En 1997, Ethan Hawke, Uma Thurman et Jude Law se retrouvent à l’affiche de Bienvenue à Gattaca, un film d’anticipation et de science-fiction dystopique réalisé par Andrew Niccol, scénariste du merveilleux Truman Show qui sortira l’année suivante.
Synopsis : Dans « un futur pas si lointain », Gattaca est un centre d’études et de recherches spatiales pour jeunes gens génétiquement parfaits. Jérôme (Jude Law) et Vincent (Ethan Hawke) rêvent tous deux de l’intégrer. Mais l’un est handicapé depuis un accident, malgré sa génétique immaculée, tandis que l’autre est un bébé « naturel » myope et cardiaque. Alors, ensemble, ils vont tenter de déjouer les lois de Gattaca.
O nouveau monde admirable ! répéta-t-il, ô nouveau monde admirable, qui contient des gens pareils ! … (Le Meilleur des Mondes – A.H)
En littérature comme au cinéma, les récits dystopiques ne font pas uniquement d’excellentes fictions mais servent également à des fins de contestation politique. Ainsi, les sociétés dépeintes par les artistes, comme le monde fasciste du Maître du Haut Château de K. Dick ou encore le 1984 d’Orwell, prélèvent des éléments concrets de l’histoire ou de la société moderne pour porter une critique. Bienvenue à Gattaca s’inscrit dans cette veine. Miroir du Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, le centre d’études de Gattaca est organisé selon une politique eugéniste similaire à l’aryanisation menée par les Nazis sous le troisième Reich, saupoudrée d’une touche transhumaniste. En effet, ici, tout le monde se ressemble. Gattaca est une société élitiste, habitée par des personnages homogénéisés, sans émotions, aux traits presque androïdes. Tous les citoyens doivent être conçus de la même façon, selon des règles génétiques extrêmement précises. Et à Gattaca, tout le monde est épié, dans un régime totalitaire qui tait son nom.
Tout le génie de ce film repose dans la rencontre entre l’anticipation, la dystopie et la science-fiction. Il existe un lien intime entre la science-fiction et la politique, de longue date. Ainsi, dans des sagas cultissimes telles que Star Wars ou plus récemment Dune, on retrouve un contenu extrêmement politisé dissimulé par l’aspect divertissant et saturé de la sci-fi. Le coup de maître de Gattaca réside dans son appartenance au genre malgré son détachement des codes purement normatifs de la science-fiction. Ici, pas d’effets spéciaux, d’explosions, de décors futuristes ou de grandes batailles intergalactiques. La grande ressemblance avec notre réalité moderne (seulement la génétique humaine semble différente) est particulièrement ironique puisqu’elle accroît la dénonciation du progrès excessif, et s’apparente à un spot de prévention. C’est ce que vient étayer la scène d’ouverture qui situe le récit dans un « futur pas si lointain ». La mise en scène de Gattaca est extrêmement épurée, avec une simplicité et un grand minimalisme dans les décors. Tout est fait pour que rien ne détourne le spectateur du message du film.
Réalisateur de Bienvenue à Gattaca, Andrew Niccol en est également le scénariste. On y retrouve ainsi des éléments similaires au Truman Show, écrit par Niccol et sorti en 1998. Nous retrouvons d’une part l’aspect politique et social, et d’autre part une importance majeure des personnages principaux comme allégories de cette contestation politique. En ce sens, les noms donnés aux protagonistes revêtent un intérêt particulier. On a d’une part, Truman (True-man) et d’autre part Vincent Freeman. A travers ces noms, on retrouve ces idées de liberté et de vérité nécessaires pour conscientiser les dangers de la société et y échapper. Plus que l’ouverture d’un débat politique, ces œuvres mettent en scène un homme qui doit s’éveiller à la réalité, échapper à sa condition et à sa réalité, à l’image d’une accession à la lumière platonicienne.
Monde futuriste, film visionnaire
Bienvenue à Gattaca a été élevé par les cinéphiles au rang de classique du cinéma d’anticipation. Pour son intrigue captivante et le suspense insoutenable présent tout au long du film. Et parce qu’au-delà de sa qualité scénaristique, sa mise-en-scène est d’une intelligence remarquable.
Malgré son allure simpliste, rien n’est laissé au hasard. D’abord par son nom. Comme le suggèrent les génériques de début et de fin avec une apparition anticipée des lettres G, A, T et C, le nom Gattaca est en fait directement constitué en référence aux quatre bases composantes de l’ADN (guanine, cytosine, adénine et thymine). C’est une séquence. Ensuite, c’est le symbolisme des décors qui rend l’univers de Gattaca particulièrement subtil et adroit. Ainsi, les escaliers en double spirale de la maison de Jerôme Morrow (Jude Law) représentent une molécule d’ADN. Le lieu de tournage lui-même, le Centre municipal du comté de Marin, suggère également la ressemblance des escaliers à une molécule d’ADN. Ce même lieu avait servi à Georges Lucas en 1971 pour son premier long-métrage, un film de science-fiction lui-même dystopique, THX 1138.
De la même manière, de nombreux détails dissimulés dans le décor et dans le récit viennent représenter des éléments plus philosophiques tels que la liberté, le conformisme, la rébellion ou encore la place du rêve. L’histoire de vie de Vincent semble faire de lui un héros, lui qui n’était pourtant pas destiné à une longue vie du fait de sa « conception naturelle ». Il incarne la représentation de la rébellion et du non-conformisme. Le film permet donc au spectateur d’ouvrir un débat interne, de questionner sa propre existence et le monde qui l’entoure. La qualité exceptionnelle de la bande-son est aussi à noter avec, notamment, des thèmes musicaux propres aux personnages principaux. La partition de Michael Neyman devient le liant du film.
Bienvenue à Gattaca est avant tout un film intellectuel, en avance sur son temps, qui soulève des questions politiques, sociales mais également éthiques. Il attise le débat autour de la fine ligne entre le progrès et le danger, particulièrement transposable à notre société, notamment avec le débat actuel des intelligences artificielles ou encore de la chirurgie esthétique. Il vient s’immiscer intelligemment comme une sonnette d’alarme dissimulée sous les traits d’un thriller de science-fiction.
Bande d’annonce – Bienvenue à Gattaca
Fiche Technique – Bienvenue à Gattaca
Titre original: Gattaca
Réalisation: Andrew Niccol
Scénario: Andrew Niccol
Musique: Michael Nyman
Acteurs principaux: Ethan Hawke, Uma Thurman, Jude Law
Sociétés de production: Columbia Pictures, Jersey Films
Genre: Anticipation
Sortie: 1997