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Rétrospective David Fincher : L’étrange histoire de Benjamin Button, critique du film

D’abord Ron Howard, puis Spike Jonze, c’est finalement, le talentueux David Fincher, que l’on retient surtout pour le cultissime Fight Club, qui s’attache à la nouvelle de F. Scott Fitzgerald, L’étrange histoire de Benjamin Button, sortie dans nos salles en 2008. Il continue de représenter romans et littérature à travers son cinéma, mais sans jamais chercher la facilité tant dans l’écriture que la réalisation.

Synopsis : La veille de l’ouragan Katrina en 2005, Daisy vit ses dernières heures, elle demande à sa fille, Caroline, de lire le journal de l’amour de sa vie, Benjamin Button. Né le 11 Novembre 1918, Benjamin a inversé les règles du temps en naissant avec l’apparence physique d’un vieil homme…

Jusqu’à ce que le temps nous sépare…

Alors qu’il maîtrise à la perfection le thriller et le suspens, nous pouvons constater que Fincher présente cette fois une nouvelle manière d’écrire et de porter ses histoires à l’écran à travers une fable plus poétique, mais toujours aussi psychologique envers ses personnages, relatant tous les thèmes liés à la vie, la mort, le temps qui défile, par son long-métrage.
Le personnage de Benjamin Button représente une certaine rupture à cet écoulement naturel. Comme le reste de l’humanité, il sera destiné à mourir, mais contrairement à eux, son corps inverse cet obstacle du temps et le récupère en rajeunissant physiquement tout en grandissant. En conséquence, il va inverser le cercle de la vie littéralement, passant du petit vieux faible et malade, à un homme qui deviendra de plus en plus jeune.
Au départ, nous avons du mal à distinguer ce qui prédomine chez Benjamin, c’est un être qui développe un esprit innocent d’un petit garçon qui se cherche, pour autant ses traits vieillissants peuvent aussi le faire passer pour une personne sénile auprès des autres individus de la pension.

Malgré sa longueur, et sa lenteur dans la narration, le spectateur ne peut qu’être troublé par le parcours de Benjamin qui est un paradoxe face à ses proches. Nous serons émus tout le long du film, comme le moment où il se lève de sa chaise pour la première fois, il libère son corps et commence enfin à pouvoir vivre. Cette idée renvoie aux travaux du paléontologue Leroi-Gourhan démontrant que le visage existe dès l’instant où l’Homme se met debout. L’Homme devient homme quand il se lève et libère ses mains et son corps, il en est de même pour Benjamin Button qui montre les effets de son rajeunissement quand il parvient à se lever puis à marcher.

Un scénario au style très hollywoodien

L’étrange histoire de Benjamin Button reprend dans son conte fantastique tous les codes du héros initiatique, non sans une certaine prévisibilité. Benjamin est un jeune garçon vu comme un vieil homme. De ce fait, en dehors de son amie Daisy, il ne fréquente pas des gens de son âge mais des adultes, ainsi, il découvre rapidement le monde et les plaisirs de la vie liés au sexe et à l’alcool, et aux premières fois.
Malgré le développement de deux personnages principaux réussis, le scénario souffre parfois d’un mauvais équilibre dans son écriture, et manque d’intérêt dans certains passages au risque de perdre le spectateur dans ses 2 heures 40.
Ce choix peut se justifier à travers le détail de Fincher dans l’approfondissement de son personnage, autant physique que psychologique, mais aussi dans la reconstitution de l’histoire américaine du XXème siècle, commençant à la fin de la première Guerre Mondiale jusqu’aux années 90. Néanmoins, alors qu’il constitue un regard critique sur la société dans ses précédents longs-métrages, on pourra regretter la place du contexte historique au second plan, misant d’abord sur les aventures de Benjamin, dont l’histoire américaine gravite autour de son récit.

De plus, la narration, qui relève de l’autoportrait littéraire, relatée par la fille de Benjamin en lisant son journal, nous affirme que le réalisateur fait l’introspection de son héros et ses états d’âmes, sous forme de flash-backs.
La force de L’étrange histoire de Benjamin Button se place donc dans sa romance dramatique, portée par le duo d’acteur Brad Pitt (3ème collaboration avec David Fincher), dans le rôle de Benjamin et Cate Blanchett, interprète de Daisy. L’alchimie dans leur couple est indiscutable, ce sont deux âmes-sœurs qui souffrent de ne pouvoir vivre pleinement leur amour à cause du temps qui finira par les séparer tôt ou tard. La manière de raconter et d’expliquer leur relation est très intelligente et bien amenée que ce soit durant leur rencontre pendant l’enfance, ou lorsqu’ils se donnent une vraie chance quand leurs âges se rejoignent. Mais le temps finit par les rattraper, certes, le spectateur s’y attend, mais cela reste toujours bouleversant, jusqu’à la mort de Benjamin sous les traits d’un nourrisson.
N’oublions pas non plus la talentueuse Taraji P. Henson dans le rôle de Queenie, la mère de Benjamin, femme noire toujours présente pour son enfant, à l’inverse de son père biologique blanc, qui n’accepte pas la différence, et qui décide d’abandonner son fils. La tendresse de Queenie, et la sincérité dans le jeu de l’actrice assure sa nomination dans la catégorie meilleure actrice dans un second rôle et lui confirmera une belle carrière par la suite.

Enfin, la particularité, l’essence même du long-métrage se concentre sur ses effets spéciaux et la mise en scène qui ont permis l’obtention de 3 oscars techniques : meilleur direction artistique, meilleur maquillage, et meilleurs effets visuels.
L’histoire de Benjamin est finalement presque l’excuse pour que David Fincher face de l’expérience de la motion capture une vraie prouesse technique.

 

La création du vieillissement est impressionnante, les moyens employés demandaient beaucoup de travail de la part de l’acteur comme des équipes d’effets spéciaux. En effet, Fincher a utilisé une vraie silhouette de plus de 70 ans pour sa première heure de film en y intégrant la tête de Brad Pitt maquillée par des effets numériques pour magnifier les traits du vieillissement, puis du rajeunissement (il en est de même pour Cate Blanchett qui joue aussi son rôle allongée dans son lit pendant l’ouragan Katrina). Au lieu d’utiliser d’autres acteurs, les équipes techniques ont réussi à reconstituer parfaitement les expressions du visage de Benjamin et de Daisy qui sont toujours reconnaissables, peu importe l’âge.
Enfin, nous retrouvons dans la réalisation de Fincher la récurrence du sépia, exclusivement réservé aux flash-backs du long-métrage dénonçant d’un point de vue esthétique l’usure du temps qui passe, pour contrebalancer à l’atmosphère du présent avec Daisy et sa fille Caroline. Cette tonalité renforce le caractère d’époque en apportant une certaine noblesse, tout en symbolisant le souvenir des Etats-Unis du XXème siècle, dont on ressent l’évolution et l’aboutissement avec les nouvelles technologies numériques pour créer et vieillir le visage de Brad Pitt.

Probablement pas son film le plus prenant, L’étrange histoire de Benjamin Button reste cependant une valeur sûre dans les œuvres de Fincher à travers sa mise en scène et son écriture soignées. Ici il traite du temps, de ses conséquences et de son impact sur notre corps et notre visage, sujet de la mort mais aussi de la vie. Plusieurs nominations, puis récompensés par des Oscars et des critiques favorables, David Fincher nous prouve qu’il n’est pas uniquement le maître du suspens, mais un réalisateur réfléchi cherchant constamment à se renouveler dans sa filmographie atypique…

L’étrange histoire de Benjamin Button : Bande-annonce

L’étrange histoire de Benjamin Button : Fiche Technique

Titre original : The Curious Case of Benjamin Button
Réalisation : David Fincher
Scénario : Eric Roth, Robin Swicord d’après la nouvelle éponyme de F. Scott Fitzgerald (1922)
Interprétation : Brad Pitt (Benjamin Button), Cate Blanchett (Daisy), Julia Ormond (Caroline), Taraji P. Henson (Queenie), Jason Flemyng (Thomas Button), Tilda Swinton (Elizabeth Abbott), Rampai Mohadi (Ngunda Oti), Elle Fanning (Daisy jeune), Mahershala Ali (Tizzy), Jared Harris (Capitaine Mike)…
Photographie : Claudio Miranda
Montage : Kirk Baxter, Angus Wall
Musique : Alexandre Desplat
Décors : Donald Graham Burt
Costumes : Jacqueline West
Producteurs : Frank Marshall, Cean Chaffin, Kathleen Kennedy
Société de production : The Kennedy/Marshall Company
Distributeurs : Paramount Pictures (Etats-Unis), Warner Bros. (Monde)
Budget : 160 000 000 $
Récompenses : Oscars de la meilleure direction artistique, du meilleur maquillage, des meilleurs effets visuels ; BAFTA Awards des meilleurs effets visuels, du meilleur maquillage et cheveux
Durée : 165 minutes
Genre : Fantastique, drame
Date de sortie : 4 février 2009

Etats-Unis – 2008