FEFFS-2018-An-Evening-with-Beverly-Luff-Linn

FEFFS 2018 Jour 9 : Un dernier acte sous le signe de la diversité

Les meilleures choses ont une fin, et voilà donc que la 11ème édition du FEFFS se termine. Une pointe de tristesse est présente, mais il est encore temps de profiter du festival une dernière fois avant l’année prochaine. Une dernière journée chargée où l’on navigue entre de la japanimation enfantine et une anthologie de contes folkloriques, en passant par une partie de chasse au Canada et le nouveau délire mêlant absurde et mauvais goût de Jim Hosking.

[Compétition animation] Mirai

Réalisé par Mamoru Hosada (Japon) Date de sortie : 26 décembre 2018

Voix de Moka Kamishiraishi, Haru Kuroki, Gen Hoshima..

Devenu un grand nom de la japanimation après avoir donné lieu à des œuvres comme Summer Wars ou Les Enfants Loups, voilà que Mamoru Hosada s’invite au FEFFS avec son nouveau film. Déjà présenté à Cannes, Mirai nous emmène à la rencontre du jeune Kun qui vient d’avoir une petite sœur. Très vite, la jalousie le gagne. Il se retrouve alors pris dans un voyage dans le temps, où il va faire la rencontre des membres de sa famille à diverses époques de leur vie. Mirai se distingue par son côté très enfantin, que cela soit dans le design de ses personnages ou dans le ton employé. Bien que pouvant résonner à tout âge, le film déborde d’une certaine innocence.

Mirai apparaît donc comme un conte. Le petit Kun va avoir affaire à une prise de conscience sur le monde qui l’entoure. Avec cette petite morale, Hosoda essaie de faire passer son message qui est délivré avec une émotion plutôt maladroite. Il faut dire que le personnage est beaucoup trop agaçant pour être émouvant. Il ne faut pas patienter longtemps avant que le marmot nous tape sur le système. Hosoda en a certainement conscience et balance dans son dernier acte une avalanche de bons sentiments qui vient ensevelir le spectateur de manière trop forcée. Cela ne suffit évidemment pas à inverser la vapeur. Mirai est un petit ratage à ce niveau. Le film peut cependant se raccrocher à une animation maîtrisée, Hosoda arrivant à insuffler une certaine magie dans ses passages fantastiques.

[Rétrospective Chromosome XX] Les Lèvres Rouges

Réalisé par Harry Kumel ( Belgique, France) Date de sortie : 22 octobre 1971

Avec Delphine Seyrig, Daniele Ouimet, John Karlen…

Présent cette année en tant que membre du jury, le belge Harry Kümel se voit l’honneur d’avoir un de ses films présentés au sein de la rétrospective Chromosome XX. Les Lèvres Rouges sortit au début des années 70 reste l’une de ses œuvres les plus connues. Le film met en scène la mythique Comtesse Elisabeth Bathory, une hongroise adepte de bains de sang de vierges. C’est d’ailleurs la grande Delphine Seyrig qui prête ses traits à cette figure mythique. Contrairement à des films comme La Comtesse (déjà présenté au FEFFS), le cinéaste belge place son histoire au XXème siècle. Alors qu’un couple passe sa lune de miel dans un hôtel vide d’Ostende, leur rencontre avec la comtesse Bathory va bouleverser leur vie.

En incorporant le mythe de Bathory à l’époque actuelle, Kümel s’amuse aussi à revisiter le personnage. Pas de bain de sang au programme bien qu’ils soient mentionnés, mais plutôt un jeu de manipulation sexuelle. L’ambiance du film, baroque à souhait, rappelle par ailleurs cette vague de cinéma fantastico-érotique qui a émergé dans les années 60-70 avec des cinéastes comme Jess Franco ou Jean Rollin en France. Bien que la comtesse soit représentée comme un vampire, le film joue beaucoup plus avec la suggestion et la création d’une tension sexuelle. Il faut dire que Delphine Seyrig est incroyablement vénéneuse dans ce rôle qui lui sied à merveille. Tournant peut-être un peu en rond à certains moments, Les Lèvres Rouges n’en reste pas moins une œuvre séduisante.

[Compétition internationale] What keeps you alive

Réalisé par Colin Minihan (Canada) Date de sortie : Inconnue

Avec Hannah Anderson, Martha MacIsaac, Brittany Allen..

Pour clôturer la compétition internationale, il fallait bien qu’on nous propose un petit survival. C’est chose faite avec What keeps you alive qui propose une alternative intéressante en mettant en scène uniquement deux personnages, à savoir un couple. Deux jeunes femmes qui vont passer le week-end dans un chalet dans la forêt. Chalet, où l’une d’elle allait chasser avec son père quand elle était petite. Très vite, on découvre que Jackie a décidé de s’attaquer à une proie bien précise. On peut penser à une œuvre comme Haute Tension quand on voit ce couple de femmes se déchirer et surtout lorsqu’on est face au psychotique personnage de Hannah Anderson. C’est une véritable traque qui prend donc place sous nos yeux. Malheureusement, What keeps you alive a du mal à tenir en haleine le spectateur sur la durée. Le film a souvent recours à des facilités, ainsi que des comportements idiots des personnages pour continuer son récit. Reste quelque moments de suspense pesant qui apparaissent par-ci par-là, mais globalement le film vaut surtout pour la performance grandiloquente de Hannah Anderson.

[Film de clôture] An Evening with Beverly Luff Linn

Réalisé par Jim Hosking (Royaume-Uni, USA) Date de sortie : Inconnue

Avec Aubrey Plaza, Emile Hirsch, Jermaine Clement

Après 9 jours de thrillers anxiogènes ou de drames ultra-cyniques, il fait bon de terminer les festivités sur une bonne comédie bien grasse. Pour cela, on ne pouvait compter sur personne de mieux que Jim Hosking. Le britannique qui nous avait déjà offert un summum de mauvais goût avec The Greasy Strangler en séance de minuit est de retour et est toujours le même. Il dispose cette fois-ci d’un casting plutôt prestigieux parmi lesquelles on retrouve l’excellente Aubrey Plaza, Jermaine Clement ou encore un Emile Hirsch survolté. On pourrait résumer le pitch du film à un braquage qui tourne mal et à une histoire d’amour perdue, mais An Evening with Beverly Luff Linn part un peu dans tous les sens.

Il faut dire qu’à la manière d’un Quentin Dupieux, Jim Hosking s’épanouit dans l’humour absurde. Les péripéties non-sensiques s’empilent donc jusqu’à l’extrême. On peut d’ailleurs retrouver dans ce nouvel essai, les mêmes critiques qui avaient été faites à The Greasy Strangler. À savoir une manie de la part du réalisateur à étirer au maximum certains gags. Un procédé qui peut être agaçant mais qui permet d’instaurer un malaise palpable, l’autre grand moteur de la comédie par Hosking. Encore une fois, une imagerie de très mauvais goût inonde la pellicule, mais le tout est quand même plus sage que son prédécesseur. On reste bien évidemment loin de la comédie américaine lambda, et An Evening with Beverly Luff Linn est une belle porte d’entrée dans le cinéma très étrange de Hosking. Une œuvre qui semble également plus aboutie à la fois dans l’écriture plus riche, mais également dans l’empreinte visuelle et toujours avec une bande-originale électro décalée qui fait là aussi penser au travail de Mr Oizo. En somme, An Evening with Beverly Luff Linn est tout ce qu’il fallait pour conclure cette édition.

[Midnight Movie] The Field Guide to Evil

Réalisé par Ashim Ahluwalia, Severin Fiala, Veronika Franz, Katrin Gebbe, Calvin Reeder, Agnieszka Smoczynska, Peter Strickland, Can Evrenol (Allemagne, Norvège, Pologne, Royaume-Uni, USA) Date de sortie : Inconnue

Avec Birgit Minichmayr, Sarah Navratil, Niharika Singh…

Avant de nous quitter définitivement pour cette année, il restait encore une petite séance de minuit à se mettre sous la dent. Depuis longtemps, les anthologies ont la côte dans le cinéma d’horreur. Compilées la plupart du temps sous un même thème, elles permettent à plusieurs réalisateurs d’expérimenter des idées sur une durée assez limité. Les producteurs de l’une des plus connues du genre, à savoir ABCs of Death, se sont à nouveau lancés dans l’aventure. Cette fois-ci c’est dans les légendes et le folklore de plusieurs pays que les cinéastes vont trouver leur inspiration. The Field Guide to Evil regroupe donc le travail de 9 réalisateurs venus du quatre coin de la Terre, sous forme de 8 courts-métrages.

Parmi cette longue liste on retrouve plusieurs noms qui ont fait leurs preuves. Peter Strickland, qui est le seul ayant traité une légende venue d’un pays autre que le sien, à savoir la Hongrie, nous offre un hommage au conte et au cinéma muet, un exercice de style très abouti visuellement. On pourra également noter la présence de Veronika Franz, qui aidée de Severin Fiala livre une histoire érotique et cauchemardesque. Le meilleur segment du lot est peut-être celui du turc Can Evrenol, qui en mettant en scène un djinn voulant du mal à un bébé, donne lieu à une grande hantise. Globalement, les segments sont de belle facture, offrant la plupart du temps une recherche esthétique poussée. On regrettera cependant l’amateurisme de la partie américaine que cela soit au niveau de la mise en scène ou de la direction des acteurs.

 

Pour finir cette couverture du FEFFS, il est évidemment obligatoire de faire un point sur le palmarès. Comme c’était le cas les deux années précédentes, jury et public se sont mis d’accord sur le même film, à savoir Cutterhead. Le film claustrophobique danois succède donc à Double Date et remporte le convoité Octopus d’or. Le Meliès d’argent est quant à lui remis à Lars Von Trier et The House that Jack Built. En ce qui concerne l’animation, le jury n’a pas su départager deux œuvres diamétralement opposées, Chris The Swiss et Mirai. Le prix des Crossovers revient à Xiao Mei, l’œuvre particulièrement exigeante ayant dénoté avec le reste de la sélection.

Palmarès :

Compétition internationale

  • Octopus d’or : Cutterhead de Rasmus Kloster Bro, Danemark
  • Méliès d’argent du meilleur long-métrage fantastique européen : The House That Jack Built de Lars von Trier, Danemark, France et Suède
  • Mention spéciale du Jury : Prospect de Zeek Earl et Chris Caldwell, USA
  • Prix du public : Cutterhead de Rasmus Kloster Bro, Danemark

Compétition Crossovers

  • Prix du meilleur film Crossovers : Xiao Mei de Maren Hwang, Taïwan
  • Mention spéciale du Jury : Pig de Mani Haghighi, Iran

Compétition internationale de films d’animation

  • Cigogne d’or du meilleur film d’animation : Mirai de Mamoru Hosoda, Japon / Chris the Swiss d’Anja Kofmel, Suisse

Compétition court-métrage

  • Octopus du meilleur court-métrage fantastique international : Babs de Celine Held et Logan George, USA
  • Méliès d’argent du meilleur court-métrage fantastique européen : A l’aube de Julien Trauman, France
  • Prix du Jury Jeune : Deer Boy de Katarzyna Gondek, Pologne, Belgique et Croatie
  • Prix du public : Das Mädchen im Schnee de Dennis Lederberger, Suisse
  • Prix du meilleur court-métrage d’animation : Lola, la patate vivante de Leonid Shmelkov, France et Fédération de Russie
  • Mention spéciale du Jury dans la catégorie animation : Mr. Deer de Mojtaba Mousavi, Iran
  • Prix du meilleur court-métrage Made in France : Chose mentale de William Laboury, France