Irresponsable, une série de Frédéric Rosset, saison 1 : Critique

Frédéric Rosset met au point une mini-série qui interroge sur les difficultés de s’improviser père, alors que l’on est soi-même aussi immature que son enfant.

Synopsis : Privé d’emploi et de logement, Julien, 31 ans, est contraint de revenir vivre chez sa mère dans sa ville natale. Sa rencontre avec Marie, avec qui il a été en couple 16 ans plus tôt et dont il ne s’est jamais remis de leur séparation, va secouer son quotidien léthargique puisqu’elle lui apprend qu’elle a eu un enfant de lui. Une révélation qui va mettre Julien dos au mur alors, qu’il avait jusque-là tout fait pour fuir la moindre responsabilité.

Sujet d’observation favori de Judd Apatow, qui a grandement contribué à le populariser, le personnage de l’adulescent a déjà connu plusieurs visages en France, en particulier ceux de Max Boublil et d’Orelsan. Ces trentenaires restés bloqués dans leur immaturité pré-pubère, connaissent désormais une nouvelle variation sous le format d’une série télévisée aux épisodes relativement courts (une vingtaine de minutes), ce qui leur garantit un certain rythme, empêchant aux moins bons des dix épisodes d’être pesants sur l’ensemble. Présenté à l’occasion de la dernière édition de Sériemania, ce soap-opera à la française n’est autre que l’aboutissement du projet de fin d’études d’un élève de la toute récente section Série TV de la Fémis, mais surtout la nouvelle proposition d’OCS qui, après The Lazy Company, semble avoir compris que c’est encore dans le domaine de la comédie que les jeunes  créateurs de séries français sont les plus inspirés.

Comme le laisse sous-entendre le titre, le postulat de départ consiste à mettre Julien, un de ces losers immatures, face à ses responsabilités et en l’occurrence, en lui faisant apprendre, à 31 ans, qu’il est le père de Jacques, un ado de 15 ans. Sa lâcheté et son infantilisme se retrouvent ainsi exacerbés par la façon dont, désireux de s’en rapprocher plutôt que de réussir à s’imposer en tant que figure tutélaire, il va faire copain-copain avec le gamin. Une idée assez simple mais source de quelques situations amusantes, dès lors que les deux grands enfants unissent leurs expériences respectives pour diverses bêtises (l’épisode 3 au collège est en cela le plus amusant). On pourra toutefois regretter que l’écriture n’a pas su profiter du ressort comique, toujours efficace, du décalage intergénérationnel entre les deux personnages.

Là où le scénario est sans doute le mieux écrit, c’est dans la relation qu’entretient Julien avec sa mère. Sa tendance à lui dissimuler son absence d’efforts de recherche d’emploi pour mieux profiter de son aide, tout en étant à la fois blasé par son maternalisme intrusif et terriblement inquiet pour son état dépressif, permet à cet antihéros nonchalant au demeurant caricatural, d’acquérir une certaine ambiguïté morale, à la fois tête-à-claques insupportablement profiteur et artiste frustré profondément pathétique. Cette relation délicate, exacerbée par l’absence d’un père démissionnaire, est justement ce qui va justifier sa volonté de prendre le jeune Jacques sous son aile, davantage parce qu’il se reconnait en lui que par une réelle fibre paternaliste. C’est donc sur cette ambivalence que se construit le personnage principal, dont le vecteur vers une certaine forme d’émancipation va toutefois être sa mélancolie apportée par les retrouvailles avec Marie, la mère de Jacques, mais surtout son amour de jeunesse. L’axe narratif, centré sur le rapprochement entre ces deux anciens amants qu’à présent tout oppose, pouvait sembler un prétexte à un développement fleur-bleue, comme viendra d’ailleurs le confirmer un épisode 7 au final assez lourdaud. Quelle bonne surprise alors de constater que les derniers épisodes prennent à revers cette approche quelque peu gnangnan en se révélant très émouvants !

Le casting est globalement composé de bons choix d’acteurs : Sébastien Chassagne et Marie Kauffmann remplissent plutôt bien leurs rôles respectifs, mais c’est une fois encore lors des trois derniers épisodes que le scénario leur permet de livrer des performances notables. Parce qu’il est, à l’inverse, d’un niveau stable tout le long des 10 épisodes, Théo Fernandez (déjà vu dans Les Tuches 1 & 2 ou encore Trois souvenirs de ma jeunesse) est, du haut de ses 17 ans, incontestablement le meilleur acteur de la série. À l’inverse, dès qu’il faut introduire d’autres personnages de son âge (en particulier dans l’épisode 6), la qualité de jeu est affreusement amoindrie par l’inexpérience des jeunes comédiens appelés en renfort.

La véritable bonne surprise de cette série est finalement sa façon d’être allée se tourner dans la commune de Chaville, dans les Hauts-de-Seine, un décor péri-urbain savamment exploité lors des trop rares scènes en extérieur par des scénaristes qui, à n’en point douter, connaissent le terrain. La direction artistique est cependant moins inspirée dans la composition de la garde-robe très vieillotte de Julien qui certes, s’habille négligemment comme le veut sa situation pécuniaire, mais le met trop en décalage avec l’âge qu’il voudrait avoir pour le rendre entièrement crédible.

Tandis que Canal +, et à présent Netflix, s’entêtent à développer des séries françaises bêtement  calquées sur des modèles américains, il apparait évident que la comédie reste le domaine de prédilection des jeunes créateurs locaux. Irresponsable en est purement symptomatique. Inégale sur la durée puisque la saison connait, en son milieu, un certain creux, cette bonne surprise ne semble pas vouée à se renouveler sur le long terme, mais il ne fait aucun doute que l’on reverra son équipe avant longtemps.

Irresponsable : Bande-annonce

Irresponsable : Fiche technique

Création: Frédéric Rosset

Réalisation : Stephen Cafiero

Scénario : Frédéric Rosset, Camille Rosset Et Maxime Berthemy

Interprétation : Sébastien Chassagne (Julien), Marie Kauffmann (Marie), Théo Fernandez (Jacques), Nathalie Cerda (Sylvie)…

Musique Originale : Romain Vissol

Producteur : Antoine Szymalka

Société de production: Tetra Media Fiction, La Pépinière

Distribution :  Tetra Media Fiction / La Pépinière

Genre : Comédie

Format : 10 épisodes de 21 minutes

Diffusion : 2 épisodes par semaine sur OCS City à partir du 20 juin

France – 2016

Rédacteur