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FFCP 2023 : Peafowl, danse avec les morts

Jérémy Chommanivong Responsable Cinéma

Souvent liée à la célébration, la danse constitue avant tout une forme d’expression de ses émotions. C’est le procédé que Peafowl choisit d’embrasser, en suivant le retour aux sources chaotiques d’une femme transgenre. L’héroïne doit ainsi faire face aux réactions les plus venimeuses dans son village natal, alors qu’une cérémonie funéraire se prépare. Il s’agit pourtant d’une opportunité qui la réconcilierait avec ses proches, mais l’héroïne saura-t-elle retrouver ses couleurs et prendre du recul sur son identité ?

Synopsis : Myung est une danseuse de waacking courant les concours, en quête de l’argent qui lui manque pour finaliser sa transition. Mais son père, qu’elle n’avait pas vu depuis des années, décède subitement. Elle se rend à ses funérailles dans son village natal et affronte une famille conservatrice qui ne tolère pas la présence de cette femme transgenre. Quand un ami lui demande de participer à la cérémonie qui conclut les obsèques afin qu’elle touche l’héritage, elle décide de rester.

En 2020 et 2021, le court-métrage God’s Daughter Dances ne manque pas de se faire remarquer et triomphe dans une dizaine de festivals. On y met en scène l’interprète transgenre Choi Hae-jun dans une situation cocasse. En effet, son examen médical est exigé par le service militaire en Corée du Sud (obligatoire pour les hommes). Naturellement, son statut dépasse l’administration bien qu’il n’y ait aucun doute sur sa personnalité ou son identité. Le réalisateur Byun Sung-bin revient alors avec un premier long-métrage qui ausculte les réactions épineuses d’une société coréenne, qui n’est décidément pas encore prête à sauter le pas sur l’identité du genre. En ramenant de force son héroïne Myung à ses racines, toujours campée par la talentueuse danseuse Choi Hae-jun, on se laisse guider par son caractère bien trempé et dont elle n’aura jamais honte.

Ni trop clair, ni trop sombre

Des appels oppressants, un jackpot vital en tête, la musique lance rapidement Myung sur la piste d’un concours de waacking, une danse dérivée du hip-hop qui consiste à synchroniser les gestes de son corps à la musique. Ses mouvements sont agressifs et manquent de souplesse, tandis que son maquillage et ses paillettes ne peuvent dissimuler une certaine colère sur son visage. Myung semble avoir une revanche à prendre avec la vie, ce qui donne tout le sens au parcours qui l’attend au terme d’une battle qui manque d’achever tous ses espoirs de transition. Sans le montant nécessaire à son opération, qui la légitimiserait enfin aux yeux d’une société encore transphobe, Myung ne peut que compter sur l’héritage de son père, récemment décédé.

On quitte alors Séoul pour un cadre rural particulièrement hostile lorsque ses proches l’accueillent avec plus ou moins de déceptions. Malgré tout, il reste une issue dans cette mascarade, un ultime acte de réconciliation possible pour une famille que rien ne semble pouvoir rabibocher. Un vieil ami propose à Myung de venir danser au 49e jour commémoratif de la mort de son paternel en échange d’un héritage. Ce pacte suspicieux donne ainsi lieu à une introspection nécessaire, où l’héroïne déjoue tour à tour les superstitions de cet environnement conservateur.

La force principale du film réside dans le jeu de Choi Hae-jun, subtil et vulnérable. C’est toujours dans cet entre-deux que son personnage y lâche des plumes à force de vouloir s’envoler trop rapidement. Elle est un paon majestueux qui ne demande que de la considération et un peu d’affection, véritables carburants dans la lutte des LGBTQIA+ que défend le cinéaste et son équipe. Ce dernier le fait avec du style, car il n’oublie pas qu’un sujet aussi lourd nécessite un peu de légèreté. La musique est un catalyseur essentiel dans ce film, car la danse ne quitte jamais Myung. Elle s’exprime davantage avec son corps qu’avec des mots, qui sont rarement reçus avec bienveillance. Ses différentes tenues colorées l’aident également à se motiver. C’est sa manière d’exhiber sa confiance et de célébrer sa liberté.

Par ailleurs, Byun Sung-bin confronte sans cesse des points de vue opposés, jusqu’à ce que les enjeux constituent finalement le dénominateur commun de tout un pays inquiet sur son identité. La peur du changement se lit dans ce portrait simplifié de la Corée du Sud et Peafowl ne laisse pas la volonté de son héroïne retomber, avant d’avoir embrasé le dancefloor où les vivants dansent avec les morts. Dans le même instant, on efface toute identité de genre pour enfin se réconcilier avec soi-même. C’est là toute la beauté d’une rédemption par l’amour.

Bande-annonce : Peafowl

Fiche technique : Peafowl

Réalisation et Scénario : Byun Sung-bin
Directeur de la photographie : Hae-in Kim
Montage : Young-hoo Lee
Musique originale : Casepeat
Producteurs : Byun Sung-bin, Yoon Suk-chan
Pays de production : Corée du Sud
Distribution internationale : M-Line Distribution
Durée : 1h54
Genre : Drame
Date de sortie : Prochainement

Responsable Cinéma