« Le cinéma, c’est un désir très fort de marier l’image au son »
Angelo Badalamenti – David Lynch : Osmose Musicale
Afin d’achever notre Spéciale rétro David Lynch – que vous avez été très nombreux et nombreuses à apprécier et nous vous en remercions -, il n’est pas possible d’omettre la composition d’Angelo Badalamenti, dont la collaboration avec Lynch fut longue et particulièrement fructueuse. La musique est un récit, une peinture sonore distillant les atmosphères d’inquiétantes menaces. Une musique hantée créatrice d’univers sensoriel évoquant un monde sombre, tragique… Dans les œuvres de Lynch, la photographie, la couleur, le décor joue un rôle fondamental, ce sont des éléments de la mise en scène à part entière. Comme cette musique lynchienne qui orchestre un univers des sens sensoriels, un voile aux tonalités clairs-obscurs, dissonantes, décalées, toxiques et lyriques.
Ce voil sonore saisit le spectateur, l’enrobe, l’hypnotise en réveillant cette partie anesthésiée du psyché humain pour l’emmener vers un voyage cosmique surréaliste, une expérience sensorielle unique à travers l’exploitation des bruits comme, dans Eraserhead où l’on entend le vent hurler…Sur Elephant Man, période pré-Badalamenti, en collaboration avec John Morris, la musique est superbe. Les films de David Lynch sont des œuvres picturalement musicales. Le son lancinant d’Angelo Badalamenti, lyrique, transcendantal s’inspire de jazz avec Insensatez d’Antonio Carlos Jobim pour Lost Highway, de blues dans Mulholland Drive avec On Home de Willie Dixon, de rock classique dans Sailor et Lula avec Wicked Game de Chris Isaak, de la voix aérienne de Julee Cruise interprétant les chansons de Twin Peaks, de hard-rock, voir même du heavy-metal plus agressive avec The Perfect Drug de Nine Inch Nails, Apple of Sodom de Marylin Manson, I’m Deranged (reprise) de David Bowie, This magie Moment de Lou Reed, Driver Down de Trent Reznor, Heirate Mich de Rammstein, Eye The Smashing Pumpkins, Red Bats with Teeth et Fred & Renee Make Love, Police…d’Angelo Badalamenti encore pour Lost Highway…
Lynch débute sa collaboration avec Angelo Badalamenti en 1986, sur Blue Velvet en composant « The Mysteries of Love » chanté par Julee Cruise, une collaboration riche, une osmose musicale puisque c’est en 1990 que Lynch signe avec le compositeur « Industrial Symphonie no 1″, la composition d’une symphonie filmée. La musique est pour Lynch une toile visuelle, elle devient ainsi aussi déterminante que les acteurs et actrices. Les violons obsédants, les cassures de rythmes, les modulations contrastées, les guitares, les cordes, le piano intensifie l’action en donnant le tempo, provoque l’émotion, visualise une ambiance et la musique devient alors un instrument fascinant restituant un discours, elle modèle une histoire… L’orchestration du duo formé par Angelo Badalamenti/David Lynch traduit en image les sensations, les sentiments des personnages, elle façonne un climat, une atmosphère; cette mélodie dépeint le parfum d’une Amérique tragique et émouvante….