Arte mise sur les fictions venues du Nord, après, Borgen, Millenium, The Killing, la chaîne franco-allemande nous a proposé les deux premiers épisodes hier soir. La saison 1 de Real Humans est diffusée sur Arte, tous les jeudis à 20h50 du 4 avril au 2 mai.
Real Humans de Lars Lundström : « un miroir pour nos propres existences »
Cette série suédoise que les internautes adeptes du streaming, connaissent peut-être déjà, a été créée par Lars Lundström en 2012, sous le titre original : Äkta människor -les véritables humains.
Dans un monde parallèle proche du notre, cohabitent Humains et Hubots, « une contraction des mots Humain et Robot », programmés pour effectuer diverses taches domestiques, comme robot infirmier, ouvrier malléable et corvéable à merci, mais aussi robot servant d’esclave sexuel. Ces robots esclaves sont une métaphore exposant parfaitement les démons touchant nos sociétés occidentales. Ces dernières années, les romans nordiques exploitent parfaitement les tensions apparaissant dans les pays du Nord, rejoignant les préoccupations de l’Occident en général. La description toute en subtilité dans la série d’une pornoisation de la société, d’un quasi-esclavagisme en raison de procédures kafkaïennes tuant littéralement les relations humaines, sans parler des questions sur le multiculturalisme, l’émergence de partis extrêmes pouvant aboutir à des tueries comme celle d’Oslo.
Plantons le décor de cette série qui va au-delà des classiques de science-fiction pure et dure. Des humains côtoient des créatures aux grands yeux clairs, aux mouvements quelque peu raide, s’apparentant aux artistes mimes. Cette cohabitation avec des êtres façonnés à notre image va entraîner soit du rejet, soit le désir de les traiter comme de véritables personnes. Ces Hubots sont disponibles selon plusieurs modèles, cette marchandisation entraîne la création d’un marché noir, basé sur l’effacement de la mémoire et la mise en vente d’Hubots utilisés comme objets sexuels, faisant penser au film Existenz de David Cronenberg.On peut ainsi les mettre à la casse, les reprogrammer, les utiliser comme bon nous semble et cette vision dramatique est comme un miroir de notre propre monde, où justement on utilise aussi la mise à la casse d’employés, des personnes dépassant un certain âge etc..
Dans ce monde, la majorité des humains sont persuadés que les Hubots ne peuvent être que des machines élaborées; d’autres sentiront que ces robots sont bien plus.
Les Hublots sont tous programmés selon 3 lois de la robotique, formulées par l’écrivain de science-fiction Isaac Asimov . Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni rester passif et permettre qu’un être humain soit exposé au danger. Un robot doit obéir aux ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la Première loi. Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la Première ou la Deuxième loi. »
Ces lois ne sont pas immuables et peuvent être crackés, comme on le verra dans la série, mais ses restrictions montrent que le créateur des Hublots David Eischer voulait donner une conscience à ses enfants, une loi que l’on trouve dans le film A.I de Spielberg.
Dans cette série, le décor est une petite ville en Suède où un groupe de robots décident de revendiquer ses droits. Il est illégal pour un Hublot de ne pas avoir de propriétaire, ce qui peut faire penser à la condition des esclaves. Deux leaders, Léo et Niska ont des approches pour se libérer de cet esclavagisme différentes : dans un des cas, l’idée est d’obliger les Humains car elle pense que ces derniers n’accorderont jamais des droits égaux et qu’il faudra donc arracher par la violence cette émancipation. Léo, quant à lui, est un modèle mystérieux : il aime une autre Hubot, Mimi, enlevée par des trafiquants de robots, reprogrammant le code afin de les revendre. Il part à sa recherche laissant Niska diriger, qui se fera tuée, lançant la police dans une longue traque des Hublots rebelles.
Cette série plonge dans la tête des personnages, Lennart, un homme âge, qui possède un ancien modèle d’Hubot, auxiliaire de vie. Dysfonctionnant, sa fille lui offre un nouveau modèle, un peu trop mégère, trop directif à son goût. Il partira à la recherche d’Odi pour le réactiver en secret. Un ado découvre son attirance pour une autre Hubot et ressent de la culpabilité. Deux femmes célibataires en quêtes d’amour opteront pour des modèles ressemblant à des Ken. Tous ses personnages exposent les contradictions d’une société, dans un moment de radicale transformation.
Une famille bourgeoise, les Engman possède Anita, une jolie Hubot, femme de ménage, qui se trouve être en réalité Mimi. Au fil des épisodes, on verra naître des relations de plus en plus ambiguës, ne sont ils vraiment que des robots ?
Dans Real Humans, la frontière entre l’humain et la robotique s’estompe. Ils sont aussi humains que nous, ils ressentent, pensent, ont des désirs, des rêves comme nous et leurs conditions reflètent la nôtre même si on n’en est pas si conscient. Nous aussi, nous pouvons voir tous les jours les dégâts d’un monde où mettre à la casse est d’une actualité brûlante.Le Fantastique dans cette série sert par touche à montrer les sentiments contradictoires qui traversent notre monde actuel. Real Humans est une série saisissante, et en effet « un miroir pour nos propres existences ».
Dans une interview pour Arte à l’occasion de la diffusion de Real Humans, Lars Lundström dira : « La série est une superbe opportunité pour aborder de manière métaphorique ce qui arrive actuellement dans nos sociétés : les bouleversements politiques, le mariage homosexuel, l’immigration illégale… Si vous amenez ces sujets de manière littérale dans une série, cela peut vite devenir ennuyeux, alors que de cette manière, avec le « twist » de la fiction, cela devient passionnant. C’est plus divertissant – mais pas moins profond de cette façon. » Et pour notre plus grand plaisir nous aurons droit à une seconde saison, en attendant regardons une série européenne palpitante, suggestive et qui nous présente divers dilemmes et problèmes..