Journal d’un curé de campagne : ma grâce ; ma bataille

Un jeune curé se voit affecter à la paroisse d’Ambricourt, dans le nord de la France. Il se rend très vite compte que les locaux n’ont guère d’intérêt pour la religion et qu’il ne pourra compter que sur lui-même. Journal d’un curé de campagne est une oeuvre froide, crue et résignée, n’offrant à ce jeune prêtre que des personnages ayant égaré Dieu dans leurs misères, ou feignant d’y croire car c’est la norme. Et pourtant, la croyance n’est pas la foi.

« Vous avez des yeux qui me plaisent, des yeux de chien ». Docteur Delbende au curé d’Ambricourt.

Que dirait Saint-Augustin ?

D’ailleurs, les faux-chrétiens, parlons-en. Il y a les misérables, comme le tenant du cabaret où des hommes vont expressément saouler des jeunes filles, et qui vient voir le prêtre comme si de rien n’était. Et puis il y a ce comte qui trompe sa femme et délaisse sa fille mais qui se vante de l’aide qu’apporte sa famille au clergé depuis des générations. Pourquoi honorer Dieu quand on peut payer pour ça ?

Alors, pour que le jeune prêtre puisse s’en sortir, il s’entoure de deux réconforts, et quels réconforts. Un docteur athée suicidaire et un vieux prêtre aux conseils moribonds, « un vrai prêtre n’est jamais aimé, retiens ça », « faites de l’ordre en pensant que le désordre va l’emporter le lendemain »… Il ne faut pas aider et rentrer dans les affaires des gens, mais juste faire son travail. Pourquoi essayer quand on sait que tout va échouer ?

Un véritable homme de Dieu

Et pourtant il y a la grâce, symbolisée par la compassion d’une enfant ou les mots justes pour aider une mère, pleurant son enfant décédé, à avancer. Car Dieu ne contient pas l’amour, c’est l’amour lui-même. Et il y a ce jeune prêtre, véritable éponge des peines et comportements vicieux de ses contemporains, qui viennent un peu plus nourrir ce cancer au coeur de son être. Mais c’est pourtant ce cancer qui le sauvera, ou du moins, sauvera son humanité, sa marche auprès des ombres que sont les hommes n’ayant alors pu avoir raison de sa volonté. Il a peur de la mort et l’avoue sans gêne, il se permet cependant de mourir dans la grâce, comme un être humain.

L’adaptation très fidèle de Robert Bresson retranscrit parfaitement l’atmosphère de l’œuvre originale, notamment grâce au choix de Bresson de prendre des amateurs pour ses films, ces derniers jouant selon lui par instinct et n’étant pas guidés par un quelconque académisme. Bresson fait honneur au roman de Bernanos, en présentant simplement la religion, sa religion, sans regard positif ou négatif, et en construisant son récit comme un véritable chemin de croix.

Sous certains aspects, ce film me fait penser à Sous le Soleil de Satan de Maurice Pialat, avec comme toile de fond la religion en campagne. Il n’est cependant pas ici question d’un curé s’interrogeant sur le bien et le mal et finissant par mourir après avoir en quelque sorte usé de l’aide du Diable. Ici au contraire, notre jeune curé meurt apaisé, avec un regain bref mais intense de son amour pour les autres, cet amour qui l’a dit guidé toute sa vie et qui lui permet de conclure l’esprit tranquille et son amour de Dieu laissé intact ; « tout est grâce ».

 

Bande-annonce

Journal d’un curé de campagne – Fiche technique :

Réalisateur : Robert Bresson

Scénario : Robert Bresson d’après le roman éponyme de George Bernanos

Casting : Claude Laydu, Armand Guibert, Jean Riveyre, Nicole Ladmiral

Pays d’origine : France

Durée : 117 minutes

Date de sortie : 7 février 1951

Journal d’un curé de campagne : ma grâce ; ma bataille
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