Bates Motel est une approche intéressante de la genèse du tueur de Psychose. La série développe les deux personnages clef du film, Norman Bates et sa mère, remarquablement interprétés par Freddie Highmore et Vera Farmiga, et étudie leur psychologie et leurs déviances d’une manière alléchante et relativement crédible malgré certaines digressions.
Synopsis : Après la mort de son époux, Norma Bates achète un hôtel et emménage avec son fils Norman dans la maison adjacente. C’est un nouveau départ pour ce couple brisé et pourtant très complice que Norma compte bien protéger du monde extérieur à tout prix…
D’emblée, Bates Motel se présente comme un préquel du film d’Alfred Hitchcock dont le titre reprend le nom du lugubre hôtel où se déroule l’intrigue principale. L’appellation du bâtiment est issue du patronyme de son sociopathe de propriétaire, Norman Bates, lui-même tiré du roman éponyme de Robert Bloch, véritable créateur du personnage qui a par ailleurs écrit des scenarii pour Hitchcock. Les fans de Psychose pourront y apprécier les décors typiques du film, du bureau du motel à la demeure de Bates qui le surplombe, en passant par la “room with a view” de la mère. L’ambiance aussi est au rendez-vous bien que les créateurs aient pris un sacré risque en s’attaquant de cette façon à la jeunesse du tueur.
Les déconvenues des puristes :
On pourrait en effet s’inquiéter du sujet de cette série qui en vient à dépeindre le quotidien d’adolescents avec leurs états d’âme grotesques et futiles. Dans les premiers épisodes, des lycéennes énamourées gravitent autour du jeune Bates et viennent titiller les hormones du garçon qui tente désespérément de faire sa crise d’adolescence – malgré une mère envahissante – et il s’en est fallu de peu pour qu’on se retrouve avec un Teen TV Show. Fort heureusement, l’histoire se centre assez vite sur le couple Norman/Norma et sur leur relation ambiguë et toxique. Finalement, dans la saison 1, les passages mettant en scène les jeunes protagonistes servent surtout de prétexte aux comportements déviants et pulsionnels de Bates. Et c’est dans la deuxième saison qu’on va s’intéresser aux personnages secondaires au détriment du fil directeur. Cherche-t-on à combler les vides ou faire durer le suspense ? Tandis qu’une vulgaire histoire de drogue vient se greffer en parallèle, on s’attarde sur les romances des adolescents. Le climat oppressant de la série se désagrège et prend des aspects de film de Gangsters ; le spectateur s’agace et s’ennuie. Il eût été préférable de développer davantage la psychologie de la mère – plutôt que ses interactions sociales et son implication au sein de la communauté et de la ville. Quoi qu’il en soit, la série perd son attrait premier et s’égare dans cette saison 2 pour revenir en force dans la saison 3.
On regrette aussi que les showrunners aient choisi de situer l’action de Bates Motel à l’époque contemporaine, ce qui lui fait perdre beaucoup en cachet et en authenticité. D’autant que les décors et les costumes sont d’un style classique et rétro que viennent contrarier les véhicules et autres accessoires comme les téléphones portables. Sans oublier la mafia du coin et sa bande de dealers qui viennent parasiter l’histoire. Tout cela brise l’illusion et le sentiment nostalgique qui nous habite les premières minutes au travers des clins d’œil au film de Hitchcock à la manière de Gus Van Sant dans Psycho. Quoi qu’il en soit, on s’habitue petit à petit à ce décalage qu’on taxera d’originalité pour s’intéresser plutôt aux personnages et à leur psychologie.
De l’analyse du personnage de Norman Bates :
Bates Motel est un postulat intéressant sur les origines du trouble de Norman. C’est presque une étude de la relation entre Norma, matriarche vampirisante et dominatrice et Norman, fils dévoué et aimant – pour ne pas dire « amoureux de maman ». Car c’est une relation exclusive et résolument œdipienne que nous propose le réalisateur dans cette version préliminaire au film où chaque élément est dénonciateur de la transgression. Séduit et soumis, tour à tour attiré puis repoussé par sa mère, l’adolescent déjà marqué d’une altération mentale s’enfonce de plus en plus dans la maladie.
Dans Psychose, Hitchcock nous apportait quelques pistes quant au trouble du personnage et qui sont développées dans Bates Motel. On le découvrait intelligent et cultivé, solitaire et maniaque, mythomane, sensible à l’autre sexe mais terrifié par lui, et surtout profondément marqué par le regard des autres. À un moment du film, Bates se confiait même à son interlocutrice : « Vous savez, il n’y a pas de meilleur ami qu’une mère. (…) Nous sommes pris à notre propre piège mais, une fois que nous y sommes, on ne peut pas s’en dégager. J’ai toujours été pris au piège et je m’en accommode très bien. » Et c’est cet aspect que l’on retrouve dans le personnage de la série, ce rapport à la femme, à la fois conscient et servile, cette ambivalence de Bates, tantôt faible, tantôt fort, et qui le rend aussi fascinant.
Les femmes qui évoluent autour du jeune homme contribuent à rendre difficile le relationnel avec la gente féminine. Le scénario joue avec son instabilité émotionnelle et celle de ses pairs, notamment sa mère, hystérique et névrosée, possessive et intrusive. Le héros est tiraillé entre les confidences trop intimes des unes et les avances des autres, entre la jalousie d’une mère omniprésente, sa profonde admiration pour elle mais aussi sa culpabilité face à leur relation trop fusionnelle. Norman va ainsi développer une pathologie psychosociale et des comportements destructeurs et morbides comme son goût pour la taxidermie. Partagé entre ces postures de force et de faiblesse, entre le réfléchi et le pulsionnel, entre le bien et le mal, il va se réfugier dans ses hallucinations et ses fameux « black-out », plus ou moins délibérés – comme peuvent le suggérer les « trophées » qu’il conserve (le collier de perles, l’article de presse, le carnet…).
Au fil des saisons :
Si la saison 1 de Bates Motel pose les bases de ce foyer anxiogène et déclencheur de la pathologie de Norman, la transition entre la première à la deuxième saison est d’autant plus percutante qu’on franchit une étape dans la relation mère/fils et du même coup dans la psychose. Le jeune homme, en proie à ses désirs, adresse des regards insistants et des gestes de plus en plus déplacés à l’égard de sa mère mais il tente aussi de se libérer de son emprise, allant jusqu’à la provoquer et la rejeter. Paradoxalement, dans la saison 2, on néglige un peu leur intimité pour faire la part belle au héros (et développer les autres personnages). À la fin de la deuxième saison, mère et fils se rapprochent dangereusement et la saison 3 s’ouvre sur leur complicité grandissante mais qui les dévore tous les deux. On retrouve alors cette atmosphère oppressante et troublante de la saison 1 qui pèse sur la cellule familiale et que de lourds secrets viennent intensifier. Cette troisième saison est particulièrement intéressante car la trame narrative est complétée par une seconde histoire qui vient semer le doute sur la véritable conscience de Norman et sur sa culpabilité tandis qu’il s’enfonce toujours plus profondément dans la folie.
En bref, la série Bates Motel – eu égard aux divagations de sa saison 2 – est un récit inventif et intrigant de la jeunesse du tueur de Psychose et des origines du mal interprété par un Freddie Highmore dont on peut dire qu’il a la tête de l’emploi ! Interrogée sur les limites de la série, une infirmière en psychiatrie nous a d’ailleurs avoué que Bates Motel était tout-à-fait crédible malgré le phénomène de dédoublement de personnalité qui n’a jamais été prouvé. Toutefois, cet aspect de la maladie de Norman est développé dans le film Psychose et n’engage pas vraiment la série. Un divertissement qui mérite donc qu’on s’y accroche durant la deuxième saison et qu’on se réengage volontiers pour une saison supplémentaire. La chaîne américaine A&E a d’ailleurs annoncé que les saisons 4 et 5 de Bates Motel seraient diffusées respectivement début 2016 et début 2017.
Découvrez le Teaser de la Saison 4 de Bates Motel :
Fiche Technique de la série Bates Motel
Titre original : Bates Motel
Genre : Série dramatique et thriller
Création : Carlton Cuse, Kerry Ehrin, Anthony Cipriano et d’après le film Psychose de Alfred Hitchcock, inspiré du roman Psychose de Robert Bloch
Production : American Genre, Carlton Cuse Productions, Kerry Ehrin Productions, Universal Television
Acteurs principaux : Vera Farmiga ( Norma Bates), Freddie Highmore (Norman Bates), Max Thieriot (Dylan Masset), Nestor Carbonell (Shérif Romero), Olivia Cooke (Emma Decody)
Musique : Chris Bacon
Pays d’origine : États-Unis
Chaîne d’origine : A&E Network
Nb. de saisons : 4 en 2016 – en production
Nb. d’épisodes par saison : 10
Durée : 45 minutes
Diff. originale : 18 mars 2013