Chaque nouveau livre de Stephen King est un événement éditorial. S’il ne figure pas parmi les plus grandes réussites de l’écrivain, Après reste un bon divertissement qui bénéficie du savoir-faire de son célèbre auteur.
Jamie Conklin rentre chez lui après une journée de CP forcément très chargée. Il rapporte un dessin, qu’il trouve splendide, représentant une dinde verte. Sur le palier, avec sa maman, il rencontre le couple des voisins, des retraités, les Burkett. Il discute un peu avec Mrs. Burkett pendant que sa mère essaie de consoler Mr. Burkett.
Mr. Burkett qui est soudainement veuf, sa femme étant morte quelques heures plus tôt.
Ce qui n’empêche pas le petit Jamie de continuer à tailler le bout de gras avec la voisine fraîchement décédée. Sans en être nullement effrayé : ce n’est pas la première fois que cela lui arrive.
Jamie Conklin ne se contente pas de voir des morts, il peut leur parler. Et ce pendant une durée variable d’un individu à l’autre, mais relativement courte (quelques jours seulement, après quoi il disparaissent, comme s’effaçant ; c’est d’ailleurs leur capacité à parler qui s’estompe en premier). Il a même découvert que les morts sont obligés de dire la vérité lorsqu’on leur pose une question.
À ce moment-là, n’importe quelle personne un tantinet habituée au monde du fantastique-horreur se dit : “un gamin qui voit des morts, on a déjà vu ça il y a des années”.
Évidemment, mais King est assez malin pour en avoir conscience et jouer avec ça. D’ailleurs, Jamie, qui est le narrateur à la 1ère personne de ce roman, cite le film de M. Night Shyamalan dès le deuxième chapitre, pour mieux pouvoir s’en débarrasser. En effet, Après n’est pas du tout un plagiat du Sixième Sens, mais bel et bien un roman assez typique de la bibliographie de Stephen King.
D’abord, King retrouve ici ses personnages d’enfants/adolescents qui avaient peuplé ses romans des années 70-80 comme Carrie, Charlie, Christine ou Ça. L’écrivain américain sait parfaitement bien décrire le monde mental de ses jeunes protagonistes. Ainsi, Jamie, gamin, n’est pas du tout effrayé par son don, qu’il estime naturel, avec cette simplicité qu’ont les enfants pour accepter tout ce qui se produit comme étant “normal”.
King ne donne aucune explication à ce don : comme le “Shining” dans le fameux roman de 1977, ce don existe, c’est tout. Et comme le “Shining”, ce n’est pas le don en lui-même qui crée les ennuis. C’est une règle générale chez Stephen King, l’horreur intervient par la folie des humains, le surnaturel ne faisant souvent que mettre cette folie en évidence. En cela, le final du roman (sur lequel nous ne donnerons aucune précision pour ne rien divulguer) est typique de Stephen King, avec un personnage caractéristique de ces méchants qui donnent libre cours à leur folie délirante.
Jamie, qui écrit sa propre histoire, nous avertit dès le début : il n’est pas un écrivain professionnel. De fait, le roman semble presque écrit “au fil de la plume”, le narrateur faisant fi de la chronologie pour raconter les événements tels qu’ils lui viennent à l’esprit. Cela cache cependant une belle maîtrise de la construction du roman par King, qui met en place son action petit à petit.
Après est un roman qui prend son temps pour s’installer. Certes, le don de Jamie nous est décrit dès les premières lignes, mais l’intrigue prend le temps nécessaire pour se mettre en place. King s’arrange pour décrire les personnages et les enjeux, afin de nous amener logiquement à un final terrible.
Le roman prend donc un rythme qui semble tranquille. Beaucoup d’éléments paraissent être de vaines digressions, avant de trouver une place dans l’ensemble. Seule la révélation finale, détachée de l’intrigue principale du roman, peut paraître inutile, voire un peu lourde, mais cela ne concerne que deux pages dans l’ensemble du livre.
Après est un roman court (moins de 350 pages : pour du Stephen King, c’est même très court) qui se lit rapidement grâce à un système de chapitres très courts (certains chapitres ne font qu’une page !). Si le roman ne figurera pas parmi les plus grandes réussites de l’écrivain, ni même parmi ses romans les plus intelligents, il constitue un agréable divertissement, bien ficelé, à l’ambiance agréable saupoudré d’un soupçon d’horreur (mais pas trop quand même).
Après, Stephen King
Albin Michel, novembre 2021, 330 pages