Roubaix, une lumière : quand Desplechin illumine le genre polar

roubaix-une-lumiere-arnaud-desplechin-film-critique-Roschdy-zem-antoine-reinartz
Beatrice Delesalle Redactrice LeMagduCiné

Avec Roubaix, une lumière, le talent d’Arnaud Desplechin pour raconter toujours les histoires les plus romanesques n’est plus à prouver, y compris quand il s’essaie à un double film de genre, un policier, et un film social.

Synopsis :  À Roubaix, un soir de Noël, Daoud le chef de la police locale et Louis, fraîchement diplômé, font face au meurtre d’une vieille femme. Les voisines de la victime, deux jeunes femmes, Claude et Marie, sont arrêtées. Elles sont toxicomanes, alcooliques, amantes… 

Post Tenebras Lux (et pendant aussi)

Roubaix, Noël, Arnaud Desplechin… Un triplé qui a un air de déjà vu, sauf qu’ici, dans Roubaix, une Lumière , il ne s’agit pas d’un Conte de Noël (2008) qui se passe dans la bourgeoisie roubaisienne, mais au contraire d’un quasi-documentaire, inspiré fortement de celui de Mosco Boucault Roubaix , commissariat central (2008 également), qui relate la vie d’un commissariat lors de ses interventions dans les quartiers les plus difficiles de la ville.

Plus précisément, Roubaix, Une Lumière, tout comme son modèle, se découpe en deux parties. Une première partie consacrée aux affaires courantes de l’institution, puis une deuxième partie centrée sur une affaire en particulier, l’assassinat d’une vieille dame par deux jeunes voisines.

Comme le cinéaste lui-même nous en avertit en préambule, tout ici est donc rigoureusement vrai. Et pourtant. Arnaud Desplechin est passé par là, et le moindre petit malfrat , tout comme le plus grand des commissaires prennent immédiatement une dimension romanesque indéniable. La ville elle-même, que l’auteur de ces lignes connaît comme sa poche, arbore avec ce grain de photo à l’ancienne et une lumière quasi-inexistante, une identité mystérieuse, majestueuse et belle, soulignée par la magnifique composition de Grégoire Hetzel, et ce malgré les mises en garde du commissaire Daoud (excellent Roschdy Zem) au nouvel inspecteur Louis (Antoine Reinartz), quant à son extrême pauvreté et sa dangerosité éprouvée.

Roubaix, une Lumière doit son titre autant au commissaire Daoud de Roschdy Zem, d’une humanité sans faille dans l’exercice de ses fonctions, qu’au reste de la distribution. Philippe Duquesne en probable arnaqueur des assurances, est irrésistible de vérité dans une des séquences qui ouvrent le métrage. Sara Forestier, qui joue Marie, une des jeunes femmes sur qui le film se resserre dans sa deuxième moitié, est bluffante. Arnaud Desplechin cherche la lumière et l’humanité dans ses personnages, l’actrice lui répond plus que généreusement. L’autre jeune femme, Claude, interprétée par Léa Seydoux – épousant un peu moins parfaitement son rôle – est un personnage tout aussi intense.

Réaliser un double film de genre (policier et social) est assurément une rupture quand on regarde la filmographie du réalisateur. Mais à y regarder de près, jamais film policier n’a utilisé autant le verbe en quantité, et surtout pas en qualité. Quand on écoute les échanges entre Marie et Claude, lors des confrontations ou de la reconstitution, quand on voit les regards qu’elles s’échangent à ces moments, on n’est finalement pas très loin de ses précédents films, où l’amour que se portent les personnages est amplifié par les mots. Quant à la dimension sociale, le cinéaste réussit particulièrement à mixer les thématiques liées au sujet, la pauvreté , la solitude, la délinquance, etc.. , sans jamais se départir d’un regard centré sur l’humain qui supprime la distance que ce genre peut engendrer vis-à-vis de la sphère intime des personnages.

Roschdy Zem lui-même est assurément une lumière pour le film. Cet acteur qui personnifie avec un égal bonheur un Paul chez Michel Spinosa (La Parenthèse enchantée), un Yohav chez Rani Massalha (Girafada), ou le commissaire Daoud ici chez Desplechin, est plus qu’un comédien. Il s’est engagé dans ce rôle de Good cop avec beaucoup de conviction, et ce faisant, se hisse aux toutes premières marches du podium des acteurs français.

Roubaix, une Lumière, rentré pourtant bredouille du Festival de Cannes, est un très beau film qui bénéficie du savoir-faire d’un cinéaste qui montre qu’il peut décidément toucher à tout sans jamais se renier. On en a eu les prémices avec le très étonnant Jimmy P. Psychothérapie d’un Indien des Plaines , on en a ici la confirmation.

Roubaix, une lumière – Bande annonce

Roubaix, une lumière – Fiche technique

Réalisateur : Arnaud Desplechin
Scénario : Arnaud Desplechin, Léa Mysius, d’après le film de Mosco Boucault : Roubaix, commissariat central
Interprétation : Roschdy Zem (Yacoub Daoud), Léa Seydoux (Claude), Sara Forestier (Marie Carpentier), Antoine Reinartz (Louis), Abdellatif Sedegui (M. Hami), Sylvie Moreaux (Mme Duhamel), Sarah Hamoud (La mère de Farid), Maïssa Taleb (Soufia Duhamel-Hami), Philippe Duquesne (Dos Santos)
Photographie : Irina Lubtchansky
Montage : Laurence Briaud
Musique : Grégoire Hetzel
Producteurs : Pascal Caucheteux, Grégoire Sorlat Coproducteur : Olivier Père
Maisons de production : Why Not distributions, Arte France Cinema
Distribution : Le Pacte
Durée : 119 min.
Genre : Policier, Drame
Date de sortie : 21 Août 2019
France – 2019

Note des lecteurs0 Note
4.5
Redactrice LeMagduCiné