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Hellboy, belle est la bête

Cinquième long-métrage de Guillermo Del Toro, Hellboy est une déclaration d’amour aux créatures lovecraftiennes mais une œuvre bancale et imparfaite. Plongée dans un monde où les poissons sont bavards et où le diable aime les chats.

Pour comprendre l’essence du film Hellboy, il faut faire un petit voyage dans le temps. Le long-métrage aux cornes sciées arrive à un moment charnière de l’histoire du cinéma hollywoodien. A sa sortie en 2004, Spider-man 1 et 2 de Sam Raimi remettent avec succès les adaptations de «  comicbooks »sur le devant de la scène. Les deux premiers volets de la saga des mutants X-Men inventent la formule qui sera la colonne vertébrale des productions héroïques de la décennie qui suit. Et l’échec de Daredevil de Steven Johnson amorçait déjà une lassitude des codes qui seront usés à outrance une dizaine d’années plus tard. Hellboy arrive comme un contre-poids dans ce paysage fertile aux transpositions de héros et d’anti-héros. Alors que qu’un divertissement facile sans prise de risques pouvait être à prévoir, Guillermo Del Toro préfère aller à l’encontre de ce qui faisait à l’époque et offre un modèle de divertissement alternatif au classique blockbuster-hollywoodien. Cet audace se retrouve dès la démarche d’adaptation du comics Hellboy. Alors que Marvel et DC puisent dans leurs personnages les plus connus, Guillermo Del Toro vient chercher dans la création minimaliste et peu connue de Mike Mignola. Galerie de monstres, univers lovecraftien, allusions bibliques et mythologiques : toute l’oeuvre de Mignola semble correspondre au cinéma du réalisateur mexicain. De cette union, naît un long-métrage fait par un fan pour les fans. Et dans cette formule réside à la fois les torts et les bienfaits du film.

hellboy-ronperlman-film-cigare-film-del-toroDans un premier temps, Hellboy est un film très respectueux du comics dont il est tiré. Et cela offre une richesse esthétique indéniable. Les paysages urbains censés représenter la ville de New York se rapprochent bien plus des villes européennes ( le tournage ayant eu lieu à Prague ). Le métro ne représente qu’un vaste terrain de jeu pour un combat entre l’anti-héros rouge et Sammael, monstre à pattes et tentacules, qui se régénère a volonté. Pour Del Toro, son film est l’occasion de faire un produit personnel en adéquation avec les thématiques occultes
de la bande-dessinée. Si chaque scène d’action est bienvenue, la vraie force du film est l’attention attribuée aux personnages. Du diable adolescent à l’homme-poisson érudit, chaque créature est humanisée et développée. Hellboy en devient un personnage très intéressant. Physiquement démoniaque et capable d’une destruction totale, il est représenté comme un adolescent immature, cherchant à trouver sa place dans le monde. Partagé entre ses origines diaboliques et l’envie d’être accepté comme un humain, on le retrouve les cornes sciés pour être comme tout le monde. Malheureusement pour lui, sa peau rouge flamboyante le ramène rapidement à la réalité. On se plaît à voir ce monstre amateur de chats, prêts à sauver un carton de bêtes félines en plein combat.

hellboy-samael-film-metroLes créatures sont sublimées par l’apport organique que privilégie Del Toro aux effets numériques. C’est un véritable amour que porte le réalisateur à ses monstres et son univers. Il magnifie le tout avec un maîtrise du clair-obscur et du contraste entre ses créatures colorées et les décors ternes et sépia. Malheureusement, tort du réalisateur fan, l’œuvre peut être un peu brutale pour les néophytes qui font face à des personnages, jamais exposés. Le film a tendance à prendre le spectateur pour acquis, et n’affiche jamais réellement l’ambition d’être un film pour un plus large public. Bien qu’étant un long-métrage personnel, Hellboy s’affirme comme un produit bancal mais rempli de bonnes intentions. La subtilité s’efface derrière des dialogues et des punchlines grasses. Il faudra attendre Le Labyrinthe de Pan pour que l’imagination débordante de Guillermo Del Toro épouse son romantisme tragique avec finesse. Cependant, le long-métrage reste un bijou imparfait à retenir.

En allant à contre-courant de la tendance hollywoodienne, Hellboy s’impose comme le témoignage de la folie fantastique d’un auteur, qui disséminait déjà sa passion pour les monstres et leurs histoires.

Bande-annonce : Hellboy

Hellboy – fiche technique

Réalisation : Guillermo Del Toro
Scénario : Guillermo Del Toro, d’après une histoire de Guillermo Del Toro et Peter Briggs, d’après les comics de Mike Mignola
Casting : John Hurt (Trevor Broom), Selma Blair (Liz Sherman), Rupert Evans (John Meyers), Karel Roden (Raspoutine)
Photographie :  Guillermo Navarro
Musique : Marco Beltrami
Montage : Peter Amundson
Production : Lawrence Gordon, Lloyd Levin et Mike Richardson
Sociétés de production : Revolution Studios, Lawrence Gordon Productions, Starlite Films, Dark Horse Entertainment
Société de distribution :  Columbia Pictures, Gaumont Columbia Tristar, Buena Vista International
Durée : 122 minutes
Date de sortie :  11 août 2004