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« Atlas des lieux littéraires » : de Oz à Gotham City

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Les Éditions Format ont récemment publié un très bel Atlas des lieux littéraires, que l’on doit à l’auteure espagnole Cris F. Oliver et à l’illustrateur Julio Fuentes. Tous deux emmènent leurs lecteurs dans des espaces fictifs qui ont souvent peuplé notre imaginaire : la chocolaterie Wonka, la Cité d’Émeraude, le Village de Capricorne ou encore la Terre du Milieu.

Cet Atlas des lieux littéraires n’est pas seulement une invitation au voyage. En s’emparant d’espaces fictifs supportant une mythologie souvent foisonnante, Cris F. Oliver et Julio Fuentes rappellent que la littérature – et le cinéma – ont souvent érigé la ville, dans une acception large, en personnage à part entière. Cette dernière peut se distinguer par une typologie singulière, par les résonances qu’elle entretient avec les protagonistes – c’est évidemment le cas dans Batman, 1984 ou Peter Pan –, mais aussi pour l’imaginaire qui y est déployé, parfois plus significatif et séminal que les intrigues elles-mêmes. Enchâsser Bruce Wayne dans une île à l’architecture gothique, mais bientôt modernisée, sise à quelques kilomètres du New Jersey, et investie de conglomérats aux finalités troubles (GothCorp), d’un asile (Arkham), d’un casino (l’Iceberg), d’un district pauvre (l’East End), de complexes sportifs (le Gotham Stadium) et même d’une Allée du Crime, c’est ancrer le super-héros philanthrope dans un réalisme crépusculaire. Dans ce cas précis, bien qu’habitant un manoir situé à l’extérieur de Gotham City, l’entité duale Bruce Wayne/Batman a bel et bien été façonné par cette dernière : ses parents y ont été assassinés, son alter ego y est né et chaque coup porté à la ville l’affecte personnellement.

L’Atlas des lieux littéraires s’ouvre toutefois par un chef-d’œuvre d’anticipation dont les principaux reliefs tiennent précisément à la ville (Londres) et son organisation politique (l’Océania est une dictature implacable, où la surveillance et le mensonge ont été hissés au rang de principes de gouvernance). Dans 1984, George Orwell imagine des Maisons de la Victoire composées d’appartements délabrés dans lesquels trône un télécran mêlant propagande et télésurveillance. Les principaux ministères ont une apparence pyramidale, trois superpuissances rivales semblent s’adonner à une guerre fictive et des baraques en bois peuplent les lieux. Partout, des affiches à la gloire de Big Brother rappellent aux citoyens à qui doit aller leur fidélité. Le Centre de la Terre de Jules Verne, avec sa caverne de cristaux, sa forêt de champignons et son cimetière d’ossements, Oz de L.F. Baum, avec sa Cité d’Émeraude, son pays des Giroflins et ses champs de coquelicots ou encore la chocolaterie Wonka, avec son ascenseur de verre, ses mines de caramel, sa salle aux noix ou sa piscine de citronnade figurent tous en bonne place dans l’ouvrage. Et l’auteur y ajoute parfois des informations insolites, plus détaillées, voire thématiques : on apprend ainsi quelles sont les friandises à goûter chez Willy Wonka, à partir de quels héros littéraires Batman a été créé ou les inspirations de George R.R. Martin pour Le Trône de fer.

Pour mesurer à quel point un univers peut se montrer iconique, onirique et/ou féérique, on peut évidemment se reporter à plusieurs entrées de cet Atlas des lieux littéraires. Parmi elles, on citera les incontournables Pays des Merveilles et Poudlard. Qui ne connaît pas la maison du lapin blanc, la mare aux larmes, la maison de la Duchesse ou, dans l’univers du magicien à lunettes, la cabane de Hagrid, les escaliers mobiles de l’école ou le terrain de Quidditch ? Non seulement ces lieux sont marquants, mais ils conditionnent en grande partie la capacité d’émerveillement du lecteur/spectateur. Dans ces récits, il est en effet amené à épouser le point de vue de protagonistes en pleine initiation et partant, à vivre leurs aventures et tâtonnements par procuration. Cris F. Oliver et Julio Fuentes ne cessent finalement de le marteler : la magie littéraire s’inscrit souvent dans le cadre spatial qui enveloppe les protagonistes, tant dans des univers dystopiques que féériques.

Atlas des lieux littéraires, Cris F. Oliver et Julio Fuentes
Éditions Format, juin 2021, 130 pages

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