Pour son second film, Frédéric Farrucci choisit le territoire insulaire de la Corse comme décor et le thriller réaliste comme genre avec un film de traque. Et il réussit partiellement son coup en compilant à la fois un suspense brut à la mise en scène sèche avec un constat édifiant sur l’Île de Beauté, où la mafia et les promoteurs véreux tentent de faire la loi face à une population qui n’en peut plus des violences. C’est à la fois instructif et prenant, avec une véracité sincère qui fait mouche. Dommage que, dans la seconde partie, un thème basé sur l’héroïsation du personnage principal par les réseaux sociaux, qui dénote de la trame principale et sort un peu le film de ses enjeux de base, soit moins fort. On peut aussi ajouter une fin bien trop abrupte, mais pour le reste, voilà un petit film au décor rare et au sujet intéressant.
Synopsis : Joseph, l’un des derniers bergers du littoral en Corse, voit son terrain convoité par la pègre pour un projet immobilier. Il choisit de ne pas céder. Quand il tue l’homme venu l’intimider, le propre fils du parrain, il devient la proie d’une traque impitoyable, en plein cœur de l’été, du sud au nord de l’île. Au fil des jours, la légende de Joseph – incarnant une résistance réputée impossible – portée par sa nièce Vannina, se propage dans toute l’île.
La Corse. Ses paysages époustouflants. Ses habitants fiers de leur île. Ses villageois et ses citadins. Mais aussi ses bergers et sa mafia. Le Mohican va nous emmener sur les traces d’un de ses paysans, propriétaire d’un troupeau de chèvres, qui va se battre pour garder ses terres et son exploitation contre la spéculation immobilière conjointe de promoteurs corrompus et de la mafia du cru. Et, en filigrane, tirer le portrait de deux mondes qui s’y opposent. D’un côté, une jeunesse et des habitants qui n’en peuvent plus de la mainmise de la mafia sur l’île. De l’autre, l’emprise de ladite mafia sur les terres et l’économie de l’île. Et tout cela prenant la forme d’un film de traque ultra-réaliste.
Le Mohican met en place ses enjeux avec beaucoup d’efficacité, de manière simple et concise. On comprend vite que ce berger à l’ancienne est têtu et attaché à ses terres et qu’il ne veut pas céder, tandis que la mafia ne le laissera pas tranquille. Le point de rupture amenant à la chasse à l’homme est intelligemment laissé hors champ et va rapidement nous immerger au sein de cette course-poursuite à pied à travers la topographie si singulière de l’île. Les scènes de traque et d’affrontement sont volontairement anti-spectaculaires, préférant l’aspect vrai à l’esbroufe. Certes, on ne s’attendait pas à du John Wick ou à du Ethan Hunt, mais certains cinéastes français aiment impressionner dans des contextes pourtant très réalistes (on pense parfois au cinéma d’Olivier Marchal). Ici, c’est sec, direct et sans fioritures. Comme dans la vraie vie, en somme. Et Le Mohican gagne en intensité…
Le rythme du film est ramassé, ne souffre d’aucune longueur et peut compter sur la prestation très physique et inattendue d’Alexis Manenti. Le choix de Farrucci de prendre un acteur à la physionomie de monsieur tout le monde, au physique pas forcément facile et avec un peu d’embonpoint (un peu comme un Karim Leklou), est impeccable. Tout comme le reste, il s’inscrit parfaitement dans le réalisme du décor. Et il montre une nouvelle fois qu’il est un acteur tout-terrain. Ici, en paysan déterminé, poussé dans ses retranchements et refusant de céder, il impressionne par son jeu, notamment dans les séquences plus physiques. Le reste de la distribution du cru est du même acabit. Quant au contexte social, politique, immobilier et économique de la Corse – si ce n’est pas le sujet du film, qui s’apparente presque à une série B d’auteur focalisée sur l’action -, il n’en demeure pas moins une toile de fond fouillée et instructive. En quelques scènes et dialogues, on saisit la situation de l’île.
Malheureusement, il y a un « mais » assez important. Si la première partie est très réussie, décapante et haletante, le film ajoute peu à peu un sujet secondaire qui ne lui convient pas bien. Par le biais de la nièce du personnage principal, Le Mohican aborde l’héroïsation du personnage et de son combat par les réseaux sociaux. Un peu exagéré, pas vraiment dans l’ambiance, cet ajout prend trop de place dans une seconde partie moins pertinente. Et, comme si le cinéaste voulait nous décevoir encore plus après son excellent début, il termine son film de manière abrupte et frustrante. Que voulait-il nous dire ? Que cette traque est un jeu sans fin ? Que c’est une éternelle lutte perdue d’avance ? Ou que les petits peuvent se lever contre la toute-puissance de la mafia ? Morale et conclusion un peu étranges pour un film qui démarre fort mais déçoit dans sa ligne finale.
Bande-annonce : Le Mohican
Fiche technique : Le Mohican
Réalisateur : Frédéric Farrucci.
Scénariste : Frédéric Farrucci.
Production : Koro Films.
Distribution: Ad Vitam.
Interprétation : Alexis Manenti, Mara Taquin, Théo Frimigacci, …
Genre : Thriller.
Date de sortie : 12 février 2025.
Durée : 1h27.
Pays : France.