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The Brink de Kim et Roberto Benabib, épisodes 1 à 3 : critique

La comédie politique : un genre typiquement américain

The Brink s’inscrit dans une longue lignée de comédies sur le monde politique. Si les américains sont fiers de leur démocratie, ils savent se montrer impitoyables envers leurs hommes politiques : on se souvient de Will Ferrell et Tina Fey imitant respectivement George W. Bush et Sarah Palin pour le Saturday Night Live. On se souvient aussi de l’excellent des Hommes d’influences où le président demandait la mise en scène d’un faux conflit pour couvrir un énième scandale sexuel, ou même de Primary colors, inspiré de Bill Clinton, avec John Travolta en candidat priapique.

Mais la référence la plus évidente de The Brink est évidemment le Docteur Folamour de Stanley Kubrick : même situation de crise, adaptée à notre époque, même militaires belliqueux, mêmes politiciens médiocres.

La série arbore un aspect choral séduisant, proposant des personnages très divers et typés : aux côtés de Jack Black et de Tim Robbins, on retrouvera un pilote de chasse obligé de trafiquer des amphétamines pour payer sa pension alimentaire, une famille Pakistanaise particulièrement érudite et férue de civilisation anglaise ou un méchant ravi de pouvoir appeler n’importe qui à n’importe quel moment.

Pour fonctionner, ce type de série a besoin de trois éléments : construire une intrigue qui accroche le spectateur, proposer une satire politique crédible et enfin faire rire le spectateur. On verra que The brink a du mal à tenir tous ces objectifs.

Une série courte au rythme élevé

Série composée de 10 épisodes de 30 minutes, The Brink annonce ses intentions dès le titre, que l’on pourrait traduire par « sur la corde raide ». Le point de départ de crise nucléaire amène une action rapide, dans la lignée de 24 heures chrono. De plus, la diversité des personnages fait que l’on file d’une intrigue à l’autre, chacune ayant son centre d’intérêt. On sent le savoir faire HBO avec ses scènes de nudité gratuite (avec, rareté, un énorme sexe masculin visible à l’écran), son cliffhanger en fin d’épisode, et ses personnages qui chacun suivent leur propre agenda, avec toutes les fourberies qui peuvent en découler. Cependant, format court oblige, ne vous attendez pas à des personnages aussi fouillés que Game of Thrones. Surtout, le format comédie amène les personnages à peu se développer : s’ils prennent bien des décisions qui vont les faire progresser dans l’intrigue, leur caractère reste toujours le même tout au long de la série. Contrairement à une série de type Sense8, The Brink est donc bien plus une série d’intrigue qu’une série de personnages.

Une satire politique qui manque de profondeur

L’un des gros problèmes de la série est de ne pas savoir sur quel pied danser, à l’image de son casting.

D’un côté Tim Robbins est connu pour avoir réalisé dans les années 90 deux films politiques intéressants : Bob Roberts, documenteur suivant l’ascension d’un sénateur américain chanteur de folk réactionnaire, et La dernière marche, plaidoyer anti-peine de mort qui a permis à Susan Sarandon de remporter l’oscar de la meilleure actrice. Sa présence donne à penser que la série va aborder en profondeur et de manière critique les thèmes de la politique étrangère américaine au moyen-orient. D’un autre côté Jack Black, spécialiste de l’humour un peu lourdingue qui amène l’histoire dans un comique de situation avec son rôle d’abruti gentiment égoïste. D’un côté la série parle de tensions diplomatiques, d’un autre côté elle confie la réalisation de son premier épisode à Jay Roach, l’homme derrière Austin Power.

Résultat, non seulement The Brink reste en surface, mais elle égratigne de plus finalement assez peu le pouvoir. Tout d’abord parce qu’elle est politiquement assez floue : en se situant sur un président imaginaire dont on ne sait s’il est démocrate ou républicain, la série s’oblige à avoir une approche assez peu tranchée de la situation, là où l’on sait que les deux camps n’auraient pas forcément la même approche de la diplomatie.

Ensuite parce qu’elle réduit complètement la diplomatie à des histoires de coucheries et d’ambitions personnelles. Ces motivations ont bien sûr de l’importance, mais en ne s’attachant qu’à elles, on n’oublie les enjeux géopolitiques bien réels et qui les dépassent. L’intrigue entre Walter Larson et sa femme est certes intéressante, mais on aurait aussi aimé avoir des références aux théories de l’axe du mal ou aux principes qui ont conduit les Etats-Unis à leur ligne diplomatique.

De plus, si les américains soient présentés comme des personnages égoïstes et imbéciles, on sent que le bien viendra quand même d’eux : Walter Larson, même s’il couche avec ses secrétaires, et accumule les gaffes diplomatiques, reste le seul personnage suffisamment intelligent pour éviter la catastrophe, et Alex Talbot, aussi incompétent soit-il, reste un diplomate dont le principal but est d’aider la construction de stations d’épurations d’eau.

Enfin, surtout, la série reste assez inoffensive car l’on n’apprend pas grand chose sur le sujet en regardant The Brink. Là où John Oliver dans son émission arrive non seulement à être hilarant mais à présenter de manière limpide un grand nombre d’informations sur un sujet, The Brink reste très en surface. Pourquoi les Pakistanais en veulent aux américains et à Israël ? Essentiellement parce que leur nouveau chef d’Etat est un fou paranoïaque. De manière intéressante, le drone abattu par le pilote de chasse dans l’épisode 2, déclenchant une crise politique entre l’Inde et le Pakistan, n’est pas américain, comme si la présence des Etats-Unis dans la région se limitait à une ambassade déconnectée du monde, dirigée par un fou de Dieu attendant l’apocalypse le sourire aux lèvres. De sorte que The Brink, tel un chat domestique, griffe beaucoup mais mord peu, et n’égratigne qu’en surface là où l’on n’aurait souhaité une vraie critique intelligente de la politique extérieure américaine.

Une comédie moyennement drôle

Dernier critère de réussite : la série fait-elle rire ? Malheureusement, The Brink ne déclenche qu’assez peu de grands éclats de rire. Est-ce dû au sujet ou aux personnages assez peu sympathiques ? Pas nécessairement, quand on repense à un Mars Attacks ! qui était vraiment drôle, sarcastique et méchant. On sent les scénaristes un peu piégés entre leur volonté de ne pas raconter quelque chose de stupide, leur volonté de quand même présenter des personnages caricaturaux, et la volonté de placer de nombreux gags à base de vomi et de grimaces d’un Jack Black plus énervant que drôle.

Résultat, on sourit assez souvent, mais on n’est pas franchement emporté par la série.

Faut-il regarder The Brink jusqu’au dernier épisode ?

Des trois séries des lundi HBO d’OCS, The brink est certainement celle qui a le moins de potentiel, et il n’est pas étonnant qu’elle passe en dernier. Pour autant, et malgré les nombreuses critiques que l’on peut trouver dans cet article, tout n’est pas à jeter : si l’on aurait voulu que la série aille plus loin et surtout aille plus en profondeur, elle se permet tout de même quelques impertinences qui font du bien. De plus elle bénéficie de son petit format : avec des épisodes d’une demi-heure au rythme vif, on n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer. Une série mineure, donc, qui nous laisse avec un sentiment mitigé : celui d’un divertissement de fin de soirée honnête, mais qui aurait pu être tellement plus ambitieux.

Synopsis : Soir d’élection au Pakistan : le candidat malheureux n’accepte pas sa défaite et provoque un coup d’état. Dès son premier discours, le général Umair Zaman menace d’attaquer Israël. Pour faire face à cette menace potentiellement nucléaire, le président des Etats-Unis hésite entre la voie militaire et la voie diplomatique. Le succès de cette dernière repose sur le secrétaire d’Etat, très porté sur les stagiaires, Walter Larson (Tim Robbins), et sur Alex Talbot (Jack Black), sous-fifre de l’ambassade américaine au Pakistan que le hasard va mettre au cœur de l’action.

The Brink :  Fiche technique

Titre original : The Brink
Date de sortie : 2015
Nationalité : Américaine
Création : Kim et Roberto Benabib
Réalisation : Jay Roach, Tim Robbins, Jon Poll, Scott Winant
Scénario : Kim Benabib, Roberto Bebabib, Dave Holstein, Sam Forman, Wes Jones, Jack Kukoda, Aasif Mandvi
Interprétation : Tim Robbins, Jack Black, Pablo Schreiber, Maribeth Monroe, Carla Gugino …
Musique : David Robbins
Photographie : James M. Muro, Todd dos Reis
Décors : Jessica Kender
Montage : David Helfan, Jon Poll, Kheireddine El-Helou
Production : Jack Black, Tim Robbins, Dave Holstein, Aasif Mandvi, Jon Poll
Sociétés de production : Everymen pictures, Home Box Office (HBO), Jerry Weintraub productions
Distribution : Home Box Office
Budget : NR
Nombre d’épisodes : 10
Genre : comédie, politique