En passant de Neptune, la géante des confins à Vénus, la fournaise acide, la collection « Système solaire » des éditions Glénat poursuit son voyage d’une planète à l’autre. Sous la plume de Bruno Lecigne, secondé par Federico Dallocchio, Afif Khaled et Xavier Dujardin, cette épopée graphique transforme la vulgarisation scientifique en odyssée métaphysique. Deux tomes, deux mondes : l’un bleu de froid, l’autre jaune de brûlure – et, entre les deux, le même vertige de l’esprit humain face à l’univers.
Depuis le premier volume, Système solaire ne cesse de décrire les planètes. Mieux : de les habiter par la pensée. À bord d’un vaisseau où se mêlent scientifiques terrestres et explorateurs extraterrestres, chaque album déploie une mission comme un chapitre de l’aventure humaine elle-même : celle de la connaissance, de la mesure, du sens. Bruno Lecigne a le talent rare de faire parler la science sans l’assécher, de faire sentir la logique des chiffres et des lois physiques dans un même souffle narratif.
Avec Neptune et Vénus, la collection atteint une forme de symétrie parfaite : deux extrêmes du spectre solaire. Neptune, reine des confins, planète du vent et du bleu spectral. Vénus, sœur infernale de la Terre, planète de soufre. Deux faces d’une même question : qu’est-ce qu’un monde possible ?
Neptune
Le tome Neptune glisse vers une contemplation presque méditative : à 4,5 milliards de kilomètres du Soleil, la huitième planète semble n’être plus qu’un battement d’atmosphère. On y apprend que Neptune, géante d’hydrogène, d’hélium et de méthane, abrite les vents les plus rapides du système solaire – plus de 2 000 km/h –, et qu’elle tourne sur elle-même en 16 heures seulement.
Son climat est un tumulte de tempêtes sombres, de grands vortex éphémères que les sondes Voyager et Hubble ont surpris comme des visages mouvants.
Sous cette enveloppe se cache un monde violent et paradoxal : le manteau de glaces chaudes et d’hydrocarbures s’y tord sous des pressions monstrueuses, et le champ magnétique, incliné de 46°, semble danser sur un axe fou.
Vénus
Avec Vénus, la série quitte les ténèbres glacées pour plonger dans la lumière la plus crue. Deuxième planète à partir du Soleil, jumelle de la Terre par sa taille (95 % de son diamètre, 80 % de sa masse), Vénus incarne un paradoxe : celle qui aurait pu être une autre Terre est devenue l’enfer du système solaire.
Les auteurs nous guident à travers une atmosphère 93 fois plus dense que la nôtre, écrasée par une pression équivalente à celle des abysses, et saturée de dioxyde de carbone (96,5 %), de soufre et de nuages d’acide sulfurique.
Sous ce couvercle d’or et de feu, la surface brûle à 460 °C.
La lumière solaire, presque entièrement réfléchie (seuls 5 % des rayons atteignent le sol), baigne un paysage désertique de roches noircies, de plaines jeunes et de volcans géants – 167 dépassant les 100 km de diamètre.
Et pourtant, Vénus fut peut-être un jour hospitalière. Des études récentes évoquées dans la BD rappellent que son atmosphère primitive aurait pu contenir de l’eau, avant qu’un effet de serre incontrôlable ne la condamne. Cette bascule d’un monde vivant à une planète morte donne au récit une gravité quasi tragique. On comprend alors ce que veut dire un des personnages : « Quand on voit Vénus, on se dit qu’il suffit d’un rien pour qu’une planète habitable se transforme en enfer. »
Science et sens : deux langages en harmonie
Les dialogues et les cartouches traduisent la précision du savoir sans jamais l’alourdir, car l’ensemble passe à la moulinette de la narration fictionnelle. Visuellement, Dallocchio, Khaled et Dujardin réussissent à rendre visible l’invisible. Le bleu de Neptune y a la densité d’un rêve sous-marin ; le jaune acide de Vénus, la chaleur suffocante d’un four céleste.
La force de « Système solaire » tient dans sa capacité à faire dialoguer la science contemporaine avec le récit d’exploration. Chaque volume est autonome mais s’emboîte dans une architecture encyclopédique où les mondes s’éclairent les uns les autres. On sort de ces lectures avec un double sentiment : celui d’avoir appris et celui d’avoir regardé plus loin – avec la possibilité, en sus, d’en apprendre davantage dans les dossiers didactiques de fin d’album.
Tome 5 : Neptune, la géante des confins, Bruno Lecigne et Federico Dallocchio
Glénat, 22 octobre 2025, 64 pages
Tome 6 : Vénus, la fournaise acide, Bruno Lecigne, Afif Khaled et Xavier Dujardin
Glénat, 22 octobre 2025, 64 pages




