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Tristesse sur pellicule : Théodore, l’amoureux mélancolique de Her

Gwennaëlle Masle Responsable Cinéma LeMagduCiné

S’il y a bien un art qui fait ressentir des émotions en envahissant les sens, c’est le cinéma. Auditif, visuel, le cinéma provoque et immerge le spectateur dans des histoires fascinantes dans lesquelles il s’attache à quelques noms fictifs. Certains ont retenu notre attention et parfois marqué nos esprits à jamais. Certains protagonistes restent gravés, comme une rencontre qui, à l’image de celle que le film qui fait l’objet de cet article dépeint, ne sera jamais cristallisée. Bienvenue dans le voyage poétique et mélancolique qu’est le film Her, dans les yeux de Théodore.

La solitude est un sentiment complexe, le genre de sentiment qui peut aussi bien remplir d’émotion lorsqu’on la vit pleinement à travers la recherche de sensations nouvelles que l’on peut accomplir seul, mais aussi bien le genre de sentiments qui peuvent faire se sentir terriblement isolé. Et si Jon Krakauer avait raison quand il écrit dans Into the wild que « Le bonheur n’est réel que lorsqu’il est partagé » ? Alors qu’advient-il quand il n’est partagé qu’avec une voix, quand la seule présence qui nous remplit n’est jamais effleurée mais seulement entendue, imaginée, devinée ? Une simple peinture de l’âme que l’on tente de rendre concrète avec les mots, les rires et les sensations provoquées dans tout le corps. Théodore est cet homme dans le film de Spike Jonze, un amoureux de l’amour, un passionné des mots, un être ensorcelé par une voix de femme, qu’il ne touchera jamais, qu’il ne verra jamais, qui n’existe peut être même pas. Et Scarlett Johanson dans l’incarnation de ce fantasme se verra dans l’une de ses plus fortes prestations sans jamais la voir une seconde apparaître, tant sa voix suffit à remplir l’œuvre, avec toute la douceur et la sensualité qu’elle y attache.

Le passé, c’est une histoire qu’on se raconte.

À l’instar du film tout entier dont on ne parvient presque jamais à distinguer les dangers des beautés, les sentiments de son protagoniste sont contradictoires et envahissent le public d’émotions. À la fois fou de cette relation passionnelle et divinement belle entre Samantha et Théodore, les sourires du personnage rappellent à quel point ils donnent sens à sa solitude et à sa tristesse. C’est en cela que le film trouve toute sa force et sa justesse, quand Joaquin Phoenix parvient à livrer deux émotions totalement antinomiques dans une même scène : quand un sourire ramène à la tristesse et quand des larmes rappellent la joie d’un amour trouvé mais aussitôt perdu. Les sourires de Théodore crient les douleurs passées et l’impossibilité d’une relation presque mystique ; ses larmes, elles, la puissance d’un amour qui transcende un individu. Comme une poussière, un sourire éphémère peut être autant rêvé qu’une voix de femme résonnant dans ses pensées. L’équilibre parfait d’une mélancolie sublime qui crève l’écran, et quand son détenteur y apparaît souvent seul, même au milieu d’une foule, il absorbe et à la fois fait déborder les sentiments, qui ne cessent de se contredire et de ramener, toujours, à une tristesse certaine de cette solitude envahissante. La solitude moderne, comme on aime la nommer.

Théodore Twombly est l’un des plus beaux personnages du septième art. Mystérieux, tendre, amoureux, poète, philosophe, seul, il incarne les grandes richesses qui peuvent remplir un être humain.

Her, de Spike Jonze : Extrait

 

Responsable Cinéma LeMagduCiné