Jouant avec les codes du films d’espionnage, L’Homme le plus dangereux du monde entraîne Gregory Peck en pleine Révolution Culturelle chinoise
Synopsis : John Hathaway, un docteur britannique, est contacté par les services secrets américains et soviétiques, unis pour une fois contre un ennemi commun. Sa mission : s’infiltrer en Chine, en pleine Révolution Culturelle, pour découvrir la composition d’une enzyme miracle qui permet à toute plante de pousser, quelles que soient les conditions climatiques.
Les années 60 ont constitué une sorte d’Âge d’or du film d’espionnage. Bien entendu, ce fut le début de la série des James Bond, mais d’autres films du genre ont également vu le jour lors de cette décennie : Le Rideau Déchiré, d’Alfred Hitchcock, L’Espion qui venait du froid, de Martin Ritt, IPCRESS, de Sidney J. Furie, etc. La plupart cherchaient à se démarquer du (trop) célèbre espion britannique en adoptant un parti pris réaliste ou cynique (voir le formidable film de John Huston, La Lettre du Kremlin).
C’est dans ce cadre que s’inscrit The Chairman (dont le titre français, L’Homme le plus dangereux du monde, est inutilement lourd et ne correspond pas vraiment à ce que l’on voit à l’écran). Et, d’emblée, on comprend que le scénario prend un chemin plutôt critique. En effet, on voit, dans ce film, que les services secrets américains et soviétiques forment une alliance contre-nature dans le but de combattre la Chine maoïste, et on comprend aisément qu’il s’agit de démonter le fondement même de la Guerre Froide, et par là même de se libérer des limites du film d’espionnage.
La critique va plus loin encore puisque le film montre comment les services d’espionnages n’hésitent pas à manipuler des civils et les envoient au casse-pipe sans le moindre remords. Hathaway (incarné par Gregory Peck, comme toujours charismatique, élégant et crédible dans toutes les situations) est un chercheur et non un homme d’action, et on n’a pas vraiment l’impression qu’on lui demande son avis avant de l’envoyer dans un des endroits les plus dangereux au monde en cette fin d’année 60. Et c’est avec un peu de naïveté qu’il pense agir au nom de l’intérêt supérieur de la science, croyant vraiment que l’enzyme miracle sera utilisée pour résoudre les problèmes de sous-nutrition dans les pays en voie de développement. Là aussi, le scénario en profite pour critiquer le cynisme des puissances dirigeantes…
La question de la place de la science au sein de cette Guerre Froide traverse le film, rappelant que, dans l’idéal, la recherche scientifique doit se faire pour le bien de tous, alors qu’en pratique elle est trop souvent asservie aux visions à court terme de la politique d’un État.
Le film est nettement divisé en trois parties. Le début nous montre, à l’aide d’une série de flashbacks, pourquoi Hathaway se rend en Chine et quelle est sa mission. Le rythme est alors très rapide, les dialogues sont nombreux et très bien écrits, et c’est là que se déploie le cynisme du film.
La deuxième partie se déroule en Chine maoïste, un pays plongé dans la parano et la folie de la Révolution Culturelle. Les intellectuels sont envoyés aux champs et soupçonnés de complots contre l’État, les Gardes Rouges sont omniprésents et ont tous les pouvoirs, tout le monde surveille et est surveillé, les enfants fanatisés dénoncent leurs parents, etc. Certaines scènes, très bien vues, dénoncent bien le climat du pays, comme celle où le scientifique chinois mourant est porté dans son fauteuil pour être la huée de tout le village. D’autres séquences, par contre, frisent le ridicule, comme cette improbable partie de ping-pong entre Hathaway et Mao…
Le rythme se ralentit alors notablement et le film cède à quelques facilités : les filles, les gadgets… Le spectateur peut alors craindre que, après un début si prometteur, le film ne rentre alors paisiblement dans le rang. Ce sera, hélas, à moitié vrai.
Mais vient la troisième partie, et c’est là qu’il convient de se souvenir que le film est réalisé par Jack Lee Thompson, c’est-à-dire le cinéaste qui avait signé, juste auparavant, un des plus gros succès du film de guerre, Les Canons de Naravone, où il dirigeait déjà Gregory Peck, aux côtés de l’immense David Niven et d’Anthony Quinn. Jack Lee Thompson est avant tout un spécialiste du film d’action, et la fin de cet Homme le plus dangereux du monde est là pour le prouver.
A cela, il faut ajouter la présence d’une musique signée Jerry Glodsmith, qui a tendance à devenir trop envahissante : finalement, on se rend compte que les scènes les plus tendues sont silencieuses…
En conclusion, L’Homme le plus dangereux du monde est un film inégal, mais qui constitue un bon spectacle, un film rythmé qui cherche à prendre du recul face à la vague des films d’espionnage, sans y parvenir totalement. Ce n’est certes pas le chef d’œuvre du genre, mais il reste un film à redécouvrir.
L’Homme le plus dangereux du monde : Bande-annonce
L’Homme le plus dangereux du monde : Fiche technique
Titre original : The Chairman
Réalisation : Jack Lee Thompson
Scénario : Ben Maddow d’après le roman de Jay Richard Kennedy
Interprètation : Gregory Peck (Docteur John Hathaway), Anne Heyward (Kay Hanna), Arthur Hill (Shelby), Alan Dobie (Benson)…
Photographie : John Wilcox
Montage : Richard Best
Musique : Jerry Goldsmith
Producteur : Mort Abrahams
Sociétés de production : APJAC Productions, 20th Century Fox Productions
Société de distribution : 20th Century Fox
Genre : espionnage
Date de sortie : 12 septembre 1969
Durée : 99 minutes
Etats-Unis-1969