Demain, un film de Cyril Dion et Mélanie Laurent : Critique

Voilà plus d’un mois que le film est en salle (11 novembre 2015). Documentaire/Roadmovie plein d’espoir et intelligemment construit, cet objet sensible qui ne manquera pas de frapper les consciences a été diffusé en avant-première à Arras et nous avions pu rencontrer Cyril Dion. Nous sommes allés voir Demain en ce début d’année 2016 et il nous fallait nous y arrêter une nouvelle fois tant l’importance du message est primordiale.

Synopsis: Et si montrer des solutions, raconter une histoire qui fait du bien, était la meilleure façon de résoudre les crises écologiques, économiques et sociales, que traversent nos pays ? Suite à la publication d’une étude qui annonce la possible disparition d’une partie de l’humanité d’ici 2100, Cyril Dion et Mélanie Laurent sont partis avec une équipe de quatre personnes enquêter dans dix pays pour comprendre ce qui pourrait provoquer cette catastrophe et surtout comment l’éviter. Durant leur voyage, ils ont rencontré les pionniers qui réinventent l’agriculture, l’énergie, l’économie, la démocratie et l’éducation. En mettant bout à bout ces initiatives positives et concrètes qui fonctionnent déjà, ils commencent à voir émerger ce que pourrait être le monde de demain…

 En 5 chapitres, Cyril Dion, Mélanie Laurent et leur équipe s’incluent dans la réflexion qui dure presque deux heures. Deux heures pour un voyage aux quatre coins de la planète pour faire le portrait de héros des temps modernes. Des personnes comme vous et moi qui veulent changer la donne. Si nous continuons à vivre comme nous le faisons, puiser-emprunter-consommer-jeter, tout cela dans le seul but d’amasser un maximum de profit individuel, l’humanité toute entière court à sa perte d’ici 2100. Les scientifiques ne voient pas aussi loin et c’est dès 2050 que les conséquences s’en feront gravement ressentir. Il ne faut pas être sensible à l’écologie pour apprécier ce voyage didactique. Être un simple spectateur, un être humain responsable, un citoyen les deux pieds sur terre suffit à comprendre le point de non retour.

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Les deux cinéastes ont choisi de participer au cœur même du projet cinématographique. Si certains encarts « le saviez-vous » peuvent être imposants, ils ne manquent jamais de nous éclairer. Il peut arriver que le spectateur se sente un peu perdu sous cette profusion de chiffres et d’informations, mais il doit se faire violence s’il veut espérer que les générations à venir n’aient pas à pâtir de nos façons de consommer, d’agir et de penser. La police de caractère et les ballades inde de la suédoise Fredrika Stahl participe à l’aspect naïf d’une pub ensoleillante. Son univers pop jazz mélancolique entre Lili Allen, Regina Spektor et le timbre de Cocorosie ou Agnes Obel ne convenait pas à l’éditeur à l’écoute de la première maquette, mais Cyril et Mélanie ont été étonnés de voir que sa musique collait parfaitement aux images. Tonalités aériennes, xylophone à l’appui et ronronnements vocaux, la bande originale, composée de 17 titres et disponible en vente depuis le 27 novembre, est un peu comme le glaçage en sucre d’un gâteau dont on n’aurait aucun complexe à en reprendre une deuxième part. Le genre de gâteau qu’on partage avec ses voisins un peu bruyants, sa famille peu à l’écoute ou ses amis absents. Le genre de gâteau qui réconcilie. Encore cette image d’épinal made in Coca Cola qui nous a fait croire au gros bonhomme rouge et blanc, made in Nutella qui nous fait croire à tous le petit déjeuner est le seul moment de la journée où la famille ne communique qu’en regards plein d’amour, molaires à découvert.

A contrario de ces mises en scène artificielles, bien que réconfortantes, Demain n’épouse aucun cahier des charges indigeste. A défaut de sa narration linéaire et bien pensée. Les solutions apportées durant chaque portrait ne datent pas d’hier et un amer goût d’impossible se dépose dans nos consciences fébriles. Pierre Rabhi n’est pas le seul à clamer haut et fort que lorsqu’on ne fera pas de l’argent un but en soi, la carotte au bout du bâton, l’évolution sera possible. Mais comment sortir de ce gouvernement actuel qui fonce tout droit dans le mur ? Arrêter le suffrage universel pour un tirage au sort entre citoyens qui réécriraient la Constitution, à l’instar de l’Islande en 2010 ? Instaurer des monnaies locales et libérer la création monétaire ? Ne plus construire d’autoroute ? Plus de pistes cyclables dans les capitales et grandes villes, une meilleure circulation en transports en commun ? Des toits végétaux ? Envisager d’autres systèmes éducatifs possibles responsabilisant l’enfant dès le plus jeune âge avec des matières plus ouvertes et des activités diversifiées pour l’aider à trouver sa voie ? Vous pouvez retrouver toutes ces solutions sur le site internet du film. Sortir donc du « monopole » des banques centrales et privées resterait une priorité. Ne nous leurrons pas, le gouvernement, qu’il soit français ou étranger, n’est pas prêt d’abandonner les accords financiers basés encore et toujours sur le puisement des énergies fossiles. L’or n’est pas sous nos pieds, ni dans nos mains, mais dans nos têtes. Les réels héros ne seront jamais dans les médias qui préfèrent endormir les consciences, car il faut préserver le capitalisme.

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Demain est cette chose magique qui se produit à l’écoute d’un live de Sigur Ros. Le sourire chaud et discret au creux de notre estomac lorsque notre cerveau est trop pudique pour nous faire être fier de nous-même. Une bonne dose de sérotonine après avoir faire de l’exercice (une des 5 hormones du plaisir) etc. Les exemples sont individuels, mais les arguments collectifs. Autant le regarder à plusieurs et si l’envie vous prend de rejoindre une association, de nettoyer les départementales et de fuir les grandes enseignes… Faites le !

Un jeune néerlandais de 20 ans à trouver le moyen de nettoyer les océans

Pour en savoir plus sur une constitution d’origine citoyenne et l’oeuvre d’un enseignant marseillais

(Musique : Alabama Shakes – I Found You)

[Fiche Technique] Demain

Titre original : Demain
Date de sortie : 11 novembre 2015
Réalisateur : Cyril Dion et Mélanie Laurent
Nationalité : Français
Genre : Documentaire – roadmovie
Année : 2015
Durée : 108min.
Scénario : Cyril Dion
Intervenants : Cyril Dion (écrivain, réalisateur et poète français), Mélanie Laurent (actrice, réalisatrice et chanteuse française), Pierre Rabhi (essayiste, agriculteur biologiste, romancier et poète français, fondateur du mouvement Colibris), Vandana Shiva (écologiste, écrivain et féministe indienne), Jeremy Rifkin (essayiste américain, spécialiste de prospective économique et scientifique), Anthony Barnosky (de l’université de Californie, Berkeley, paléobiologiste), Elizabeth Hadly (de l’université Stanford, biologiste), Éric Scotto (PDG d’Akuo Energy, producteur indépendant français d’énergie renouvelable), Olivier De Schutter (juriste belge, professeur de droit international, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation), Emmanuel Druon (dirigeant français de la papeterie Pocheco, à Forest-sur-Marque), Rob Hopkins (initiateur du mouvement des villes en transition), Jan Gehl (architecte et urbaniste danois), Perrine et Charles Hervé-Gruyer (agriculteurs biologistes français, produisant en permaculture au Bec-Hellouin), Bernard Lietaer (économiste belge), Michelle Long (localiste américaine, dirigeante de Balle (Business Alliance for Local Living Economies), « plus grand réseau au monde d’entrepreneurs locaux engagés pour transformer l’économie »), Kari Louhivuori (principal de la Kirkkojärvi Comprehensive School d’Espoo, en Finlande), Elango Rangaswamy (créateur du village modèle de Kuthambakkam, dans le district de Tiruvallur du Tamil Nadu, en Inde du Sud), Robert Reed, porte-parole de Recology, coopérative mettant en œuvre la démarche « zéro déchet » de San Francisco, aux États-Unis), Thierry Salomon (ingénieur énergéticien français, l’un des promoteurs en France du concept de négaWatt), David Van Reybrouck (scientifique belge, historien de la culture, archéologue et écrivain), Malik Yakini (fondateur du Detroit Black Community Food Security Network, qui exploite une ferme de 2,8 hectares à Détroit), Hervé Dubois (porte-parole de la banque Wir, à Bâle).
Musique : Fredrika Stahl
Photographie : Alexandre Léglise
Montage image : Sandie Bompar
Producteurs : Bruno Levy
Maisons de production : Move Movie, France 2 cinéma, Mars films et Mely Production (coproduction) ; Fonds de dotation Akuo Energy, OCS et France Télévisions (participation) ; KissKissBankBank (financement participatif)
Distribution (France) : Mars Distribution
Récompenses : César 2016 du meilleur documentaire
Budget : ~1 760 000 €