Le titre ne laisse aucun doute sur le thème principal de cette BD. Captain Death doit éliminer certaines espèces vivantes de l’univers, ici l’homo sapiens.
L’auteur (Alexis Bacci) se place dans une situation bizarre, car les lecteurs pourraient attendre des justifications et des conséquences. Or, il semblerait que l’album ne soit conçu que pour illustrer quelques idées sans trop se prendre au sérieux. Il me paraît difficile de déterminer ce que le dessinateur pense finalement de l’espèce humaine. A son crédit, il laisse une part de doute permettant aux lecteurs (lectrices) de décider ce qui leur convient. A mon sens, cette façon de faire avec absence de réflexion profonde relève néanmoins d’une certaine désinvolture regrettable.
Nature de Captain Death
Captain Death est donc une entité (difficile de parler de personnage) ayant comme mission d’éradiquer l’espèce humaine de l’univers. Niveau de conscience : 2/20. Capacité d’évolution : 6,2/10. Utilité : médiocre. Morale : peut mieux faire. Importance cosmique : insignifiante. Ce bilan plus que médiocre laisse néanmoins perplexe, puisque Captain Death ne fait pas dans la dentelle. En effet, il va purement et simplement détruire la Terre. L’éradication de l’espèce humaine s’accompagne donc de l’éradication de toutes les espèces vivant à sa surface. L’espèce humaine n’est même pas annoncée comme nuisible ou dangereuse. Quant aux autres espèces, en quoi méritent-elles de devenir les victimes collatérales de ce massacre organisé ? On remarquera que Captain Death ne se pose aucune question, se contentant d’utiliser les armes à sa disposition pour mener à bien sa mission. Différentes missions suivront, d’autres appartiennent à un passé volontairement très flou. Comme si le but était d’éviter les questions. A noter également que Captain Death ne semble pas de nature divine. Il agit en simple exécutant, seul à bord d’un astronef mandaté par les lois originelles. C’est un ordinateur qui lui désigne ses cibles. Place aux chiffres et aux techniques de détection et de nettoyage.
La vie à tout prix
D’autre part, nous avons le Docteur Krouki, scientifique ayant fait le nécessaire pour prévenir les menaces planant sur l’espèce humaine et son habitat originel : guerre, détérioration climatique, voire une sanction divine. Son rayon : le transhumanisme pour sauver ce qui peut l’être et donc s’opposer à la mort symbolisée par Captain Death (dont l’auteur nous épargne une apparence classique du genre grande faucheuse).
On retiendra donc de cet album présenté comme une BD de consommation courante (14 x 19 cm, broché, couverture souple), qu’il affiche une foi étonnante dans la capacité de l’homme à se transcender par la science.
La science de la survie
Il me paraît difficile d’évaluer jusqu’où la science peut aller (mon opinion serait que la voie scientifique irait plutôt vers l’affaiblissement de l’humain) et l’album n’incite pas trop à se poser la question, se contentant de proposer de l’action. On pourrait discuter à l’infini de l’imperfection de l’humain et de sa recherche de la vérité absolue, voire de la perfection par la science (ainsi que de beaucoup de découvertes par le jeu des circonstances et du hasard). Par contre, je constate que cet album illustre quelques idées d’une manière pour le moins simpliste. D’abord, ce décompte du nombre d’humains restant à éliminer (les chiffres, toujours), et puis cette violence qui envahit l’album, malgré quelques péripéties qui apportent du suspense. La meilleure justification à l’éradication de l’espèce humaine intervient quand on constate que les rares derniers survivants (sur la planète Suburra), se montrent incapables de faire bloc pour la cause commune fondamentale de la survie de l’espèce. On notera au passage que ce qu’on voit de Suburra manque d’originalité : une population qui ne peut que rappeler L’Empire des Mille Planètes (1971) de la série Valérian (par Jean-Claude Mézières et Pierre Christin) en moins bien, une planète défouloir où les sept derniers représentants de l’espèce humaine ne sont pas spécialement les pires êtres vivants.
La BD et son public
L’illustration de couverture, avec Captain Death dans une posture guerrière, un sticker rond annonçant « Par le co-auteur de LAST MAN Stories » cible un public assez jeune, aimant lire de la BD pour se défouler, probablement dans le même état d’esprit que celui de cette génération lorsqu’elle aborde un jeu vidéo de combat.
Les aspects négatifs sont néanmoins à nuancer, car Alexis Bacci sait captiver d’emblée pour ne jamais lâcher son public. Son style graphique, parfaitement adapté à ce qu’il propose, est d’une indéniable qualité. Le dessin est d’une facture très lisible, sans trop de détails, mettant bien en valeur tous les gestes et mouvements. Conçu en bichromie (noir, blanc, orange et brun), il présente des paysages réussis bien mis en valeur par le choix des couleurs. Les péripéties se succèdent et la fin apporte une vraie surprise. A la suite de quoi on découvre une présentation des personnages principaux, chacun ayant droit à une fiche détaillée (sur deux pages) indiquant les origines, l’âge, les qualités et défauts. Ces fiches apportent un nouvel aperçu qui incite à reprendre l’album pour mieux comprendre l’enchaînement des situations.
Conclusion
Les choix de l’auteur, qui s’intéresse avant tout à la narration et à l’action au détriment de la réflexion, présentent quelques défauts qui peuvent devenir des qualités. Ainsi, celles et ceux pour qui la réflexion sur l’avenir de l’humanité et de notre planète demande encore de la maturation trouveront dans cette BD quelques pistes à explorer plus personnellement.
Captain Death, Alexis Bacci
Casterman, juin 2019, 220 pages