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Festival de Deauville 2021 : Pleasure, Pig, JFK L’enquête

Ariane Laure Redacteur LeMagduCiné

Au Festival de Deauville, la compétition continue avec Pleasure de Ninja Thyberg et Pig de Michael Sarnoski. Deux films détonants qui nous immergent dans des univers singuliers : l’industrie pornographique américaine et la forêt d’un ermite chasseur de truffes. Le festival nous a également donné l’occasion de découvrir JFK L’enquête, le documentaire d’Oliver Stone levant le voile sur les dossiers déclassés de l’assassinat de Kennedy.  

Pleasure (compétition) : la masculine domination féminine

Pleasure restera sûrement l’un des films les plus controversés de cette 47ème édition du Festival de Deauville, tant pour sa thématique que pour sa réception auprès du public. Interdit au moins de dix-huit ans, Pleasure nous plonge dans les rouages de la pornographie américaine, entre rêve, ambition et désillusions.

Il suit le parcours d’une jeune suédoise de 20 ans, appelée de son nom de scène Bella Cherry, qui débarque à Los Angeles afin de devenir une grande actrice de la pornographie. D’abord timide, elle décide que rien ne doit l’arrêter dans son ambition d’être sacrée égérie de la pornographie américaine. En appliquant la maxime de Machiavel, la fin justifie les moyens, Bella Cherry se perd en chemin tout en cherchant de plus en plus à s’affirmer.

Au-delà du thème de la pornographie, Pleasure traite surtout sur la place des femmes et du regard que les hommes portent sur celles-ci. Cette domination masculine conduit les jeunes femmes elles-mêmes à se contempler, à se photographier comme des objets sexuels destinés au genre masculin. En témoignent de nombreuses scènes de jeux entre filles pour apparaître la plus sexy ou adopter les positions les plus osées possibles. Une réalité qui reflète largement la société actuelle, y compris en dehors du domaine pornographique.

Ainsi, si les femmes apprennent à imposer leur volonté, c’est à travers les yeux et les méthodes masculines. Exemple flagrant, c’est dans une vidéo de jeu sexuel entre dominant-dominé avec une de ses rivales que Bella Cherry parvient à mater les manigances de son adversaire en la pénétrant avec un harnais.

Que l’on adhère ou non à son traitement, Pleasure interpelle par la détermination sans faille de son héroïne, par la mise en exergue des risques de l’industrie pornographique et par les questions qu’il pose vis-à-vis du regard des femmes pour leur propre sexe.

Pleasure – Bande-annonce

Pig (compétition) : retour à la civilisation

Premier film du réalisateur Michael Sarnoski, Pig marque le grand retour de Nicolas Cage dans le cinéma d’auteur américain. Le synopsis du film, singulier, laisse beaucoup d’imagination et de surprise pour le développement de cette intrigue étonnante.

Rob vit en ermite dans une forêt reculée de l’Oregon, avec pour seule compagnie une truie truffière qui lui assure une source stable de revenus et de trocs. L’enlèvement brutal de sa truie le pousse à quitter sa cabane pour retrouver la civilisation de Portland, dans laquelle il lui reste d’anciens comptes à régler. En quittant son foyer et la sécurité de la nature, Bill se retrouve plongé dans une ville bruyante et hostile. Il reçoit l’aide de son acheteur de truffes, Amir, un jeune homme qui cherche à trouver sa place dans une famille menée d’un bras de fer par son père autoritaire.

Nicolas Cage incarne brillamment cet ermite mystérieux mais attachant, dont le passé se révèle au fil de la recherche de la truie volée. Il porte sur ses épaules l’essentiel du film qui laisse cependant un petit goût d’inachevé. Comme si le réalisateur n’avait pas totalement réussi à dénouer cette histoire très personnelle.

Pig s’inspire en effet du vécu de Michael Sarnoski lorsqu’il aborde le sujet de la cuisine. Comme le réalisateur l’a expliqué après la projection de son film, les repas sont devenus pour lui, grâce à sa grand-mère, un moyen de lier et de relier les gens. Dans cette ville de Portland, la cuisine occupe d’ailleurs une place importante, comme en témoigne une scène dans un restaurant très huppé proposant des coquilles Saint-Jacques congelées revisitées. La construction même du film reflète cette thématique, chaque titre de partie ayant pour nom un met ou un plat.

Avec Pig, Michael Sarnoski propose un premier film intéressant, unique, pas exempt de défauts mais qui mérite largement le coup d’œil pour son atmosphère, ses images et sa mise en scène. Un réalisateur à suivre.

Pig – Bande-annonce

JFK L’enquête (documentaire) : autopsie d’un complot

Avec JFK L’enquête, Oliver Stone revient sur l’assassinat du 35ème Président des États-Unis, 30 ans après la sortie de son film JFK. En 1991, la sortie de JFK a fait couler beaucoup d’encre et bousculé l’histoire des États-Unis. En adaptant le livre de Garrison, Oliver Stone a retracé l’enquête sur l’assassinat du Président Kennedy ainsi que le procès intenté par Garrison. Ce film éminemment politique, malgré son caractère fictif, a ouvert la boîte de pandore sur les secrets d’un assassinat qui a marqué le monde entier.  

Dans JFK L’enquête, en 2021, l’heure n’est plus aux rumeurs complotistes et à la fiction. Sous la forme d’un documentaire très renseigné, Oliver Stone remonte au créneau, preuves à l’appui, en utilisant les dossiers désormais déclassifiés sur l’assassinat. Construit à l’image de son titre comme une véritable enquête d’investigation, le film reste palpitant pendant ses deux heures, sans le moindre temps mort.

Pour commenter et raconter ce riche travail de reconstitution minutieux, deux narrateurs, Whoopi Goldberg et Donald Sutherland donnent un ton journalistique et solennel au documentaire. Des indices scientifiques et des témoins clés, jusqu’alors cachés, refont surface pour proposer au public une démonstration sans faille de la réalité du tragique évènement du 23 novembre 1963.

Oliver Stone construit ses recherches en deux parties. La première moitié de JFK L’enquête s’attache aux falsifications et manipulations de la commission Warren, chargée par le Président Johnson de remettre un premier rapport d’analyses sur l’assassinat. Composée par des membres proches du gouvernement, en particulier Allen Dulles, le Président de la CIA, cette commission conclut, avec force pressions et trafic de preuves, à la culpabilité pleine et entière de Lee Oswald.

Après avoir détaillé le comment des évènements, Oliver Stone s’intéresse dans la seconde moitié de son film au pourquoi. JFK L’enquête développe alors la politique progressiste du Président Kennedy, sa volonté d’apaisement avec Cuba et son engagement pour le retrait des troupes au Vietnam. Des choix qui lui ont valu l’hostilité de la CIA et d’une frange de la droite des États-Unis. La théorie du complot a bien cédé la place à un complot accompli.

Aux détours de son enquête, JFK L’enquête rend un honneur et une gloire sans faille au Président Kennedy. Les premières et les dernières images du film, focalisées sur les discours pacifistes et les droits civiques, font de Kennedy le président idéal d’une Amérique dont le rêve américain paraît disparaître vers un horizon lointain.

Redacteur LeMagduCiné