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Profession : Reporter, d’Antonioni, sort en un prestigieux coffret chez Carlotta

Le 20 juin, les éditions Carlotta sortent un magnifique coffret qui rend hommage à la beauté et la richesse d’un des films les plus célèbres de Michelangelo Antonioni, Profession : Reporter.

Depuis deux ans et demi maintenant, les éditions Carlotta sortent des Coffrets Ultra-Collector contenant un livre inédit, un Blu-Ray et un ou deux DVD. Après Body Double, L’Année du Dragon ou Little Big Man, entre autres, voici le dixième coffret, consacré au superbe film de Michelangelo Antonioni Profession : Reporter, avec Jack Nicholson et Marie Schneider.

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Ce coffret contient donc une nouvelle restauration HD du film. Les suppléments sont principalement centrés autour du cinéaste lui-même, son œuvre, les thématiques de sa filmographie. On y trouve aussi un bref documentaire passionnant où Antonioni analyse le fameux avant-dernier plan du film, un prodigieux plan-séquence de sept minutes. Quant au livre de 160 pages, placé sous la direction de Dominique Païni (qui avait été le commissaire d’une exposition Antonioni à Ferrare en 2011), il recueille des documents d’époque (critiques du film, interview avec le réalisateur) et des articles d’analyse écrits spécialement pour cette édition par différents auteurs.

Ce procédé est idéal pour rendre compte de la diversité et de la richesse de Profession : Reporter. Au lieu d’avoir fait un livre qui explique le film et n’en donne qu’une vision unique et tronquée, Dominique Païni a insisté pour nous donner différentes pistes de réflexions, depuis le décor désertique jusqu’au questionnement sur l’objectivité du regard, en passant, bien entendu, par les thèmes de la liberté ou de la mort. Cette édition ne cherche pas à donner une lecture exhaustive du film qui serait forcément réductrice par rapport aux propos du cinéaste, mais incite à regarder Profession : Reporter avec plus d’attention, à accorder plus d’importance aux moindres détails.

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Car rien n’est laissé au hasard dans ce film, ni les personnages, ni la présence ou l’absence de musique, ni, évidemment, les cadrages, le choix des lieux de tournage, etc. En cela, les différents entretiens avec Michelangelo Antonioni nous montrent comment le réalisateur a travaillé son film, depuis ses intentions de départ jusqu’au résultat final.

« C’est l’histoire d’un homme qui va en Afrique pour tourner un documentaire. Il se trouve devant l’opportunité de prendre la personnalité d’un autre et, pour des raisons personnelles qui lui ont provoqué une profonde frustration, il se jette dans cette aventure avec l’enthousiasme de celui qui croit aller à la rencontre d’une liberté inespérée (…).Nous avons tous désiré, au moins une fois, changer d’identité. »

Voilà comment Michelangelo Antonioni présente Profession : Reporter.

Nous avons donc David Locke, journaliste anglo-saxon (britannique de naissance mais ayant été formé aux États-Unis) qui parcourt un pays d’Afrique pour faire un documentaire sur un dirigeant attaqué par une guérilla rebelle. Cela permet à Michelangelo Antonioni de mener une réflexion sur l’objectivité du regard. Peut-on traiter un sujet de façon vraiment objective ? N’est-on pas prisonnier de notre façon occidentale de voir le monde ? Et si, finalement, les images de la « réalité » en disaient plus sur leur auteur que sur le monde lui-même ? « L’observation de la réalité est impossible si ce n’est sur le plan poétique », dira Antonioni.

Ce thème du journalisme fournira aussi une esthétique au film. Profession : Reporter veut se donner l’image d’être tourné comme un reportage. Mais cela ne doit pas masquer le fait que chaque plan est parfaitement travaillé : les cadrages, le rythme, rien n’est laissé au hasard et tout est significatif.

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Dans un hôtel au milieu du désert, Locke tombe par hasard sur le cadavre d’un homme qu’il avait déjà rencontré, David Robertson. Les deux hommes se ressemblent beaucoup, et en regardant ce corps, le reporter saisit l’occasion de changer d’identité. Prendre l’identité de quelqu’un d’autre, pour repartir à zéro. Changer de vie, à la fois pour effacer les frustrations de son existence actuelle, que Locke perçoit comme une impasse (voir, au début, cette image hautement symbolique de la jeep ensablée) et pour accéder à un sentiment de liberté (qui culminera avec ce plan où Locke/Robertson semble voler au-dessus de la mer, depuis un téléphérique).

Une liberté qui est bien entendu parfaitement illusoire. Comme l’indique son nom, Locke est enfermé. Nous ne pouvons pas échapper à ce que nous sommes, que ce soit individuellement ou culturellement. C’est là, bien entendu, que le film atteint une dimension politique importante. La place de Locke/Robertson par rapport à l’Afrique, par exemple, reste celle d’un Occidental : le reporter avait le regard paternaliste des Européens envers les dictateurs africains, ne bronchant pas face aux énormités proférées par des chefs d’état autoritaires et filmant avec une certaine complaisance l’exécution des rebelles ; dans sa nouvelle vie, il prend la peau d’un trafiquant fournissant des armes à ces mêmes rebelles. Dans les deux cas, le regard reste le même, celui d’un Occidental hautain et convaincu de sa supériorité.

C’est bien entendu la vanité de cette volonté de changer qui apparaît assez vite. On a beau changer de nom et courir les pays, du Tchad à l’Espagne en passant par la Yougoslavie ou même Londres, on ne peut pas changer ce que nous sommes. Le mouvement peut donner l’illusion de liberté, mais dès que la fuite en avant s’arrête, la réalité resurgit.

Partant de là, c’est bien entendu la notion même de liberté qui est questionnée.

A cela, il faudrait rajouter encore tellement d’autres pistes de réflexion : l’emploi très symbolique du désert, le face-à-face avec la mort, la représentation du monde, etc. Profession : Reporter est un film d’une richesse inépuisable, et cette édition lui rend parfaitement hommage.

Profession : Reporter : Bande-annonce

Caractéristiques du DVD :

Nouveau master restauré
PAL
ENCODAGE MPEG-2
Version originale / Version Française Dolby Digital 1.0
Sous-titres Français
Format 1.85 respecté
16/9 compatible 4/3
Couleurs
121 minutes

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Caractéristiques du Blu-Ray :

Master Haute Définition
1080/23.98p
ENCODAGE AVC
Version originale / Version Française DTS-HD Master Audio 1.0
Sous-titres Français
Format 1.85 respecté
Couleurs
126 minutes

Suppléments :

Antonioni à propos de Profession : Reporter (5 minutes)
Antonioni, La dernière séquence (14 minutes)
Antonioni vu par Antonioni (21 minutes)
Mensonge amoureux (12 minutes)
Michelangelo Antonioni, le regard qui a changé le cinéma (56 minutes)
Bande-annonce 2005