Un-monde-plus-grand-film-Fabienne-Berthaud-critique-avis

Un Monde plus grand : immersion et initiation au pays du chamanisme

Dernière mise à jour:

J’ai eu envie de poursuivre ma découverte du cinéma mongol après avoir été enthousiasmé par L’Histoire du chameau qui pleure de Byambasuren Davaa. J’ai été attiré, presque instinctivement, par Un Monde plus grand. Ce quatrième long-métrage de la réalisatrice Fabienne Berthaud a pour premier rôle Cécile de France. Cette dernière va être aux prises avec un des aspects majeurs de la tradition mongole : le chamanisme. Elle va ainsi être invitée à une métamorphose spirituelle et elle ne sera plus du tout la même car, dépassant sa réticence initiale, elle acceptera son don précieux à développer.

Cécile de France, passionnée par le sujet qui lui est offert, incarne avec justesse, tantôt fragile, tantôt forte, Corine Sombrun. Un Monde plus grand est une adaptation, certes romanesque mais fidèle, d’un ouvrage autobiographique de cette aventurière célèbre, Mon initiation chez les chamanes, publié en 2004. Corine Sombrun n’aura de cesse de vouloir démontrer ensuite que science et transe ne sont pas incompatibles. Son livre méritait, au vu de son travail, une réédition chez Pocket en septembre 2019. Signe révélateur de leur complicité, Corine Sombrun est, selon les mots tendres de Fabienne Berthaud, «l’esprit » du film. Un esprit bienveillant. Elle est une collaboratrice appréciée : elle a été conseillère technique sur les scènes de transe et a participé au scénario.

Corine effectue un si lointain voyage pour deux raisons au départ : elle veut enregistrer des chants d’ailleurs et oublier son amour défunt. Elle choisit une des tribus les plus reculées de la Mongolie, les Tsaatans. Ils ont pour surnom attendrissant le « peuple des rennes ». Le décalage entre son confort occidental et les conditions de vie difficiles de ses hôtes est grand. Un repérage photographique a été jugé nécessaire, comme à l’accoutumée pour Fabienne Berthaud, en amont du tournage. Il a permis à la réalisatrice de se familiariser avec les us et coutumes des Tsaatans. La tribu,  dont l’accueil a été chaleureux, est tombée sous le charme des photos. Un charme qui a opéré pour favoriser un jeu naturel : ils sont ainsi très convaincants en étant simplement eux-mêmes.

Corine va faire une rencontre bouleversante avec une chamane nommée Oyun. Une rencontre dont elle ne sortira pas indemne. Je ne parle pas de blessure. Je veux parler de révélation. Elle est en proie à une transe qui la surprend ainsi que toute la tribu lors d’une cérémonie. Comment filmer les transes et les visions ? C’est une problématique complexe. Fabienne Berthaud explique ainsi sa démarche : « J’ai cherché à ce que le spectateur vive une expérience physique, qu’il ressente plutôt qu’il ne voit. Je n’ai jamais cherché à expliquer. C’est peut-être cela le monde invisible… ». Elle ajoute comme modèle, concernant le travail opéré sur l’image pour retranscrire ce qui nous dépasse, Artavazd Pelechian. C’est un réalisateur arménien, formé en ex-URSS, encensé pour sa poésie.

Notons que si les esprits sont présents dans Un Monde plus grand, il a fallu aussi demander leur permission, pour sanctuariser le lieu du tournage, avant tout clap de début. Ils ont été consultés également pour rassurer l’actrice professionnelle mongole Tserendarizav qui interprète la chamane Oyun. Fabienne Berthaud avoue avoir eu sa rationalité bousculée en Mongolie et croire à la présence de l’invisible. Corine, prédisposée au chamanisme, pense que les esprits sont simplement en sommeil sur le plan cognitif. Ils sont logés, selon elle, dans des parties non sollicitées du cerveau humain. Sa quête de vérité n’est pas isolée : de nombreux chercheurs du monde entier poursuivent le même idéal. Corine Sombrun est, d’ailleurs, en collaboration étroite avec certains.

Fiche technique et artistique – Un Monde plus grand

Réalisatrice : Fabienne Berthaud
Interprètes : Cécile de France, Narantsetseg Dash, Tserendarizav Dashnyam, Ludivine Sagnier, Arieh Worthalter
Scénario : Fabienne Berthaud, Claire Barré, Corine Sombrun (d’après son livre)
Image : Nathalie Durand
Montage : Simon Jacquet
Son : Fabrice Osinski, Paul Heymans, Thomas Gauder
Musique originale : Valentin Hadjadj
Décors : Eve Martin
Costumes : Mimi Lempicka
Casting : Richard Rousseau
Direction de production : Julie Flament
1er assistante mise en scène : Céline Bailbled
Sociétés de production : Haut et Court, Telfrance
Distribution : Haut et Court
Durée : 1h40 minutes
Genre : Biopic/Drame
Date de sortie : 30 octobre 2019

Auteur : Eric Françonnet

Note des lecteurs2 Notes
4