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L’Été dernier: Léa Drucker, Samuel Kircher |Copyright Pyramide Distribution

Cannes 2023 : L’Été dernier, pour l’amour du pire

Jérémy Chommanivong Responsable Cinéma

Les fleurs ont éclos, le soleil est de retour, c’est la même chose chaque année. L’Été dernier ne fait pas exception en matière de sentiments, s’il en existe bel et bien dans cet outrageux nanar en compétition.

Synopsis : Une avocate renommée met en péril sa carrière et menace de briser sa famille en ayant une liaison avec son beau-fils de 17 ans.

Catherine Breillat revient de loin, neuf ans sans réalisation, pour porter une caméra trop lourde pour elle et se rabat inévitablement sur une expérience singulière du visionnage du film danois Dronnigen (Queen of Hearts) de May el-Toukhy. L’autrice d’Une vieille maîtresse et de La Belle endormie connaît davantage Un moment d’égarement (2015) qu’un grand élan révélateur dans le remake qu’elle conçoit. L’amour toxique et interdit entre une mère et son beau-fils sont des sujets légitimes, mais ce qui transparaît dans ce film est tout à fait grotesque, au point de rire jaune dans les scènes de haute tension, mais de maigre sensation.

Anne aime Pierre, Pierre aime Anne, mais le fiston de Pierre aime Anne. Constamment et symboliquement représenté entre ses deux parents, Théo (Samuel Kirscher), un adolescent rebelle qui n’en a plus rien à faire du SIDA ou de multiplier ses conquêtes, se découvre des sentiments. Le jeune mineur ne se doute pas une seconde du mal qu’il peut engendrer en embrassant à pleine bouche sa belle-mère, campée par une Léa Drucker solaire, mais qui ne sert évidemment pas cette intrigue qui a tout d’un prétexte érotique.

Le sexe devient un moyen de pression, en plus d’être l’aboutissement d’une séduction. Ce jeu n’est ni abordé avec finesse, ni exploité par la suite comme un enjeu moral. Anne, avocate dans les abus sexuels familiaux se trouve alors dans une impasse œdipienne. Elle invoque le déni, traité de manière assez légère pour ne pas dire inexistante, car on y arrive à ce moment fatidique des vérités dissimulées et cela a de quoi nous faire oublier ces instants de vie et de gaîté avec les deux filles adoptives d’Anne. Il ne reste que cette odeur infecte et ce goût amer qui reste en travers de la gorge, tellement on ricane nerveusement devant l’absurde tragédie incestueuse. On ne retombe pas en enfance avec le geste, mais bien avec des intentions de mise en scène, confuses pour la majorité, ce qui rend l’expérience insoutenable.

Nous nous doutions déjà que la compétition renouvelée risquait de bouleverser cette édition. Il est donc concevable et recevable d’y trouver tout un tas d’œuvres, synonyme de remous. Et s’il fallait estampiller l’un d’entre eux comme nanar, c’est chose faite et c’est évidemment regrettable. L’Été dernier ne fait pas que décevoir par son expressionnisme malsain, quand bien même on écarte tout jugement de cette relation incestueuse. Là où le bât blesse, c’est dans ce refus de confronter l’amour et le désir des protagonistes, simplement consommés dans un élan juvénile, de manière gratuite et artificielle. On se lève alors rapidement et on prie pour qu’une telle infamie ne déborde pas davantage de la salle de projection.

L’Été dernier de Catherine Breillat est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2023.

Remake du film danois, Dronningen (Queen of Hearts), réalisé par May el-Toukhy en 2019.

De Catherine Breillat
Par Catherine Breillat
Avec Angela Chen, Léa Drucker, Samuel Kircher
20 septembre 2023 en salle / 1h 44min / Thriller, Drame
Distributeur : Pyramide Distribution

Responsable Cinéma