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Liste de confinement #1 : Croix de fer, L’Arme Fatale, 35 Rhums…

Pendant cette période de confinement, la rédaction du Magduciné vous conseille une petite liste de films à (re)voir. Allant du mythique buddy movie L’Arme fatale au film de guerre Croix de Fer de Sam Peckinpah jusqu’à la tragédie grecque Les Promesses de l’ombre, vous avez de quoi de faire.

35 Rhums de Claire Denis

35 Rhums pourrait être à la fois une étude du confinement, comment un père et sa fille se retrouvent chaque soir dans leur appartement et réalisent chaque fois les mêmes actions : se laver, se nourrir, partager un moment sans fioriture avec comme métaphore de ce moment, le cuiseur de riz acheté par le père et la fille en même temps, mais que la fille cache. Alex Descas, Mati Diop incarnent ces personnages englués dans un quotidien qui correspond bien au rythme de la cinématographie de Claire Denis. Mais ce film est aussi l’antidote au confinement car c’est un film de retrouvailles, de moments partagés, dans cet immeuble où trois appartements ne cessent de communiquer. 35 Rhums est aussi un récit de luttes, d’ouverture d’esprit. C’est surtout un film avec un moment merveilleux, suspendu en son cœur même où tous se retrouvent ensemble dans l’imprévu d’une panne de voiture. A voir sur OCS.

Chloé Margueritte

 

L’oreille de Karel Kachyna

L’oreille (Ucho), film tchèque de Karel Kachyna est une œuvre d’une réelle maîtrise, assez complexe de par son propos politique, et à l’atmosphère étouffante, presque irréelle grâce à sa réalisation. En effet, l’histoire est divisée en deux temporalités : la première étant celle d’une fin de soirée quand les deux personnages principaux, un couple, rentrent chez eux, et celle de la soirée en question dont on remontera lentement le fil suite aux discussions du couple.

Force est de constater que les cadrages sont très bien réussis, tant ils arrivent à retranscrire une impression de malaise, notamment grâce aux gros plans des visages des membres du parti, qui, tout le long du film, viendront s’entretenir avec le vice-ministre. Cette impression de malaise reste constante puisque le réalisateur réussit à entretenir le doute quant à « L’Oreille » qui serait présente, ou non, dans la maison. C’est en tout cas un film très réussi.

Flora Sarrey

L’Arme fatale de Richard Donner

Peut-on encore, 33 ans plus tard, revoir L’Arme Fatale et en éprouver le même plaisir qu’à la sortie du film ? Incontestablement, oui. Bien entendu, l’esthétique du film reste très marquée par les années 80, et c’est particulièrement voyant dans les coupes de cheveux ou les vêtements. Mais fort heureusement, le film possède des qualités qui résistent au temps, à commencer par une enquête solide, qui sait mettre le temps nécessaire pour prendre de l’ampleur, avec une tension qui va crescendo. Le film offre quelques scènes d’action remarquables, notamment grâce à une réalisation solide ainsi qu’à la présence d’un véritable méchant, Joshua, interprété par un Gary Busey impressionnant et glacial. Et puis, il y a Riggs, celui qui donne son titre au film (L’Arme fatale, c’est son surnom) et que Mel Gibson interprète avec maestria ; son regard de cinglé, à lui seul, vaut le détour. Humour, enquête, suspense, tension et action, il y a tout ce qu’il faut dans ce film.

Hervé Aubert

 

La Plateforme de Galder Gaztelu-Urrutia

La Plateforme est un film d’horreur espagnol qui tombe à pic durant cette période de confinement, avec sa réflexion sur la solidarité humaine poussée à son paroxysme.

Dans une prison à la verticale, ou chaque étage sert de cellule pour deux détenues, un unique plateau repas descend quotidiennement pour nourrir un peu plus de 300 étages. Les détenus des étages supérieurs sont les privilégiés ayant accès à la nourriture intacte, alors que les ceux des étages inférieurs se retrouvent affamés et finissent par s’entretuer. Chaque mois, les détenus changent d’étages, passant d’affamés à privilégiés, et vice-versa.

Notre héros, Goreng, un prisonnier volontaire de cette expérience malsaine, décide après deux mois de souffrance, de renverser le système. Mais comment faire changer les mentalités et convaincre les détenus de se rationner pour que personne ne souffre de la faim ? La solution devient la violence quand le discours et la raison font défaut à ceux dans le besoin.

Ce thriller fait de tensions mais aussi d’introspections efficaces, montre de manière parfois trop gore, jusqu’où la faim et le besoin peuvent forcer l’humain aux pires horreurs. Le seul espoir réside en Goreng, qui tel un messie, s’évertue à raisonner et forcer les autres détenus à une remise en question afin d’œuvrer pour le bien commun. Un message qu’il serait fort utile d’adresser à nos stockeurs compulsifs de papier toilette.

Céline Lacroix 

Croix de fer de Sam Peckinpah

L’on connait davantage Sam Peckinpah pour Les Chiens de Paille ou La Horde Sauvage, qui l’auront érigé en cinéaste polémique, ultra-violent et somme toute nihiliste. Mais s’il faut chercher une œuvre singulière au sein de sa filmographie, alors rien de mieux que Croix de Fer ! Sorti en 1977, le film dépeint, fait rare pour l’époque, la Seconde Guerre mondiale du point de vue de l’armée allemande. De ce canevas pour le moins étonnant, Peckinpah en tire une profonde réflexion sur la couardise des gradés, sur l’antimilitarisme, sur l’inutilité de la guerre… Mais là ou Peckinpah s’illustre, c’est surtout à travers les portraits qu’il fait d’hommes pour qui l’allégeance au Führer était moins importante que la survie dans ce conflit, qu’il n’hésite pas à esthétiser à l’extrême, au gré de ralentis incessants, d’un montage énergique et d’une hyper violence profondément dérangeante.

Antoine Delassus

Les Promesses de l’ombre de David Cronenberg

Les Promesses de l’ombre forme avec History of Violence un diptyque incroyable sur la famille et le chemin de croix qu’est le destin. Imaginé comme une véritable tragédie grecque, le film du canadien s’engouffre dans les bas fonds de la mafia russe de Londres. Au-delà de sa mise en scène au cordeau comme à son habitude, le cinéaste arrive à y insérer ses obsessions habituelles sur le corps et la figure iconique des cicatrices, qui révèlent les humains que nous sommes. C’est alors que les tatouages deviennent des livres ouverts voire des chapitres de notre vie qui définissent notre classe sociale et notre faculté à la résilience. Mais que serait cette œuvre sans le charisme envoutant et maléfique de Viggo Mortensen en ange gardien du mal, notamment dans cette scène mythique des bains publics.

Sébastien Guilhermet