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« L’Histoire de l’esclavage et de la traite négrière » dans la collection Librio

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Flammarion publie dans sa collection « Librio » L’Histoire de l’esclavage et de la traite négrière, ouvrage collectif placé sous la direction de l’auteur et éditorialiste Marc Cheb Sun. Comme le stipule le sous-titre de cet opuscule, « dix nouvelles approches » sont proposées pour éclairer le fait racial et esclavagiste.

La collection « Librio » est réputée pour ses ouvrages succincts et didactiques. Des spécialistes y vulgarisent régulièrement des matières complexes, comme cela a récemment été le cas sur l’écologie. En quelques dizaines de pages, les auteurs parviennent à tendre la main au lecteur et à l’aider à mieux appréhender des sujets qui ne paraissent pas toujours des plus accessibles. Le revers de la médaille, naturellement, c’est que l’on reste généralement à la surface des choses, les opuscules ne constituant qu’une brève entrée en matière. L’Histoire de l’esclavage et de la traite négrière ne déroge pas à la règle, puisqu’il évoque des thèmes attendus tels que le commerce triangulaire, le Code noir, le colonialisme, quelques fondateurs de théories racialistes ou encore la révolte haïtienne menée par Toussaint Louverture. Mais il va parfois un peu plus loin, en s’intéressant par exemple spécifiquement à Alexandre Dumas ou aux ports français dont l’activité a jadis été dopée par l’esclavage.

La productrice Fanny Glissant rappelle que l’esclave se définit avant tout par sa force de travail, qui apparaît comme son unique fonction sociale. Elle explique que l’esclavage ne repose initialement pas sur des bases « raciales », puisqu’il a existé des esclaves dans la Grèce ou la Rome antiques. Ce n’est qu’avec la traite transatlantique, mêlant esclaves noirs et propriétaires blancs, qu’un imaginaire en deux couleurs a émergé. L’abolition de la traite en 1807 n’a pas empêché l’esclavage de perdurer : le ventre des femmes est alors devenu le centre d’une nouvelle bataille, celle de la reproduction et de l’extension des groupes serviles. La malédiction de Cham a permis de légitimer à l’aune du religieux un système qui hiérarchise et asservit les hommes. Dans le second chapitre, Myriam Cottias revient sur différentes formes de résistance, individuelle comme collective : le suicide, les mutineries, le marronnage, les rébellions ont été pour les esclaves autant de moyens d’échapper à leur condition.

Plus loin, la politologue féministe Françoise Vergès s’intéresse au rôle des femmes dans la lutte contre l’esclavage, tandis qu’Aline Helg, professeur émérite d’histoire des Amériques, se penche sur le mouvement abolitionniste. La question économique occupe également une large place dans l’opuscule. Les réparations financières adressées aux anciens propriétaires d’esclaves, le développement de la vallée de la Loire, l’expansion du commerce international, l’essor de l’économie maritime ou encore l’activité des ports de Nantes, de La Rochelle ou de Bordeaux constituent autant de sujets évoqués au regard de la traite et de l’esclavage. L’historien Pascal Blanchard nous explique de quelle manière esclavagisme et colonialisme se sont superposés avec une mission civilisatrice censée justifier le second quand le premier devenait peu à peu inacceptable. L’abolitionniste Victor Schoelcher est symptomatique de cet entre-deux : opposé à l’esclavage, il croyait en revanche à la pertinence du système économique colonial et a contribué aux remboursements des propriétaires « lésés ».

L’Histoire de l’esclavage et de la traite négrière comporte également une dizaine d’encadrés portant sur des points précis évoqués dans l’ouvrage : les saint-simoniens, la charte de Manden, l’expression « nègre littéraire », le Code noir, Sojourner Truth ou encore les colonies de plantation. En dépit d’un format plutôt chiche, l’opuscule se signale finalement par sa densité et sa capacité à saisir l’esclavage par ses multiples aspects.

L’Histoire de l’esclavage et de la traite négrière, ouvrage collectif sous la direction de Marc Cheb Sun
Librio, mai 2021, 96 pages

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