Après La Trilogie de l’incommunicabilité (L’avventura, La Nuit et L’Eclipse), puis Le Désert rouge, Michelangelo Antonioni réalise Blow-Up, un film international dans les studios de la MGM, à Londres. Ce film transgressif et magnétique marque un tournant dans la carrière du réalisateur.
Synopsis : Dans un parc de Londres, un jeune photographe surprend ce qu’il croit être un couple d’amoureux. Il découvre sur la pellicule une main tenant un revolver et un corps allongé dans les buissons…
Le regard photographique
Michelangelo Antonioni crée un film d’illusions, axé sur une enquête qui n’existe qu’à travers l’objectif de Thomas, le photographe. La réalité se confond avec la fiction et le spectateur ne sait plus que croire. Une chose est sûre : l’appareil photographique montre une vérité. L’intrigue met du temps à s’installer, tandis que Thomas évolue au travers de son appareil photographique. L’observation se confond avec la contemplation.
Blow-Up questionne l’art et son utilité ; comment l’art est-il utilisé et perçu aux yeux des gens ? Le climax du film est vu dans les photographies et pratiquement jamais dans la réalité. Antonioni remet en question notre regard et notre place dans la société qui montre une double réalité : celle que l’on nous présente et celle que l’on voit par nous-même.
La puissance du silence
Le silence et le temps tiennent une place primordiale dans le cinéma d’Antonioni. Le réalisateur se concentre sur les sentiments créés par les expressions du visage, par le mouvement des corps, par la distance également. Nul besoin d’une musique d’accompagnement pour créer de l’émotion. Thomas vit dans le silence et prend le temps d’observer : le film dilate le temps, l’étouffe pour ne plus lui donner de sens.
Cependant, le silence n’est pas omniprésent. En effet, il arrive que Thomas fasse tourner quelques vinyles lorsqu’il travaille dans son atelier. Seulement, les musiques s’arrêtent d’elles-mêmes, sans même que le spectateur ne s’en aperçoive. L’image et l’intrigue se développent dans le silence du regard du protagoniste.
L’artificiel face au naturalisme
Thomas a l’habitude de photographier des mannequins à l’allure artificielle, dans un endroit adapté à cette artificialité. Il est rapide et méticuleux dans les clichés qu’il prend, ce que l’on remarque dès le début du film avec la première mannequin qu’il photographie. Ses positions sont forcées, son corps indiscipliné tandis que son visage s’efforce d’être le plus neutre possible. Cet aspect artificiel se retrouve également lorsque Thomas photographie cinq mannequins dans son atelier. Elles sont immobiles, comme des mannequins de cire, loin de toute humanité. Même un sourire est difficile à décrocher.
Lorsque Thomas rencontre Jane dans le parc, la tendance s’inverse. Thomas est caché dans l’immensité des plans larges. Le temps se dilate, il n’est pas chronométré par une séance à l’atelier. Le silence est accablant, tandis que Thomas capture les mouvements naturels de sa muse, dont le regard ne croise jamais la caméra. Il la croise seulement lorsqu’elle supplie Thomas de supprimer les clichés ; sur cette photographie, le corps de la femme est tordu, lancé dans un mouvement désespéré, bien loin des postures des mannequins qu’il a l’habitude de photographier.
Bande-annonce : Blow-Up
Fiche Technique : Blow-Up
Réalisation : Michelangelo Antonioni
Scénario : Michelangelo Antonioni, Tonino Guerra et Edward Bond, d’après une nouvelle de Julio Cortázar, Les Fils de la Vierge (Las babas del diablo), tiré du recueil Les Armes secrètes (Las armas secretas)
Acteurs principaux : David Hemmings, Vanessa Redgrave, Peter Bowles, Sarah Miles…
Musique : Herbie Hancock
Photographie : Carlo Di Palma
Montage : Frank Clarke
Direction artistique : Assheton Gorton
Costumes : Jocelyn Rickards (robes)
1 mai 1967 en salle | 1h 50min | Drame