Avec Hi-Five, le réalisateur Kang Hyeong-chul (Sunny, Swing Kids) signe une comédie d’action qui entend revisiter le mythe du super-héros à la sauce coréenne : cinq individus ordinaires, ayant reçu des greffes d’organes, se découvrent soudain des pouvoirs extraordinaires. L’idée est séduisante, et pourrait offrir une belle variation sur la question du don, de la seconde chance ou du pouvoir partagé. Mais très vite, la légèreté que revendique le film se transforme en une forme de naïveté.
Avant tout, Hi-Five s’inscrit dans un contexte de satire sociale propre au cinéma coréen contemporain, où la comédie se mêle souvent à une critique implicite du système. Les cinq protagonistes – un scénariste raté, une ancienne championne de taekwondo, une vendeuse ambulante, un manager d’usine et un frimeur – incarnent chacun une forme d’échec ou de marginalité. Leur union forcée, après avoir reçu les organes d’un même donneur, les confronte à un antagoniste inattendu : un gourou religieux, manipulateur et mégalomane, prêt à tout pour récupérer les « fragments divins » qu’il estime lui appartenir. Ce méchant, à la fois absurde et inquiétant, donne au film un relief particulier : sous la farce se cache la peur bien réelle des dérives sectaires et de la récupération du sacré à des fins personnelles.
Comme les cinq doigts d’une main
Le film veut être drôle, tendre et spectaculaire à la fois. Le problème, c’est qu’il ne choisit jamais vraiment. Les scènes d’action oscillent entre la parodie assumée et la maladresse technique ; les dialogues comiques, souvent appuyés – notamment avec un père trop collant pour sa fille – cassent la tension dramatique avant qu’elle ne s’installe. Il en résulte un objet hybride, à mi-chemin entre cartoon et série télé, où les enjeux semblent systématiquement désamorcés par la bouffonnerie.
Cette approche pourrait fonctionner si l’ironie était pleinement assumée, comme dans Kick-Ass ou Les Gardiens de la Galaxie, mais Hi-Five demande à son spectateur une forme de candeur presque enfantine pour adhérer à son univers. Or, cette innocence forcée finit par créer une distance : on sourit, parfois, mais on peine à croire à ce qui se joue. La scène où le scénariste raté joue de la flûte avec la jeune combattante de taekwondo à distance et en symbiose, ou encore celle du bouche-à-bouche improvisé, illustrent le parfait équilibre que Kang Hyeong-chul tente de maintenir dans sa comédie d’action, où l’on peut pleinement respirer aux côtés de personnages qui se révèlent ordinaires malgré leurs grands pouvoirs et leurs grandes responsabilités.
Le film parvient à rendre ses protagonistes sympathiques, notamment grâce à la présence de Ra Mi-ran et Ahn Jae-hong, qui insufflent un vrai naturel à leurs rôles. Mais derrière leurs bons mots et leurs situations cocasses, on devine le potentiel émotionnel d’une histoire plus profonde – celle de personnes abîmées qui se reconstruisent par le don d’un autre. Ce fil dramatique, pourtant riche, est rapidement sacrifié sur l’autel du divertissement grand public. Le scénario ne creuse ni les motivations du groupe ni les implications du don d’organe : tout semble réduit à un prétexte pour enchaîner des gags visuels et des affrontements gentiment absurdes.
Une folie contenue
Visuellement, Hi-Five fait ce qu’il peut avec ses moyens et son savoir-faire : les effets spéciaux, souvent datés, trouvent pourtant une certaine justesse lors d’une course-poursuite à bord d’un chariot de yaourt, où l’inventivité visuelle rejoint enfin la folie du concept. Mais tout n’est pas au même niveau. Leur utilisation dans des séquences qui n’avaient pas besoin d’être davantage exagérées dessert parfois le film et son ton. Reste qu’il ne s’agit pas ici de rivaliser avec l’esthétique froide d’un Marvel, au style lisse et sans idée de mise en scène. Kang Hyeong-chul, lui, a des idées qui foisonnent, mais elles sont souvent plombées par un humour trop envahissant. Même le message implicite du film – la solidarité, la résilience, la valeur du collectif – reste superficiel, perdu entre deux blagues et un ralenti maladroit. On ressort avec le sentiment d’avoir assisté à une parodie involontaire plutôt qu’à une relecture inspirée du genre.
Hi-Five n’est pas un film désagréable. Au contraire, il a du cœur, un rythme correct et une sincérité certaine. Mais il repose sur une tonalité si candide, si volontairement « gentille », qu’il finit par s’épuiser dans son propre excès de bonne volonté. Là où il voulait offrir une bouffée d’air frais, il se contente d’une légèreté artificielle, presque désincarnée.
Un divertissement sympathique, sans doute, mais qui exige du spectateur qu’il suspende non seulement son incrédulité… mais aussi son exigence.
Ce film est présenté en section Évènements au FFCP 2025.
Hi-Five : bande-annonce
Hi-Five : fiche technique
Titre original : 하이파이브
Réalisation : Kang Hyoung-chul
Scénario : Kang Hyoung-chul
Interprètes : Lee Jae-in, Ahn Jae-hong, Yoo Ah-in, Ra Mi-ran
Photographie : Choi Chan-min
Montage : Nam Na-young
Décors : Kim Byeong-han
Costumes : Choi Eui-young
Musique : Kim Joon-seok
Producteurs : An Hee-jin, Lee An-na
Production : Annapurna Films
Pays de production : Corée du Sud
Distribution internationale : Next Entertainment World
Durée : 2h
Genre : Comédie, Fantastique, Action





