Si vous hésitiez à regarder Bridgerton et Selena, la série sur Netflix, ou Your Honor sur Showtime, c’est l’occasion de vous faire une idée. Pour clôturer l’année 2020, nous vous proposons trois critiques courtes des pilotes de nouvelles séries.
Le premier épisode de Bridgerton donne-t-il envie de voir la suite ? Faut-il se préparer à binge-watcher la nouvelle série éponyme qui retrace la vie de la chanteuse Selena ? Et qu’en est-il de la série dramatique Your Honor dont l’acteur principal est l’inégalable Bryan Cranston ?
Le Mag du Ciné vous dit tout ci-dessous !
Bridgerton : un Jane Austen à l’américaine
Bridgerton, la nouvelle série tant attendue de Shonda Rhimes est sortie ce 25 décembre sur Netflix. De quoi passer un bon réveillon pour les fans de Grey’s Anatomy, si notre talentueuse Shonda n’avait pas été trop ambitieuse avec cette romance d’époque très américanisée.
L’histoire se passe dans un Londres victorien où notre jeune et jolie héroïne, Daphne Bridgerton (Phoebe Dynevor), cherche à se faire bien voir de la société pour obtenir un bon mariage. Seulement, son frère aîné Anthony (Jonathan Bailey), très autoritaire, tente de lui imposer un mariage d’argent qui ne lui plait guère. Pour sauver sa situation, elle parvient à passer un accord avec le jeune Duke Simon Basset (Regé-Jean Page), aucunement intéressé par le mariage. Les deux jeunes gens doivent faire croire devant toute la société qu’ils tombent amoureux afin d’échapper aux obligations de leurs familles respectives.
Une romance d’époque qui s’inspire d’Orgueil et Préjugés, mais avec plus d’audace. En effet, le casting, bien que inconnu, est aussi très diversifié. Une tendance empruntée sûrement à la comédie musicale Hamilton, dont la plupart des personnages historiques étaient interprétés par des acteurs non blancs. Cet anachronisme est malheureusement la chose la plus réussie de la série. Le drame romantique tourne très rapidement en romance arrangée.
En un seul épisode, les personnages sont peu développés, car trop nombreux. Même si la série respecte parfaitement les critères du genre, elle est totalement insipide. Facile à binge watcher pour les adeptes de romances en costumes d’époque, mais sans la qualité des adaptations BBC des romans de Jane Austen. La créatrice de Scandal nous déçoit fortement pour cette série très attendue, qui ne sera pas la successeuse de Grey’s Anatomy pour les années à venir.
Céline Lacroix
Selena, la série : un biopic détaillé qui promet des paillettes
Disponible sur Netflix, Selena, la série, retrace, comme son nom l’indique, la vie de la chanteuse américaine d’origine mexicaine, Selena, qui connut un succès fulgurant dans les années 80 et 90.
Le pilot annonce une facture typique des biopics, certains diront sans la moindre imagination, quand pour d’autres, l’adjectif classique suffira. Rien ne détonne ni de la photographie, du montage ou de la mise en scène, mais l’ensemble est pourtant convaincant : ce premier épisode installe cette ambiance habituelle des films biographiques enracinés dans le formica des seventies, où le passé sert de divertissement. Les acteurs sont crédibles, de même que leurs relations mutuelles.
On regrette une chronologie qui s’annonce linéaire, alors que des va-et-vient entre différents moments de la carrière de la chanteuse auraient pu pimenter un peu ce résultat qui se déroule tranquillement, avec un pilot un peu longuet par moments. Ces quarante premières minutes sont, en effet, dédiées à l’exploration de la triste période de l’enfance de Selena, ses débuts alors que sa famille est pauvre et vit chez son oncle Hector. Les efforts de son père sont touchants et en même temps exaspérants, tant on a envie de passer à la suite, aux premiers succès, au glamour et aux paillettes que les années 80 nous réservent assurément et qui constitueront, on s’en doute, une partie importante de l’aspect visuel de la série.
Notons que seule la première partie est pour l’instant disponible sur Netflix, les neuf épisodes ne couvrant pas l’ensemble de la vie de Selena Quintanilla (interprétée adulte par Christian Serratos), dont la carrière solo devrait être explorée dans une saison 2. Si une telle durée garantit la possibilité de s’attarder sur des détails, on peut également craindre une forme de remplissage. Une carrière d’environ dix ans nécessite-t-elle réellement plus de 9 épisodes de 40 minutes, voire 18 épisodes ?
Une seule manière de le savoir : continuer à regarder !
Sarah Anthony
Your Honor : canevas éprouvé, charme opérant
Adaptée d’une série israélienne, la nouvelle mini-série de CBS Your Honor s’étendra sur neuf épisodes, jusqu’à fin janvier 2021. Le point de départ est simple : un homme censé être un représentant de la justice – littéralement, puisqu’il s’agit d’un juge, et la première scène où on le voit présider une cour nous le dévoile particulièrement épris de justice, puisque son jusqu’au-boutisme lui permet de confondre un policier ayant livré un témoignage mensonger – est amené à trahir tous ses principes le jour où son fils, en état de choc, lui déclare avoir commis un délit de fuite après avoir accidentellement tué un motard avec sa voiture. Le point de bascule éthique provoquant la décision fatidique du paternel de dissimuler le crime de son fiston ! Pour complexifier cette intrigue, on découvre en même temps que les personnages que la victime est le fils d’un célèbre parrain du crime organisé de la ville…
Le point de départ et les thèmes narratifs et moraux du récit n’ont rien d’original, convenons-en. En outre, la mise en place du pilote adopte le rythme languissant habituellement associé à la ville de La Nouvelle-Orléans, dans laquelle se déploie l’intrigue. Pourtant, l’instant déclencheur du scénario coïncide avec le moment où le spectateur rentre pleinement (et brusquement) dans le sujet. La longue scène de l’accident fatidique ne transige pas sur la dureté et le réalisme du moment, formant ainsi une séquence marquante qui nous absorbe instantanément. Le casting, comme souvent dans les productions américaines, finit de nous convaincre. Dans une variation un peu plus convenue de son rôle de Walter White/Heisenberg dans l’indispensable Breaking Bad, Bryan Cranston campe à merveille un individu dont l’existence bascule alors qu’il fait face à des choix impossibles. Le jeune Hunter Doohan est très convaincant, lui aussi, dans son interprétation du fils asthmatique, bon petit gars miné par un drame personnel dont il n’est pas encore dévoilé grand-chose, lui aussi pris dans un engrenage qu’on devine sinistre. Face à ce duo, on se réjouit de découvrir Michael Stuhlbarg (A serious man, Blue Jasmine, La forme de l’eau, Boardwalk Empire) dans le rôle du boss de mafia, un choix original.
Le spectateur recherchant en priorité des fictions novatrices ne s’attardera probablement pas longtemps sur Your Honor, qui renvoie immanquablement à beaucoup d’autres films et séries, et cela d’autant plus que l’actualité des séries est fort chargée et qu’on ne peut s’intéresser à toutes les nouvelles sorties. A condition de faire fi de cette faiblesse créative, on se laisse néanmoins volontiers happer par l’intrigue… et on a hâte de découvrir l’étendue du pétrin dans lequel Michael et Adam Desiato vont devoir se débattre.
Thierry Dossogne