Publié le 21 octobre 2021 par les éditions Albert René, Astérix et le Griffon est le trente-neuvième album de la série de bande dessinée Astérix. Pour la cinquième fois, ce sont Jean-Yves Ferri et Didier Conrad qui sont respectivement au scénario et au dessin. Avec un titre mystérieux, une couverture intrigante et un voyage chez les Sarmates (territoires des actuelles Ukraine et Russie), ce nouvel opus s’annonçait prometteur. Et pourtant… Si l’album n’est pas mauvais pour autant, force est de constater que la sauce prend difficilement.
Les défauts enveloppés de cet Astérix
Peut-être la sauce a-t-elle gelé, comme la potion magique ? Le premier des défauts d’Astérix et le Griffon est un manque de ce qui fait la force de cette bande dessinée infatigable : son ambiance. Non seulement le paysage glacial du pays des Sarmates n’est pas le plus propice à instaurer une atmosphère aventureuse, malgré ses qualités, l’album manque aussi de tout le village gaulois et de la potion magique. Sans compter sur la quasi-absence de Panoramix et d’Idéfix. Et cela se fait sentir dans cette histoire à laquelle on a du mal à s’attacher.
Dès le début, d’ailleurs, on ne la comprend pas bien, puisqu’on est brusquement catapulté dans le grand froid, avec Astérix, Obélix et Panoramix sur un traineau. C’est de manière assez bavarde qu’on va finir par trouver un semblant de cohérence dans cette ellipse, les Gaulois ressassant entre eux les raisons de leur présence à l’est – Panoramix a rêvé qu’un de ses amis chaman sarmate avait besoin d’aide, référence évidente à Tintin au Tibet.
L’autre défaut est la présence de personnages fantoches, qu’on déplorait déjà dans La Fille de Vercingétorix. Comme s’il n’avait rien à faire dire, rien à faire faire à nos deux Gaulois préférés, Jean-Yves Ferri recourt à de nouveaux personnages plus agaçants qu’attachants, sans intérêt et sans profondeur autre que celle de n’être que de grossières caricatures. C’était le cas d’Adrénaline, stéréotype de l’adolescent(e), c’est le cas de ces Amazones sarmates qui semblent ne servir qu’à entourer Astérix et Obélix, sans réelle utilité, à part celle d’être des femmes fortes. Faut-il vraiment ancrer Astérix dans la modernité ? L’histoire de Gaulois bénéficiant d’une potion magique rendant invincible a-t-elle besoin de comporter des enjeux réalistes et actuels ?
Certes, les précédents albums d’Astérix étaient déjà ponctués de personnages nouveaux, rencontrés au gré des voyages, mais ils avaient tous leur personnalité et leur intérêt. Ils étaient typiques, folkloriques, faisaient avancer l’histoire. Ici, il est assez dommage que des Amazones soient si ternes.
Remplissant les cases, elles remplissent aussi l’histoire, autant que ces Romains poursuivis – on passera sous silence la présence d’un Romain caricaturé en Michel Houellebecq, pas vraiment propice à réjouir l’aventure. Y a-t-il autre chose qu’une poursuite dans ce récit ? Pas vraiment. C’est bien peu, quand Goscinny nous avait habitués à des successions de péripéties dans un seul album. Pensons, par exemple, au Bouclier Arverne ! Ici, il n’y a même pas de voyage, puisqu’on rejoint les Gaulois directement au village des Sarmates.
Les points forts de cet opus
Ainsi, si l’aventure n’est pas au rendez-vous, on se console avec l’humour, appréciable dans le texte comme dans l’action, souvent grâce à Obélix, mais aussi grâce à ces pauvres Romains, qui, même sans potion magique, mordent toujours la poussière (en l’occurrence, la neige).
La propreté des dessins, dont on commence pourtant à avoir l’impression qu’ils s’éloignent peu à peu des Astérix d’origine (traits, mais surtout composition et couleurs) est aussi un point fort de cet album qui a le mérite de nous plonger dans des étendues de neige pas le moins du monde monotones, bien au contraire. Et cette variation avec le canon d’Astérix est peut-être tout simplement due à la modernité des techniques de dessin et de colorisation.
L’autre point fort, c’est aussi ce peuple des Sarmates. Non seulement ils renouvellent les peuples étrangers que rencontrent Astérix et Obélix, mais ils parviennent aussi à nous intriguer. On aurait même aimé en apprendre davantage sur eux, leurs rites et leur mystérieux griffon… Mais comme l’explique Jean-Yves Ferri, le but n’est pas de faire un cours d’Histoire ou un album trop didactique. Derrière le texte tout de même, se dévoile çà et là une portée symbolique, dissimulée dans cette expédition pour piller la créature fantasmagorique d’un peuple dont on ne sait rien, et la rapporter au cirque !
En bref, Astérix et le Griffon est une petite déception. Sans être un mauvais album, il n’en est pas pour autant une aventure très intéressante ou franchement mémorable. Rien ne détonne vraiment, rien ne conquiert, ne marque ni ne donnera envie de relire et l’on se sent loin du village gaulois. On apprécie tout de même l’effort d’imagination et ce changement de paysage.
Jean-Yves Ferri devrait cependant nous proposer des scénarios plus consistants et moins superficiels, et oublier les caricatures qui se veulent dans l’air du temps.
Astérix a toujours été une bande-dessinée bien remplie. On admet que dans le cas de cette série, la barre est placée très haut, Astérix et le Griffon est donc une bonne bande dessinée, mais pas vraiment un bon Astérix…
Astérix et le Griffon, Jean-Yves Ferri, Didier Conrad
Editions Albert René, octobre 2021, 48 pages