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Gatsby : la fête démesurée, entre vacuité bourgeoise et mélancolie

Ariane Laure Redacteur LeMagduCiné

Pour célébrer la fête du retour du cinéma, LeMagDuCiné revient en juin sur les grands moments de festivités au septième art. Si la fête représente souvent une réjouissance, un lieu de partage, de cérémonie et de joie, elle cache parfois des messages et des émotions plus complexes. Une situation qu’évoque particulièrement The Great Gastby de Baz Lurhmann, dont les scènes de fête constituent des séquences au faste et aux couleurs mémorables.

La fête, débauche d’une bourgeoisie exubérante et narcissique

Si tout le monde peut s’amuser, il est des réceptions auxquelles tout un chacun n’est pas admis. Des festivités réservées, sur invitation personnelle, au gratin de la société bourgeoise. Parmi ces fêtes privées, celles de Jay Gatsby dans The Great Gatsby restent uniques au cinéma.

Le jeune et mystérieux millionnaire, au passé trouble sujet à d’étranges conjectures, organise au sein de son manoir des soirées sensationnelles que convoitent des centaines d’invités issus de la haute société. A ces occasions récurrentes, Jay Gatsby donne à voir toute l’étendue de sa richesse, dans un déluge excentrique et exagéré de luxe, boissons, chansons, danses et paillettes. Presque tout est permis, jusqu’au saut dans la piscine, pour satisfaire et impressionner des convives en quête de plaisirs mondains sans limite.

Alors que l’hôte, de notoriété publique, demeure à l’écart de ses propres réceptions, les invités ont pour seul souci de se montrer, d’apparaître sous leur meilleur jour aux yeux de la société et de satisfaire leurs intérêts personnels. The Great Gatsby, et encore davantage le livre éponyme de F. Scott Fitzgerald, dénoncent implicitement avec ces scènes de festivités l’opulence d’une bourgeoisie égocentrique et individualiste. L’objectif est de gravir les échelons de la société, avec comme maxime « la fin justifie les moyens », en rencontrant par exemple des contacts utiles et puissants.

Comme s’il assistait lui-même aux festivités, le spectateur du film devient un observateur critique de cette société. En suivant le point de vue de Nick Carraway, le narrateur, qui assiste pour la première fois à une réception de Gatsby, le public se voit ouvrir les portes de l’immense manoir. Dans une séquence de près de cinq minutes, The Great Gatsby montre les premiers pas de Nick, arpentant la réception avec fascination et émerveillement. On assiste au balais incessant de l’arrivée des limousines, pleines à craquer, au service du champagne, aux danses et aux jeux du casino, jusqu’à l’arrivée surprise de Gatsby juste avant le bouquet de la soirée, un immense feu d’artifice.

Mais cet affichage démesuré de luxe et de richesse cache en réalité, en particulier pour le presque invisible Jay Gatsby, des émotions secrètes beaucoup moins gaies.

L’envers du décor festif, l’attente mélancolique d’un millionnaire solitaire

Si Jay Gatsby accueille dans son domaine des soirées extraordinaires, il ne s’y montre que très rarement. La quasi-totalité des invités et même du personnel ne l’ont d’ailleurs jamais vu. Ceci donne lieu à quelques rumeurs fantasques sur leur hôte. Pour autant les convives s’intéressent davantage à leur propre plaisir qu’à l’identité ou à l’histoire du célèbre millionnaire.

Le passé de Jay Gatsby se révèle progressivement au spectateur. Contre les apparences, Gatsby n’est pas issu d’un milieu aisé mais d’une famille pauvre de fermiers. Il a élevé son statut social grâce à son ami Dan Cody et à ses activités de trafiquant d’alcool.

Certes, Gatsby est obsédé par l’argent et le luxe, comme en témoignent largement les fêtes tenues à son manoir, mais celui-ci reste davantage pour lui un moyen qu’une fin. Gatsby n’aspire en réalité qu’à reconquérir Daisy, dont il est amoureux depuis des années. Daisy, qui aurait refusé de l’épouser en raison de son rang social, a préféré choisir Tom Buchanan, un mari infidèle qui ne la rend pas heureuse.

Ainsi, en organisant des réceptions somptueuses et en affichant sa richesse de façon outrancière, Gatsby espère secrètement que Daisy admire sa nouvelle place dans la société et réponde enfin à la passion obsessionnelle qu’il éprouve pour elle. Les soirées de Gatbsy représentent un ultime cri d’amour désespéré lancé à l’attention de Daisy.

Si Daisy est loin d’être insensible à cet amour, elle s’en tient à la morale bourgeoise et affirme aimer son époux lorsque Gatsby lui avoue enfin ses sentiments.  Gastby finit par mourir assassiné par Georges Wilson, ce dernier pensant à tort que le millionnaire a tué sa femme. Gastby, enterré dans la profonde indifférence, sera oublié de tous.

En définitive, dans The Great Gatsby, la fête, aussi somptueuse et colorée soit-elle, laisse donc au public, à travers les yeux d’un héros solitaire et mélancolique, un arrière-goût doux amer, entre luxe, extravagance et tristesse d’un amour impossible.

The Great Gatsby de Baz Lurhmann – Extrait – Scène de la fête

Redacteur LeMagduCiné