Que serait le jardin d’Éden, sans ses fleurs et ses jardiniers, gardiens d’un monde souterrain et protecteur de la nature ? Et qui est donc le Prince de ces lieux ? Pierre Creton exploite ce qu’il connaît de l’horticulture afin que sa caméra accompagne le mouvement de ses personnages sulfureux.
Synopsis : Pierre-Joseph a 16 ans quand il intègre un centre de formation pour devenir jardinier. Il y rencontre Françoise Brown la directrice, Alberto son professeur de botanique, Adrien son employeur, déterminants dans son apprentissage et la découverte de sa sexualité. 40 plus tard survient Kutta, l’enfant adoptif de Françoise Brown dont il a toujours entendu parler. Mais Kutta, qui est devenu le propriétaire de l’étrange château d’Antiville, semble chercher autre chose qu’un simple jardinier.
Le prolifique cinéaste, et avant tout agriculteur, bénéficie déjà d’une aura bienveillante à l’égard de ses films, qui célèbrent la faune et la flore du paysage normand où il réside. Son approche lorgne toujours vers le documentaire, où la parole rythme le récit. Entre la fiction et la réalité, un bouquet émotionnel est en jeu et la plupart du temps, c’est à travers un aspect visuel très léché qu’on revendique un semblant de désir, le noyau d’une intrigue qui ne cesse de fleurir.
Souvenir d’un jardin
Pierre Creton semble garder la main verte dans une œuvre qui prône pourtant la transgression et la fascination, que l’on viendra titiller à la force d’un découpage suffisamment brut pour qu’on se perde entre deux plans. Ce Normand possède pourtant une belle galerie extérieure qui ne demande qu’à être contemplée, mais les moyens investis dans la mise en scène sont assez maigres ou sont mal servis par une voix-off omniprésente, que l’on pouvait déjà retrouver dans Va, Toto ! notamment. Cela crée une distance avec les personnages, sources de métaphores et autres allégories que le phallus et le corps masculin inspirent.
On n’ aura de cesse de penser à ce premier plan, où l’on annonce le voyage d’une plante, entre les mains douces d’un jardinier, sans qui l’expérience homo-érotique serait un échec. Le postulat questionne sans jugement, mais c’est dans l’exécution que ça coince, que le coup de pelle peine à remuer le terreau que Pierre Creton nous a soigneusement préparé. C’est pourquoi l’énigme d’Un Prince peut complètement par-dessus notre regard, tantôt décontenancé, tantôt fasciné par les directions que prend le récit et dont on restera imperméable au fantasme sensuel.
Un Prince de Pierre Creton est présenté à la Quinzaine des Cinéastes au Festival de Cannes 2023.
Par Pierre Creton, Mathilde Girard
Avec Antoine Pirotte, Manon Schaap, Vincent Barré..
Prochainement en salle / Comédie dramatique, Drame, Comédie
Distributeur : JHR Films