Ce mercredi 6 décembre débarque dans un coffret limité La Planète des Vampires. Édité par La Rabbia, le film culte de Mario Bava nous revient avec une envoûtante copie 4K. Une œuvre certes imparfaite, mais une expérience cinématographique rare.
Synopsis : Les vaisseaux spatiaux Argos et Galliot s’approchent d’une planète inconnue dont provient un mystérieux signal. Soudain, l’Argos est pris dans une force d’attraction magnétique faisant perdre connaissance à tous les membres de l’équipage, à l’exception du commandant Mark qui parvient à effectuer les manœuvres nécessaires à l’atterrissage. Après que le vaisseau a touché le sol, Mark a cependant la surprise de voir ses compagnons saisis par une rage homicide, dont ils n’ont plus aucun souvenir une fois qu’ils sont revenus à leurs esprits. L’atmosphère extérieure s’avérant respirable, les astronautes se mettent en route pour rejoindre le Galliot qui s’est posé non loin, mais en arrivant, ils constatent que tous les membres de l’équipage se sont entretués. Les deux vaisseaux étant hors d’usage, les survivants se retrouvent donc coincés sur cette étrange planète, désormais convaincus qu’il s’y tapit une force invisible vouée à les mener à leur perte…
L’expérience de la création
La Planète des Vampires n’est pas le plus grand film de science-fiction, quand bien même Nicolas Winding Refn, associé à la remasterisation 4K du long métrage de Mario Bava, ne cesse de le déclarer, tout en dénonçant avec vigueur un plagiat de l’œuvre par Ridley Scott et Dan O’Bannon pour Alien. Le cinéaste danois entretient le concept dont il s’imprègne de plus en plus. Ce concept tient en la mise en lumière (publique) d’un égo important entiché de phrases provoc’ qui sont parfois loin d’être insensées. On retiendra, amusés, cette déclaration d’ouverture du documentaire Planète Bava présent dans les bonus de la galette Blu-ray : « Il faut abandonner tout espoir de normalité lorsqu’on pénètre dans le monde de Mario Bava. Parce ce qu’il représente tout ce que je suis. »
Passons sur les révélations du Saint Nicolas Winding Refn qui oublie de dire que le long métrage de 1965 est l’adaptation d’une nouvelle de science-fiction nommée Una notte di 21 ore (Une nuit de 21 heures) écrite en 1960 par Renato Pestriniero. La Planète des Vampires reprend avec fidélité son intrigue de science-fiction dont on retrouvera les motifs à de très nombreuses reprises dans l’histoire du genre : la possession du corps par des esprits aliens a été mise en scène dans Star Trek : on peut penser au Retour sur soi-même (Return to Tomorrow, saison 2, épisode 20, 1968) ou encore à L’Importun (Turnabout Intruder, saison 3, épisode 24, 1969) ; et Alien bien sûr, qui porte consciemment l’héritage du film de Bava d’ailleurs revendiqué par Scott et O’Bannon. On peut même remonter plus loin dans le temps et supposer que la nouvelle ait elle-même été influencée par It ! Terror from beyond space d’Edward L. Cahn, qui est aussi la deuxième source d’inspiration d’Alien. Réalisé en 1958, le métrage suit la deuxième expédition marsienne chargée de retrouver les membres du premier voyage. Ces derniers ont bien atterri sur le sol rouge, mais ne donnent plus signes de vie. Le seul survivant retrouvé est suspecté d’avoir assassiné ses comparses, mais la vérité est toute autre : une créature résidente de la planète est à l’origine de ces morts. Sans émotions, elle va éliminer un à un les membres de la deuxième expédition lors de son retour vers la Terre. Et on note bien d’autres influences qui ont pu inspirer l’auteur de la nouvelle comme les scénaristes du film :
« Bien sûr, Bava et ses scénaristes s’étaient eux-mêmes largement inspirés des classiques de la SF américaine des années 50. La possession de l’enveloppe corporelle des humains par des extraterrestres rappelle Invaders From Mars (1953) de William Cameron Menzies ou L’Invasion des profanateurs de sépultures (1956) de Don Siegel, tandis que la situation de huis-clos évoque La Chose d’un autre monde (1951) de Howard Hawks. On pense aussi très fort à Planète Interdite (1956) de Fred McLeod Wilcox, pour l’arrivée sur un astre habité par une puissance psychique immatérielle. »
– La Planète des Aliens ?, Livret de l’édition
La Planète des Vampires n’est donc pas une histoire de S-F qui brille par son originalité, ni un film réussi sous tous les aspects : la force de l’œuvre n’est pas dans son scénario qui fait beaucoup tourner en rond ses personnages, ni dans l’interprétation pauvre de ces derniers servie par un casting sans envie ni passion. En effet, les acteurs pensaient tourner dans une série Z. Mais allons-au delà des costumes kitsch des spationautes, passons sur les quelques effets spéciaux déjà désuets à l’époque, et oublions notre impossibilité à croire en certains décors débordant de cache-misère. Le long métrage de Mario Bava un succès, mais en quoi l’est-il ?
Plus tard, dans le même document bonus, arrive le sage et raisonné discours du cinéaste et cinéphile Christophe Gans. L’érudit explique ainsi :
« Les gens qui pensent que le cinéma, effectivement, c’est une question d’acteurs, de dialogue, de scénario, évidemment le film ne leur est pas destiné. Il est destiné à d’autres personnes qui s’intéressent beaucoup plus à ce qu’on peut appeler l’acte créatif, dans ce qu’il a parfois de plus spontané, et même de plus pauvre. (…) Bava est seul maître à bord : le film n’existe qu’à travers sa compétence technique et son acte créatif. (…) C’est de la série B à l’os (…) et Bava est l’homme, le seul derrière la réussite de La Planète des Vampires. »
Tout est dit. Regarder La Planète des Vampires, c’est vivre l’expérience de l’acte créatif. Ou comment un seul homme a œuvré sur tous les fronts – des effets spéciaux aux décors en passant par la photographie – pour réaliser son film. Le réalisateur, qui est aussi l’un des cinq co-scénaristes de l’œuvre, est un cinéaste entièrement voué à son métrage. Comme le rappelle le livret fourni dans l’édition, « on sait également que Bava a été amené à terminer seul, en utilisant sa science des trucages optiques, des films dont les réalisateurs avaient déserté le plateau ou s’étaient avérés incapables de boucler le tournage dans les délais impartis, comme La Bataille de Marathon de Jacques Tourneur, ou Les Vampires et Caltiki Le Monstre Immortel, tous deux de Riccardo Freda ». Ainsi le maestro use de toute son imagination pour donner de la matière à son fragile scénario. Il voit aussi en ce projet l’opportunité de travailler la science-fiction, genre qui l’a toujours passionné. Le cinéaste livre ainsi un film qui s’avèrera être matriciel pour la science-fiction et l’épouvante moderne. On peut noter, entre autres, l’arrivée des résidents assassins via la forme de brouillard qu’on retrouvera chez Carpenter et son Fog ; la découverte d’un vaisseau alien contenant les squelettes de ses spationautes extraterrestres géants ainsi qu’un pilote resté sur son siège qu’on retrouvera dans Alien. Mario Bava use de la couleur, de la lumière, de la fumée et de ses trucs et astuces pour créer à lui seul – ou presque, notons la formidable composition musicale – un univers de science-fiction. Le cinéaste créé même un trip dans tous les sens du terme : La Planète des Vampires est un voyage sur une autre planète ; une aventure visuelle hallucinée ; un parcours qui va vous aspirer et vous faire expérimenter une forme de songe…
Remasterisation majestueuse pour une édition solide
Après été célébré au Cannes Classics de 2016 en séance spéciale puis avoir connu une ressortie au cinéma la même année par BAC Films/La Rabbia, La Planète des Vampires nous envoute enfin en vidéo. Le master 4K du film est formidable. Couleurs, lumières, détails et nuances… Le long métrage de Mario Bava, remasterisé par Italian International Film, n’aura jamais été aussi beau. Bien sûr, l’image est si précise que l’on remarque que la couche du sol du vaisseau tend à s’en détacher. Les fils « invisibles » tenant les portes des tombes se révèlent et certains effets spéciaux vous amuseront davantage qu’ils vous exciteront. Le son a bénéficié du même soin. On pourrait toutefois regretter l’absence de la piste américaine du film. N’oublions pas que le personnage principal, le Capitaine Mark Markary, est interprété par l’acteur américain Barry Sullivan, star de nombreux films noirs des années 40’ et 50’. Et disons-le, le doublage italien – soit la « version (dite) originale » – de l’acteur est loin d’être convaincant quand bien même on sait à quel point Sullivan n’était pas du tout convaincu par ce qu’il faisait, jusqu’à ce qu’il fût agréablement surpris, impressionné même, par les images du film.
Du côté des bonus, comptez sur le livret très intéressant fourni dans l’édition pour combler un manque de contenu – notamment informatif – sur la galette Blu-ray. Hormis l’intéressant documentaire d’une trentaine de minutes déjà cité plus haut, Planète Bava, et la version super 8 (et allemande) du film de seize minutes, vous ne trouverez que les bandes-annonces d’époque américaines et allemandes ainsi que celle pour sa nouvelle sortie au cinéma en 2016. Bref, de quoi regretter à nouveau l’absence de la piste sonore américaine du long métrage. Heureusement, le livret est là. Ce dernier revient sur Mario Bava, sa carrière, son parcours atypique lié à celui de son père – auquel il viendra plus tard rattacher son propre fils – et bien sûr sur le développement de La Planète des Vampires. De plus, le livret comprend un retour sur le rapport du film au genre de la science-fiction. Enfin, il contient aussi un intéressant entretien avec Lamberto Bava, fils du cinéaste.
Bande-Annonce – La Planète des Vampires
CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES
Langues : Français / Italien – Sous-Titres : Français – Son : Mono – Image : 16/9 – 1.85 – Couleur – Durée : 1h26
BONUS
– PLANETE BAVA Un documentaire de Yves Montmayeur (37mn)
avec Nicolas Winding Refn, Christophe Gans, Lamberto Lava, Fulvio Lucisano, Sergio Stivaletti, Gabriele Mayer, Luigi Cozzi
– LA PLANÈTE DES VAMPIRES en super 8 (version allemande) (16mn)
– Film-annonce US – Film-annonce allemand – Film-annonce ressortie 2016
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