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There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson : l’obsession, le sang et les larmes d’un homme en proie à ses démons

Considéré comme l’un des meilleurs films du réalisateur, There Will Be Blood réunit la quintessence du talent de Daniel Day-Lewis, Paul Dano et Paul Thomas Anderson. Il apporte à l’interprète de Daniel Plainview le deuxième Oscar de sa carrière, à juste titre.

Synopsis : Lorsque Daniel Plainview entend parler d’une petite ville de Californie où un océan de pétrole git sous le sol, il décide d’aller tenter sa chance et part avec son fils H.W. à Little Boston. Dans cet endroit perdu, où chacun lutte pour survivre et où l’unique distraction est l’église animée par le charismatique prêtre Eli Sunday, Plainview et son fils voient le sort leur sourire. Mais même si le pétrole comble leurs attentes et fait leur fortune, plus rien ne sera comme avant : les tensions s’intensifient et les conflits éclatent.

L’attente de l’horreur

There Will Be Blood débute avec une musique stridente, anxiogène. Elle indique au spectateur l’étendue de l’aventure qu’il s’apprête à voir. Une aventure angoissante, passionnée et brisée. Aucune prise de parole n’entache cette musique : seulement un plan large d’un paysage aride.

La première apparition de Daniel Plainview est sombre, silencieuse. Il est isolé sur cette terre esseulée,  au fond d’une cavité obscure. La musique s’éloigne progressivement, laissant place à un son presque mécanique : celui de la pioche qu’utilise Daniel. Les premiers sons qu’il émet sont des cris de douleur ; le spectateur se sent impuissant face à cet homme qu’il ne connaît pas encore.

Le titre, Il y aura du sang en français, nous oriente sur la suite du récit. Nous comprenons dès lors que les couleurs du film seront le jaune pour le territoire désertique du Nouveau-Mexique, le noir pour le pétrole, et le rouge pour le sang. L’horreur ne se trouve qu’à une poignée de main.

Le besoin d’une famille face à la volonté de solitude

Daniel est un être résolument seul, travaillant seul et voulant être seul. Seul son fils, H.W., l’accompagne partout, jusqu’au terrible accident qui éloigne définitivement le père et le fils, laissant ce dernier sourd. Daniel ne prendra jamais le temps d’apprendre la langue des signes pour communiquer avec lui. La complicité entre les deux était factice, du moins pour Daniel ; la surdité de H.W. casse le dernier lien qui semblait relier les deux personnages.

Pourtant, Daniel Plainview est en quête permanente d’une famille. En créant un village autour de la source de pétrole, il cherche à rassembler les familles pour en créer une seule. Cette « communauté », comme il la nomme, permet de créer une société nouvelle car elle comprend également des enfants. Pour Daniel, la présence des enfants est importante car elle permet l’éducation. « Ces enfants sont notre avenir« , affirme-t-il : en d’autres termes, Daniel veut être l’avenir, car il est à l’origine de cette nouvelle grande famille. Seulement, comme le démontre le titre du film au futur, Daniel est également la source de la violence.

« Un homme ne peut pas prospecter seul, affirme-t-il lors de la commémoration du nouveau village. Il faut toute une communauté de bonnes personnes, telles que vous. C’est bon d’être ensemble. On prie ensemble, on travaille ensemble, et si le Seigneur nous le permet, nous partageons la richesse ensemble « . Cette énumération est un mensonge, car il cherche la richesse justement pour s’éloigner des hommes. Ce paradoxe crée toute la complexité du personnage.

La frénésie d’un capitalisme inarrêtable 

Plus Daniel est riche, plus il peut s’offrir le luxe d’être seul : une solitude étouffante, mais recherchée. Son unique obsession est celle du profit. Il est prêt à tout pour s’enrichir. La longueur du film marque cette étendue : le spectateur est témoin du basculement progressif du protagoniste. Il se perd dans sa quête, tente de garder le cap mais perd l’équilibre dans certaines séquences, notamment celle où il traîne Eli dans le pétrole. « Je vais t’enterrer sous terre » lui dit-il ensuite, d’une voix difficilement calme.

Eli est l’antagoniste de l’antagoniste. Les deux personnages sont des figures paternelles pour les habitants du nouveau village ; l’un à travers l’Église, l’autre à travers l’argent. La voix nerveuse et profonde de Daniel contraste avec celle d’Eli, douce et presque enfantine, comme un ange. À ce titre, la voix constitue un aspect capital du long-métrage. Elle est « comme l’emprunte digitale de l’âme« , disait l’acteur dans une interview. La voix du protagoniste démontre sa volonté de contrôle, qu’il peine de plus en plus à conserver.

Dans la première partie du film, Daniel garde le contrôle, et le spectateur s’interroge : quand pourrait-il sombrer ? À cet effet, la séquence où il se livre à l’Église représente le climax de sa perte de contrôle. À partir de là, plus aucun retour en arrière n’est possible. Il devient un autre homme au sein de cette église : il n’est plus l’homme absorbé dans un plan large, entouré du pétrole. Daniel s’épouvante, se délivre, au plus proche du spectateur, grâce au cadre resserré sur son visage. Le pétrole (donc, l’argent) s’éloigne le temps d’un instant, sous l’œil triomphant d’Eli. Seulement, la guerre entre les deux hommes est loin d’être terminée.

Bande-annonce : There Will Be Blood

Fiche Technique : There Will Be Blood

Titre original et français : There Will Be Blood
Titre québécois : Il y aura du sang
Réalisation et scénario : Paul Thomas Anderson, d’après le roman Pétrole ! d’Upton Sinclair
Musique : Jonny Greenwood
Direction artistique : David Crank
Décors : Jack Fisk
Costumes : Mark Bridges
Photographie : Robert Elswit
Montage : Dylan Tichenor
Production : Paul Thomas Anderson, Daniel Lupi et JoAnne Sellar
Genre : drame historique
Durée : 158 minutes