Séries Mania 2018 – Compétition Officielle : Ad Vitam ou la SF pour les nouilles

Présentée en Compétition Officielle, la nouvelle série de science-fiction d’Arte, Ad Vitam, accumule malheureusement trop de poncifs et se perd dans son propre univers. Intrigue convenu, dialogue à la ramasse et philosophie de comptoir, tout cela arrive bientôt sur vos écrans.

AD VITAM (de Thomas Cailley)

Synopsis: Alors qu’on pense avoir vaincu la mort, sont découverts les corps de sept suicidés, tous mineurs. Dérive sectaire, acte politique, cri d’alarme d’une jeunesse qui cherche sa place ? Darius, flic de 120 ans, mène l’enquête avec Christa, jeune fille révoltée.

Avec : Yvan Attal, Garance Marillier, Niels Schneider, Rod Paradot, Hanna Schygulla, Anne Azoulay, Ariane Labed, Victor Assié, Anthony Bajon

advitam-seriesmania2018-yvan-attalC’est peu dire que la nouvelle production de science-fiction d’Arte nous a déçu. La présence de Thomas Cailley (Les Combattants) à la réalisation et de Garance Marillier (Grave) dans l’un des rôles principaux nous intriguait fortement. Ajoutons à cela les premières images qui promettaient une esthétique léchée et nous étions en droit d’attendre un peu plus de cette nouvelle production française qui s’attaque à un genre fort peu considéré chez nous.
Et c’est peut être bien là le problème. Force est d’admettre que si l’on produit peu de science-fiction en France, c’est probablement parce qu’on ne sait pas en faire. En tout cas, pas au cinéma, ni à la télévision. Malgré quelques essais encourageant qui tentent de trouver une sensibilité française (comme le pas si mauvais Dans la Brume sorti récemment). La plupart du temps, on sent trop l’influence écrasante des productions U.S. Et si l’idée est de faire comme les américains, autant arrêter tout de suite les frais.

Il n’y a en vérité aucun problème à citer des œuvres marquantes ou à s’inscrire dans les pas de ceux que l’on a choisi comme mentor. Mais il faut aussi trouver sa propre voie au milieu de ces références. Et malgré un premier quart d’heure encourageant qui développe quelques bonnes idées (la doyenne de l’humanité qui semble avoir trente ans), Ad Vitam s’embourbe rapidement dans tellement de clichés, que l’on aurait presque envie de faire un bingo pour se maintenir éveillé. Le flic à bout, check, l’adolescente rebelle à protéger, check, les références bibliques, check, les caissons remplis de flotte, check, les animaux exotiques (ici la méduse), super, les rave party sur de la musique électro et des filtres colorés, parfait, le stand de nouilles chinoises : Bingo ! On a au moins trouvé de quoi s’occuper pour nos prochaines soirées en solitaire.

Côté histoire, les bonnes idées de base entrent rapidement en collision avec d’autres éléments, ce qui finit de casser la crédibilité de l’ensemble. Un homme dont le métier est d’annoncer la mort d’un proche dans ce futur où celle-ci appartient au passé, voilà qui est plutôt bien vu. Sauf que les règles d’immortalité sont mal définies. Il est toujours possible de se faire sauter le caisson, les accidents de la route ou les meurtres ne sont pas couverts, certains cultes religieux refusent d’échapper à la fatalité, et certaines personnes sont incompatibles au traitement… Donc la mort n’est pas aussi rare qu’ils le disent et le personnage ne sert pas à grand chose. S’ajoute à cela d’autres questions comme : pourquoi la majorité est relevée à trente ans ? Pourquoi le suicide est considéré comme un crime, alors qu’il y a un problème de surpopulation qui pointe le bout de son nez ? Est-il possible de mourir de faim ? D’intoxication alimentaire ? Depuis combien de temps l’immortalité est elle en place ? Pourquoi la doyenne de l’humanité a l’air d’avoir trente ans et le personnage principal en fait cinquante ? Et surtout, pourquoi les futurs dystopiques ont-il des stands de nouilles à tous les coins de rue ? Trop de questions idiotes en deux épisodes.

Arte semble avoir été trop sûre d’elle sur ce coup là. Persuadés d’avoir de jeunes talents sous la mains, les producteurs ont sûrement voulu laisser une totale liberté aux auteurs (ce qui est tout à leur honneur). Sauf que Thomas Cailley excellait dans le registre de l’humour décalé et pince sans rire. On sent que certaines scènes se voudraient drôles… mais l’ambiance ne s’y prête vraiment pas. Et même sa reprise du personnage de la jeune fille fataliste opposé au paumé de service (ici le flic) semble hors de propos, justement parce que le reste de la série part dans trop de directions opposées, que la pauvreté de l’écriture des dialogues peine à lier ensemble. Certains acteurs sont même extrêmement mal dirigés, ce qui va encore donner du grain a moudre aux détracteurs du cinéma de genre à la française.

Nous somme restés les deux épisodes pour être sûr de notre coup. Un tiers de la salle ne s’est pas fait prier pour sortir au bout d’une heure.

Redacteur LeMagduCiné