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Un Petit boulot, un film de Pascal Chaumeil : Critique

Décédé pendant la post-production d’Un Petit boulot, son dernier film, Pascal Chaumeil a eu une courte mais marquante carrière en tant que réalisateur. Ayant débuté en 2010 avec le très sympathique L’Arnacœur, il avait fait son trou avec succès dans la comédie populaire française, proposant un film accessible mais aussi plus frais et original que la moyenne des comédies françaises.

Synopsis : Jacques vit dans une petite ville belge touchée par la fermeture de l’usine dans laquelle beaucoup d’habitants travaillaient. Séparé de sa copine et endetté, il est abordé par un malfrat local qui lui propose un contrat : tuer sa femme. Jacques accepte la proposition.

Bon ouvrage 

Même si son passage à l’étranger à moins fait parler de lui avec son A Long Way Down, il a su proposer des films à la qualité honnête et ce dernier film s’annonçait sous les meilleurs auspices. Scénarisé par Michel Blanc – l’acteur tient aussi un des rôles principaux – qui n’a plus rien à prouvé en terme de talent comique et accompagné d’un casting prometteur où Chaumeil signe sa deuxième collaboration avec Romain Duris, tout est réuni pour avoir un divertissement plus que convenable. Surtout que l’histoire est adapté d’un roman homonyme de Iain Levison et qui dispose d’un pitch peu banal dans les comédies populaires françaises, celui qui voit un ouvrier désespéré de trouver du travail au point de s’improviser tueur à gages.

Partant de là, le récit va évoluer dans une tonalité assez étrange qui n’est pas sans rappeler l’humour grinçant et très noir des films des frères Coen. Ici, on tourne au second degré des situations plutôt horribles pour imposer une immoralité de surface car même si le film est très drôle grâce à des péripéties vraiment hilarantes et des dialogues savoureux  -Michel Blanc est maître en la matière avec un style old school qui fait encore mouche-  il porte un regard très critique sur la société d’aujourd’hui. Il crée un décalage entre la légèreté du ton et la déshumanisation des personnages, ils sont ici presque tous éteins, des âmes errantes qui ne savent plus quoi faire de leurs vies. Et cela est bien retransmis par un casting impliqué notamment par la prestation stoïque et juste de Romain Duris qui est admirablement contrebalancé par l’énergie de Michel Blanc. Leur duo fonctionne à merveille et fait un parallèle judicieux entre la relation que peut avoir un petit patron avec son ouvrier. Le crime est traité comme une affaire presque banale, et même humaine. Là où la société mise sur le profit et l’image, où l’employé n’est qu’une veste d’entreprise pour promouvoir une marque, c’est en marge de celle-ci que l’humain peut enfin trouver sa place. C’est dans le crime que le personnage principal trouve sa noblesse et la solidarité, où les rapports sont respectueux et où les relations ont de la valeur. L’immoralité apparente du film, devient alors une moralité diffuse, elle fait son chemin avec finesse et se montre parfois incroyablement intelligente au détour de certaines séquences. Notamment une qui montre sans détour les ravages que la société fait sur un homme, lorsque celui-ci est prêt à mettre fin à ses jours à cause de la perspective de perdre son emploi. Une scène traitée avec détachement et tendresse, ce qui accentue encore plus toute sa force évocatrice. Qui est le monstre ? Le tueur à gages franc et qui essaye de bien faire et de soutenir ses amis ou la société froide et implacable qui broie les gens pour qu’il soit des outils formatés et malléables ?  L’outil de travail trouvant souvent son importance et une place symbolique dans le récit, aidant au portrait du personnage principal, véritable looser magnifique qui a un sens aigu de l’honnêteté et qui se montre minutieux avec ce qu’il entoure. Il comprend la valeur des choses et ne laisse rien au hasard, ce qui par moments le rend vraiment fascinant à suivre car il est le parfait exemple de cet outil crée par la société, c’est ce que la société lui a appris qui fait de lui un tueur aussi « efficace ». La fin trouve en cela un double sens plutôt habile et qui malgré sa légèreté, cache une noirceur assez inquiétante.

Ce ton léger qui vient accompagner un récit très noir permet vraiment à l’œuvre d’être une satire pertinente et efficace, c’est la grosse réussite de ce film. Mais à trop vouloir jouer sur les paradoxes, l’immoralité cache la morale, l’humour cache le drame, parfois le film se perd un peu dans ses propres mécaniques et à tendance à devenir un brin redondant dans son troisième acte. Surtout qu’il place en cours de route une romance assez accessoire et mal gérée qui vient handicaper la fluidité du récit. De plus le rythme est assez étrange, non seulement la manière dont le premier meurtre s’enchaîne est précipitée mais on a aussi l’impression que le film met un peu de temps à vraiment démarrer, ce qui nous laisse sur un entre-deux déplaisant, celui d’avoir l’impression que tout va trop vite tout en étant trop lent. Mais en dehors de ses vingt premières minutes en forme de faux départ et des vingt dernières un brin trop classique, le film est un vrai régal. De plus, l’ensemble est visuellement assez beau. Même si la réalisation est assez générique notamment avec une photographie fade et un montage qui ne prend pas de risque, la mise en scène est appliquée et à un certain savoir-faire. Le travail de Pascal Chaumeil est purement fonctionnel -pour ne pas dire impersonnel même- mais le tout reste bien emballé. C’est dynamique, simple et surtout Chaumeil soigne ses détails là où une autre comédie du genre n’aurait fait que le strict minimum. On sent qu’il prend son film au sérieux et qu’il entend bien livrer ce qu’il y a de mieux à son spectateur même si il le fait sans génie. On notera par contre l’excellent score musical qui, avec ses partitions minimalistes mais entraînantes, offre une certaine élégance au long métrage.

Un Petit boulot est une comédie réussie, qui sait se montrer populaire pour plaire à tous mais aussi exigeante par moments s’imposant comme une satire bien menée et pleine de doubles sens. C’est drôle, aussi léger que très noir dans son propos mais fait avec sérieux par un réalisateur consciencieux qui entendait bien livrer une copie appliquée et qui termine sa courte carrière sur une bonne note. C’est bien écrit, avec en prime des dialogues pinçant comme on les aime, et même si le tout s’embourbe dans quelques maladresses ici et là, il peut aussi s’appuyer sur un casting solide pour se sortir des mauvais pas. Une comédie française comme on aimerait en voir plus souvent car elle s’apparente à un vrai coup de fraîcheur dans un genre qui devient terriblement formaté. Comme ce qu’il dénonce, Un Petit boulot est l’humain qui se débat dans une société qui veut le plier à sa volonté.

Un petit boulot : Bande annonce

Un petit boulot : Fiche technique

Réalisation : Pascal Chaumeil
Scénario : Michel Blanc, d’après le roman homonyme de Iain Levison
Interprétation: Romain Duris (Jacques), Michel Blanc (Gardot), Alice Belaïdi (Anita), Alex Lutz (Brecht), Gustave Kervern (Tom),…
Image : Manuel Dacosse
Montage: Sylvie Landra
Musique: Mathieu Lamboley
Costumes : Bethsabée Dreyfus
Décor : Amanda Petrella
Producteur : Sidonie Dumas et Yann Arnaud
Société de production : Gaumont
Distributeur : Gaumont
Durée : 100 minutes
Genre: Action, Comédie
Date de sortie : 31 août 2016

France – 2016

Rédacteur LeMagduCiné