Le Festival international du film d’Amiens (FIFAM) a ouvert ses portes le 15 novembre 2024 avec la diffusion du film Les Prédateurs (1983). Largement consacrée à la figure du vampire, cette édition met également en avant une sélection de courts et moyens métrages. Lors de cette première journée, les films Reset, de Souliman Schelfout et Un village de Calabre de Shu Aiello et Catherine Catella.
Reset
Pietro en est convaincu : le milliardaire Bill Gates est à l’origine de la pandémie qui a frappé le monde. Il le répète à longueur de lives. Mais alors que sa communauté de followers grandit, il s’isole de sa famille et s’enfonce dans la solitude. Qu’est-ce qui a le plus de valeur à ses yeux entre son amour pour les siens et sa quête de la vérité ? Le film fait son portrait de 2019 à 2021.
Réalisation : Souliman Schelfout. Avec : Elie Salleron, Lisa Spurio, Dario Hardouin-Spurio. Durée : 49 minutes.
Reset est un film d’images et de croyances, celles qui grandissent dans la tête de Pietro et qui vont bientôt trouver une résonance grandissante avec le COVID, et les mesures de confinement qui y ont été associées. Reset est l’histoire d’une aliénation qui trouve un écho sur internet, qui grandit et qui ne sait plus comment échapper à son raisonnement implacable : Pietro se persuade d’un complot mondial de réduction de la population et les faits, les infos qu’il trouve paraissent lui donner raison. Une fois convaincu, il ne peut leur échapper même quand il croise le chemin d’un homme persuadé d’avoir été plongé dans le coma par des infraterrestres (des extraterrestres qui vivraient à l’intérieur de la Terre et non plus en dehors). On croit le voir douter et pourtant ses convictions ne flanchent pas. La réalisation le confronte autant aux images, vidéos, discours qui le confortent, et à travers lesquels – produisant son propre discours – il se sent tout puissant, qu’à ceux qui tentent de le faire revenir au réel. La force de ce docufiction passionnant est, dans une scène finale hallucinante, de faire entrer en collision le délire de Pietro et la réalité lors d’un goûter d’anniversaire. À partir de là, tout est permis et Pietro quitte définitivement Terre même sous couvert de faire triompher le bien.
Un village de Calabre
Comme beaucoup de villages du sud de l’Italie, Riace a longtemps subi un exode rural massif. Un jour, un bateau transportant deux cents Kurdes échoue sur la plage. Spontanément, les habitants du village leur viennent en aide. Petit à petit, les migrants et les villageois vont réhabiliter les maisons abandonnées, relancer les commerces et assurer un avenir à l’école. C’est ainsi que chaque jour depuis 20 ans, le futur de Riace se réinvente.
Réalisation : Catherine Catella, Shu Aiello. Durée : 1h31
Dans ce long métrage documentaire, nous suivons l’histoire folle d’un village italien qui a fait de l’accueil des personnes migrantes sa force. Force qui, dans une Italie qui penche vers l’extrême droite dès le début des années 2020, va se retourner contre cet élan de solidarité et de partage. Surtout contre la figure du maire du village, exposé et condamné dans ce qui sera qualifié de parodie de procès. Les deux réalisateurs suivent au plus près les évènements, les discours et surtout la géographie sans cesse changeante du village au gré des décisions judiciaires et politiques. Au milieu, s’organise une résistance faite de chants et de constructions communes. En filmant la vie du village, puis la manière dont il devient un désert avant de renaître à nouveau, le documentaire se place du côté des actes, de ceux qui font et pas seulement des discours. Pas de vraie voix off ici mais un véritable protagoniste qui nous raconte l’histoire face caméra depuis le village. Il dit autant qu’il agit dans le quotidien de Riace. L’action plutôt que les mots, c’est que dit très joliment l’un des protagonistes (un des premiers accueillis au village) lorsqu’il lit un discours du Pape consacré à l’accueil, et ce avant d’expliquer que le maire du village l’avait déjà fait, quinze ans plus tôt, en ouvrant ses maisons à tous les pauvres du monde. La preuve que faire ensemble n’est pas qu’une utopie, ce peut être un véritable projet de vie. Poing levé.
NB : La projection initialement prévue devait comporter deux films, issus de la compétition moyens métrages du FIFAM, mais suite à ce qu’on peut apparenter à une erreur de diffusion, seul Reset a été projeté suivi de Un village de Calabre. Or, Un village de Calabre ne fait pas partie de la programmation annoncée du festival. En revanche, les spectateurs devaient découvrir Campus monde, ils pourront se rattraper mercredi 20 novembre à 18h30 !