La bande dessinée Boule et Bill est un classique de la littérature francophone pour enfants. Créée par Jean Roba, cette série met en scène les aventures quotidiennes et humoristiques de Boule, un jeune garçon, et de son chien Bill. Les éditions Dupuis proposent une troisième intégrale reprenant les gags des tomes 9 à 11, parus entre 1967 et 1969.
Ce volume de 264 pages s’enrichit d’illustrations humoristiques en couleur, de planches publicitaires inédites et il comprend une quinzaine de chroniques de L’Avis de chien de Bill, ainsi que deux contes publiés dans la collection du « Carrousel ». Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, un travail de contextualisation nous replonge au cœur de la maison Dupuis des années 1960. L’éditeur de Marcinelle voit alors sa rédaction se diviser après une campagne publicitaire mettant à l’honneur l’armée belge. L’heure n’est plus vraiment aux conservatismes dans le microcosme de la bande dessinée. La revue Pilote a par exemple vu sa rédaction se dresser contre René Goscinny. Chez Dupuis, c’est Yvan Delporte, rédacteur en chef du magazine Spirou depuis 1956, qui prend des libertés avec les canons de la maison. Ces événements qui ont opposé certains auteurs à leur direction et à la régie publicitaire, mais aussi la manière dont le commentaire critique a discrètement infusé dans Spirou, forme l’essentiel de la première partie de cette troisième intégrale, qui comporte plusieurs documents inédits.
Le lecteur découvre ensuite les planches tant attendues, qui datent de la fin des années 1960, mais aussi des chroniques adoptant le point de vue de Bill et deux contes engageants. Pour ceux qui l’ignoreraient encore, Boule et Bill repose sur une succession de gags prenant place dans des histoires n’excédant que très rarement la planche. La relation entre Boule, un petit garçon plein d’énergie, et Bill, son cocker malicieux, leur complicité à toute épreuve, forme le cœur battant de la série et est dépeinte avec humour et tendresse, offrant des scènes drôles et parfois touchantes. Jean Roba utilise le cadre de la vie familiale pour explorer des thèmes universels tels que l’amour, les facéties et les petits tracas du quotidien. Les personnages secondaires, au premier rang desquels se trouvent les parents de Boule, jouent un rôle crucial dans la narration, apportant leur propre dynamique à l’histoire. L’humour, de situation, de caractère ou de répétition, sert en seconde intention à transmettre des messages sur l’amitié et la famille.
Très accessible, avec un style de dessin simple et expressif, Boule et Bill s’emploie à porter sur ses planches des thèmes universels et intemporels, qui permettent à la bande dessinée de traverser les générations et de conserver une certaine résonance à l’heure actuelle. Si l’on s’amusera de l’idylle entre un cocker et une tortue insomniaque, on se retrouvera forcément, pour partie, dans les nombreuses aventures vécues par les deux protagonistes qui donnent leur nom à cette série : les impératifs du temps dictés par une horloge, les jeux domestiques (qui finissent parfois… sur une piste de décollage aéroportuaire !), les moments de détente en vacances ou les activités familiales quotidiennes. Bill, la véritable star de Jean Roba, pleure au cinéma devant des comédiens canins, se fait passer pour un requin en pleine mer, suit la piste d’os en plastique, rapporte le journal à son propriétaire ou subit un nettoyage forcé en raison de ses puces… Son caractère facétieux s’exprime parfaitement dans Boule et Bill en pique-nique, où il provoque des incidents en cascade.
On le retrouvera ailleurs suscitant l’admiration d’un taxidermiste, commentant la place de la voiture dans nos sociétés ou contrevenant aux attentes lorsque le père de Boule reçoit son patron afin de solliciter une augmentation de salaire. Ce dernier point, issu d’un « avis » et non d’une planche dessinée, est symptomatique de toutes ces situations où le tempérament spontané et primaire de Bill a des répercussions immédiates – et souvent drôles – sur ses propriétaires. Bill est en quelque sorte l’extension tapageuse de l’innocence de Boule. Il entraîne quiproquos, catastrophes, situations incommodes… Mais il n’en demeure pas moins indissociable d’une famille qui l’accueille et l’aime comme l’un de ses membres à part entière. Il est toujours plaisant de renouer avec cet univers, souvent abandonné après l’enfance, et de se replonger dans les gags d’un tandem aussi attachant qu’efficace.
Boule et Bill, l’intégrale (tome 3), Jean Roba
Dupuis, novembre 2023, 264 pages