Tous les ans en septembre, pour la rentrée littéraire, les éditions de L’Iconoclaste frappent fort. Après le best-seller d’Adeline Dieudonné, La vraie vie, ou encore Liv Maria de Julia Kerninon, c’est au tour de Mon mari de Maud Ventura de défrayer la chronique, allant même jusqu’à être qualifié d’« irrésistible » par la grande Amélie Nothomb. Et pour cause, le premier roman de Ventura fait énormément parler de lui. De tous les chevaux de course sur lesquels la maison a misé, il semble évident que Mon mari ira loin. Et pourtant, l’absence d’intrigue et les nombreuses longueurs peuvent laisser perplexe sur ce succès fulgurant.
La thématique de l’amour conjugal revisitée
Dès l’été, le petit écrin à la couverture rétro est aperçu partout, notamment sur la toile. En novembre, on peut même voir quelques affiches disséminées dans le métro Parisien. Dithyrambiques sont les critiques à l’égard du livre, lauréat de plusieurs prix littéraires, chouchou de la presse. Pourtant, à première vue, la thématique n’est pas très originale : l’amour conjugal représenté par une femme éperdument amoureuse de son mari.
Mais la singularité de ce roman réside dans la dilection extrême, névrotique que cette femme porte à son mari, n’hésitant pas à l’espionner, à le punir lorsqu’il ne répond pas à ses attentes, oublie de lui dire bonne nuit, ou jette une oeillade un peu trop prononcée à la serveuse du restaurant.
C’est ainsi que le début prête à sourire. Une belle femme, mariée à un époux formidable, deux têtes blondes, une grande maison dans un quartier résidentiel. Une « desperate housewife » version moderne. Alléchant. Mais qu’est-ce qui se cache derrière cette perfection ?
Une intrigue inexistante
Si les premiers chapitres sont entraînants, le lecteur peut vite être lassé de ces « mon mari » à tout va. Au fil des pages, il est difficile de s’accrocher à la lecture tant l’histoire est vide. Pas de fil rouge, pas d’intrigue, pas de suspense, juste le quotidien d’une femme folle (c’est le cas de le dire) de son mari, soumise au joug de son attention fluctuante. Les digressions sont nombreuses, l’écriture, au départ sèche et piquante, finit par devenir laborieuse, avec ces phrases courtes, ces tribulations absurdes et sans fin, ces redondances à chaque début de chapitre.
Une jolie plume desservie par une histoire peu fouillée et trop irréaliste
Difficile également de s’identifier ou de s’attacher au personnage principal, ni de croire à l’histoire tant elle est fantasque. Une mère de famille mariée depuis quinze ans qui n’ose toujours pas aller aux toilettes lorsque son mari est présent ? Un homme trompé par sa femme, chez lui, conscient de cet infidélité, qui s’en amuse et ne lui en tient pas rigueur ? Trop irréaliste pour être percutant. On peut également regretter le manque d’explication de ce comportement (une enfance douloureuse ?) de la part de l’autrice ou l’absence d’analyse plus approfondie sur la dépendance affective.
L’unique point positif, et il faut bien le souligner, est la plume de Maud Ventura, qui, sans conteste, écrit bien. Un vocabulaire riche, des phrases intelligemment construites et pleines de sens. Mais cela ne suffit hélas pas à annihiler l’ennui, l’ennui profond qu’inspirent les longueurs récurrentes de ce roman.
Finalement, on en vient même à s’interroger sur la mécanique de fabrication du best-seller : est-ce le succès authentique qui érige un livre au sommet ou l’éditeur qui fomente un coup marketing chaque année en investissant l’ensemble de la promotion sur un ouvrage « mainstream », susceptible de plaire à tous ? À la lecture ardue de Mon mari, il nous est permis d’en douter.
Si le sujet vous intéresse, laissez glisser entre vos doigts les pages de Je l’aime de Loulou Robert. Bien plus haletant.
Mon mari, Maud Ventura
Éditions de l’Iconoclaste, août 2021, 350 pages