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Copyright Cécile Burban / Prélude | Cinemania 2023 | Mélanie Thierry | Captives

Cinemania 2023 : Captives – Le bal des folles joliment rebooté

Une nouvelle itération sur cette tristement célèbre institution française du 19e siècle que fut l’Hôpital de la Salpêtrière après le magnifique film de Mélanie Laurent il y a deux ans, Le Bal des folles. Arnaud de Pallières signe un film à la beauté plastique renversante, cadre au plus près les visages de ces êtres enfermés de gré ou de force, et mêle suspense, psychologie et drame de la plus belle des façons avec un quintet d’actrices parfaites dans leurs rôles. C’est tout aussi flamboyant qu’effrayant, beau que laid et ça nous touche en plein cœur… si ce n’est une deuxième partie qui s’étire un peu trop.

Synopsis : Paris, 1894. Qui est Fanni qui prétend s’être laissée enfermer volontairement à l’Hôpital de la Salpêtrière ? Cherchant sa mère parmi la multitude des femmes convaincues de « folie », Fanni découvre une réalité de l’asile toute autre que ce qu’elle imaginait, ainsi que l’amitié inattendue de compagnes d’infortune. Le dernier grand bal de la Salpêtrière se prépare. Politiques, artistes, mondains s’y presseront. Dernier espoir d’échapper au piège qui se referme…

Les premiers plans dont nous gratifie Captives donnent le la. Une photographie étonnamment chaude. Une succession de plans serrés sur des parties du visage de Mélanie Thierry entrecoupés des encarts du générique. Un climat tendu. Le nouveau long-métrage d’Arnaud des Pallières sera anxiogène et ces femmes seront filmées sans fard jusqu’au moindre pore de leur peau. Leurs expressions faciales seront mises à nu, filmées au plus près. Et cela sera d’autant plus impactant lorsque sa caméra se pose sur celles de véritables personnes handicapées ou sur le visage buriné (et clairement fait pour un tel rôle) de Dominique Frot. Le cinéaste en abuse peut-être, jusqu’à la nausée, mais c’est très probablement pour nous faire ressentir sa fascination – tout autant qu’un certain hommage – envers ces femmes oubliées et maltraitées.

Arnaud des Pallières est un cinéaste rare et exigeant. Son cinéma n’est pas facile d’accès et frôle parfois l’expérimental (Parc ou Michael Kohlhaas), tout comme il peut signer des documentaires ou des œuvres hybrides. Après le pas forcément convaincant Orpheline, il signe ici à la fois son œuvre la plus aboutie mais surtout la plus accessible. Enfin, toute proportions gardées, car on va forcément le comparer à son film jumeau sur le même thème : le magnifique et beau Le Bal des folles de Mélanie Laurent, qui se révélait tout de même plus accessible. Les deux sont bons et l’un pourrait se dérouler en même temps que l’autre, sorte de variation sur le même thème.

À l’image et dans le traitement, les deux métrages sont pourtant bien différents : au classicisme assumé du film de Laurent répond la flamboyance – et les excès parfois – de celui de des Pallières. Et c’est peut-être sa limite aussi. Notamment, dans une seconde partie trop longue et qui s’étire inutilement. Ou dans cette presque complaisance à filmer la misère, la folie et les expressions malheureuses. C’est un choix assumé et qui se défend mais qui pourra aussi mettre mal à l’aise. Un point commun aux deux œuvres cependant : la Salpêtrière donne des frissons et révolte.

Le récit se pare d’un aspect suspense et thriller bienvenu. Du suspense car le but du personnage principal, sain d’esprit lui, est de s’échapper mais également thriller car il y entre dans un but bien précis pour mener l’enquête. On est donc captivé par la quête de Fanni (Mélanie Thierry) et la tension est palpable à chaque instant, notamment par la menace de la Douane (Marina Fois, la surveillante générale) et la cruauté de la directrice jouée par Josiane Balasko.

Les cinq actrices choisies sont impeccablement castées. Des prestations qui n’étonnent pas forcément car elles semblent taillées et écrites pour elles. En petit oiseau frêle mais déterminé Thierry irradie l’écran. Balasko et Foïs sont délicieusement odieuses et infectes sans que ce soit des rôles figés et sans nuances. Au contraire. Enfin, Yolande Moreau est une évidence dans un rôle plus tardif et il fait plaisir de revoir la trop rare Carole Bouquet. Une très belle affiche donc qui illumine ce Captives.

Malgré le décorum peu aimable, d’ailleurs parfaitement retranscrit dans une reconstitution opulente mais pas ostentatoire pour autant, Captives se pare de moments solaires. Ceux, presque bucoliques, où les internées se retrouvent à l’extérieur pour peindre ou se reposer font autant du bien à l’œil qu’ils aèrent le film. Ils tranchent avec des séquences extrêmes mais obligatoires sur le traitement inhumain des patientes et les internements arbitraires forcément rageants de ces femmes. Des malheureuses qui dérangent mais pas forcément pour ce que l’on croit. Une œuvre forte, donc, qui a juste la malchance de passer après celle, encore plus convaincante, de Mélanie Laurent, et qui aurait peut-être gagné à plus de retenue, tout comme à ne pas s’étirer autant dans sa dernière partie.

Fiche technique – Captives

Réalisateur : Arnaud des Pallières.
Scénariste : Arnaud des Pallières et Christelle Berthevat.
Production : Prélude et France 2 Cinéma.
Distribution France : Wild Bunch.
Interprétation : Mélanie Thierry, Josiane Balasko, Carole Bouquet, …
Durée : 1h59.
Genres : Drame – Époque.
7 février 2024 en salles.
Nationalités : France.