Les Humanoïdes associés publient Campus, de Jon Ellis et Hugo Petrus. L’album prend pour cadre une fraternité universitaire et se nappe de fantastique.
Campus, c’est d’abord l’amitié confrontée aux aléas de la vie. Wyatt et Jake sont inséparables jusqu’au jour où la famille de ce dernier décide de déménager. Premier déchirement. Quand ils se retrouvent des années plus tard sur un campus universitaire, tous deux ont été profondément transformés par les expériences qu’ils ont vécues : Wyatt a perdu une partie de sa famille dans un accident de la circulation et peine à s’en remettre, tandis que Jake fréquente plus que de raison une fraternité étudiante aux étranges rituels. Le premier a besoin du second pour l’épauler, mais ses activités extrascolaires phagocytent peu à peu toute son existence. Second déchirement.
Jon Ellis et Hugo Petrus prennent un malin plaisir à intégrer le fantastique dans les cercles estudiantins. Ils partent de situations ordinaires et y incorporent progressivement de quoi les altérer. Jake semble d’abord comme un poisson dans l’eau dans les soirées Omega Zeta Nu : « La bière ne doit pas y être pour rien. Ça facilite les rapports sociaux. » Mais bientôt, ce folklore universitaire relativement anodin va voir se projeter sur lui toute une série de phénomènes surnaturels. Jake est déboussolé. Il entend des voix, « comme un inconnu qui chuchoterait de l’autre bout de la pièce ». Il s’endort en classe, se laisse entraîner par Amber et Bryce, participe à des réunions clandestines, dont les activités vont des exercices physiques extrêmes à l’automutilation.
Jake assène à Wyatt qu’il ne peut remplacer son frère disparu, ne comprenant pas que c’est lui, précisément, qui va avoir besoin de l’aide de son ami. Car ce que pressent Wyatt se vérifie rapidement : sur le campus, satanisme et démonologie occulte font leur œuvre, l’effet de groupe propre aux fraternités universitaires servant alors de puissant incubateur. Jon Ellis va alors déployer deux axes de narration : d’un côté, des démons aux rapports hiérarchisés et parfois antagoniques recherchant des hôtes parmi les étudiants, de l’autre une amitié mise à l’épreuve et dont on va observer le degré de résilience. Un récit bicéphale sublimé par les dessins d’Hugo Petrus, dont la science du découpage, largement sollicitée, se met parfaitement au service de Campus.
Placé à hauteur de jeunes adultes, pas dépourvu d’intrigues romantiques ni d’allusions politiques (Wyatt porte un t-shirt Black Lives Matter), Campus parvient à un équilibre presque cravenien entre la radiographie de la jeunesse et le spectacle fantastico-horrifique. Le lecteur pourra découvrir d’une traite les tréfonds d’une amitié d’enfance mise à l’épreuve et les tenants et aboutissants de rites démoniaques moins attendus qu’il n’y paraît. La formule fonctionne bien, même s’il lui manque certainement un peu de densité pour emporter pleinement notre adhésion.
Campus, Jon Ellis et Hugo Petrus
Les Humanoïdes associés, janvier 2022, 128 pages