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Hermione Granger rejoint « La Fabrique des héros »

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

La collection « La Fabrique des héros » des éditions Les Impressions nouvelles accueille un nouvel opuscule, consacré à Hermione Granger et sous-titré « Lectrice de Harry Potter ». L’auteur Tanguy Habrand, maître de conférences à l’Université de Liège, y questionne son amour des livres, son altruisme, son esprit critique ou encore ses origines moldues. Tout en lui accordant la place qui lui revient de droit.

« Lectrice de Harry Potter ». C’est peut-être pour répondre à un complexe d’infériorité, ou à un sentiment d’illégimité, que la moldue Hermione Granger compulse attentivement tous les ouvrages de magie qui lui tombent sous la main. Il faut dire que le monde parallèle des magiciens – régi par ses propres lois, symboles, ministères ou médias – se montre parfois peu enclin à l’ouverture. Tanguy Habrand rappelle par exemple dans son opuscule que la maison Serpentard, l’une des quatre de Poudlard, s’attachait à exclure ces individus nés d’une famille sans pouvoir, et vus d’un œil d’autant plus critique qu’ils étaient supposés appartenir à un ordre inférieur (idée que l’auteur bat en brèche).

Comme elle l’a déjà réalisé à l’endroit de Batman, Nosferatu ou Dark Vador, la collection « La Fabrique des héros » accueille Hermione Granger avec cette promesse sous-jacente : radiographier la personne (Emma Watson), le personnage (Hermione) et la persona (ses représentations les plus usuelles). L’ouvrage s’ouvre d’ailleurs sur une analogie entre l’engagement politique d’Emma Watson, adepte du bookcrossing et à la tête d’un club de lecture, et la passion dévorante d’Hermione pour la lecture. Tanguy Habrand ne manque pas une occasion de narrer sa course contre le temps dans le but d’apprendre et l’avance qu’elle en tire dans son parcours à Poudlard, tant en ce qui concerne la magie que son environnement immédiat. L’auteur y apporte toutefois des nuances importantes : la figure de l’élève je-sais-tout se double d’une humanité débordante (l’exemple de son combat progressiste en faveur des elfes de maison en atteste) et d’un altruisme à toute épreuve (tôt exprimé à destination de Neville), tandis que sa connaissance fine du milieu dans lequel elle évolue lui permet quelques raccourcis commodes (Tanguy Habrand parle même de hacking).

Par le truchement d’Hermione, Tanguy Habrand analyse les systèmes médiatiques différenciés (mais en miroir) des deux mondes de Harry Potter. Il inscrit d’ailleurs l’élève dans une gradation critique, de la sacralisation des livres à leur interrogation cartésienne, lui permettant de désamorcer propagande et désinformation en identifiant les sources problématiques. Il rappelle ce que sa caractérisation et sa persona doivent à son physique ingrat (ses cheveux, sa dentition) et à une popularité en berne, résultat de résultats scolaires spectaculaires et d’un cruel manque de facétie. Ses relations avec Ron, Drago ou ses différents professeurs sont passés au crible, au même titre que sa place dans la saga – et de sa propension à phagocyter, par moments, l’espace dévolu à Harry.

Hermione Granger permettra aux amateurs de Harry Potter de décentrer le regard et de s’exposer, peut-être, à de nouvelles grilles de lecture. Il éclaire surtout un personnage féminin fort, attachant, en voie d’initiation, auquel tout un chacun peut s’identifier. Une élève assidue, complexe, faisant montre de sensibilité à l’égard des plus vulnérables et de courage face à ceux, nombreux, porteurs d’injustices et de vilenies. La problématisation proposée à cet égard par Tanguy Habrand est passionnante, limpide et étayée.

Hermione Granger : Lectrice de Harry Potter, Tanguy Habrand
Les Impressions nouvelles, novembre 2022, 144 pages

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