à la tête. Une série qui a donc bien vieilli et mérite encore largement la découverte un demi-siècle après sa parution.

Hôtesse de l’air (Natacha 1), Walthery et Gos
Dupuis, 1970

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3.5