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Stranger Things : que vaut la saison 4 ?

Après une très longue pause, Stranger Things nous est revenu pour sa quatrième saison. Après une saison 3 certes haute en couleurs mais aussi en manque de crédibilité, et une impression générale de baisse (modérée) de qualité depuis la saison 1, la quatrième saison est décisive. Alors, que vaut-elle ?

Attention : cette critique contient de légers spoilers !

La hype était un peu retombée après trois ans d’absence, ne nous mentons pas. On a peu vu les bandes-annonces de ce quatrième volet, arrivé un peu comme une surprise en début d’été. Cependant, le fait de diviser ce groupe d’épisodes en deux parties était très ingénieux : si, après trois ans de pause, on avait un peu oublié Stranger Things, après avoir vu la première partie de saison 4, on attend les 2 épisodes (mis en ligne plus tard, le 1er juillet) avec hâte.

Cette quatrième saison est clairement meilleure que la précédente, même si on déplore un dérapage en roue libre pour les deux derniers épisodes (la dernière partie). Notamment dû au fait que des caractéristiques qu’on appréciait en début de saison deviennent des défauts en fin, un peu comme si elles s’étaient usées : par exemple, le fait que la série prenne son temps. C’est un plaisir, après trois ans, de retrouver Hawkins, son lycée, le match de basket qui nous fait découvrir à quel point Lucas (Caleb McLaughlin) a grandi. Cependant, vers la fin de saison, alors que la tension est à son comble, cette manière qu’a la série de prendre son temps devient finalement plus agaçante qu’autre chose car elle casse tout rythme ; comme en témoigne la durée des épisodes, signe que tout part à vau-l’eau.

En revanche, en tant que spectateur, on se réjouit de découvrir une intrigue générale très intéressante, fouillant dans le passé et les souvenirs refoulés d’Eleven (Millie Bobby Brown)… tournant notamment autour de ceux qui l’ont précédée. Pourtant, l’arrivée d’un énième monstre dans l’Upside-Down fait cette fois clairement pencher la série du côté de la fantasy plutôt que de la SF. Est-ce un problème ? Absolument pas, puisque la question est très bien traitée.
Le seul bémol : on sent que cette intrigue – certes alléchante et soignée – n’a pas été pensée dès le début de la série, dès la saison 1, mais qu’elle a été rajoutée, car les showrunners (sans doute à court de fin) ont voulu changer d’inspiration. De nombreuses questions en suspens trouvent cependant ainsi le moyen d’être résolues.

Les points forts de ce Stranger Things cru 2022 ne manquent pourtant pas. A commencer par une forme exceptionnelle, avec des effets spéciaux époustouflants, un montage et une mise en scène comme des pépites et, surtout, une bande-originale de très haute volée (et pas grâce à Kate Bush, qui vole la vedette à Nora Felder, en charge de la musique). Les interprétations sont aussi très convaincantes, en particulier celle de Gaten Matarazzo en Dustin Henderson, et à l’exception de la mono-expression ahurie de Winona Ryder (Joyce) qu’on a connue en bien meilleure forme et qui se révèle très vite lassante.

Du côté du fond, on a notamment droit à une histoire palpitante dans une prison russe, autour de la délivrance d’un Hopper (David Harbour) à la disparition duquel on n’avait pas cru une seconde.
C’est l’occasion d’introduire de nouveaux personnages, comme Dimitri, le maton corrompu (Thomas Wlaschiha) et on peut saluer une des grandes qualités de la série, qui est sa capacité à ajouter de nouveaux protagonistes et à réussir à nous faire nous y intéresser, là où tant de séries échouent à introduire de nouveaux visages suffisamment attachants par rapport au casting de base. A ce titre, cette nouvelle saison nous permet d’apprendre à mieux connaître Murray (Brett Gelman) et de découvrir Eddie Munson (Joseph Quinn), et un peu moins bien Argyle (Eduardo Franco)…

Et pourtant… Telle une hache à double tranchant, cet ajout de nouvelles têtes a aussi sa part d’ombre. Car qui se souvient de tous ces prénoms, entre les enfants devenus adolescents, leurs grands frères et sœurs devenus jeunes adultes, leurs parents, à peine effleurés pour certains, les autres lycéens, les ennemis, les docteurs diaboliques en blouse blanche, les docteurs alliés, etc. ?

A force d’ajouter des nouveaux venus, les showrunners se retrouvent obligés d’occuper tout ce beau-monde, et il n’y a clairement pas suffisamment de choses à leur faire faire, sans compter que bon nombre d’entre eux sont interchangeables. C’est ainsi que le casting se retrouve littéralement éclaté aux quatre coins du pays. Et que c’est ennuyeux, pour certains ! Et inutile !

Ainsi, d’un côté Eleven est isolée de ses amis ; de l’autre, Dustin, Lucas et Max (Sadie Sink) tentent de résoudre la situation à Hawkins, aidés de Nancy (Natalia Dyer), Steve (Joe Keery), Robin (Maya Thurman-Hawke), sans oublier Erica, la petite-sœur de Lucas (Priah Ferguson).

Et, d’un troisième côté – vraiment de trop – Mike (Finn Wolfhard), Will (Noah Schnapp), Jonathan (Charlie Heaton) et Argyle passent presque une saison entière à parcourir les États-Unis en camion-pizza… et sont totalement inutiles. On est tenté de dire que leur arc est aussi vide que les poches sous les yeux de Jonathan sont pleines : l’acteur de 28 ans commence vraiment à apparaître bien trop âgé pour le rôle d’un jeune homme à peine majeur et prêt à entrer en première année d’études supérieures. Est-il aussi lassé que son personnage ne serve à rien ?
Et finalement, épisode après épisode, on se demande : quand le clan se retrouvera-t-il ? Lorsqu’au fil des saisons, le groupe d’amis originel d’une série est séparé, chacun occupé à des tâches différentes, c’est le signe que le programme a pris trop de directions – et surtout que l’alchimie s’en est allée. Et paradoxalement, Stranger Things tourne en rond, puisque voilà qu’on nous réchauffe la romance entre Nancy et Steve !

Enfin, la fin de saison laisse perplexe et promet des arcs encore plus fous en saison 5 – un peu trop ? – et bien que l’on se divertisse bien, qu’on palpite, qu’on ait peur et hâte, on est obligé d’admettre que le ton glaçant, mystérieux, un rien répugnant de l’Upside-Down de la saison 1 est bien oublié, de même que le mystère autour d’Eleven, simplement transposé sur un autre personnage dont le destin a visuellement pris des airs bibliques, lorsqu’il nous est montré.

La saison 4 de Stranger Things est donc dans l’ensemble un bon cru, qui relève le niveau de la série après le troisième volet, cependant, ces améliorations temporaires chutent en fin de saison pour nous laisser un arrière-goût un peu déçu. En espérant que la résolution de l’histoire en cinquième et dernier volet sera à la hauteur des attentes lancées par la série à ses débuts.