La Planète des singes : L’Affrontement, un film de Matt Reeves : Critique

La Planète des Singes a toujours été une saga cinématographique très appréciée du grand public. Il faut savoir que cette saga trouve son inspiration dans le roman français du même nom de Pierre Boule. En 1968, l’adaptation du livre par Franklin J. Schaffner a véritablement bouleversé le genre science-fiction et anticipation. Fort d’un immense succès public et critique, quatre suites ont vu le jour, presque toutes dispensables.

Synopsis: Une nation de plus en plus nombreuse de singes évolués, dirigée par César, est menacée par un groupe d’humains qui a survécu au virus dévastateur qui s’est répandu dix ans plus tôt. Ils parviennent à une trêve fragile, mais de courte durée : les deux camps sont sur le point de se livrer une guerre qui décidera de l’espèce dominante sur Terre.

Un remake est pensé dans les années 80, puis proposé à de très nombreux réalisateurs dans les années 90 avant de tomber dans les mains de Tim Burton au début des années 2000. Malgré des effets spéciaux épatants pour l’époque, cette réadaptation est médiocre et les critiques sont unanimes pour qualifier la déception du film. La version de Tim Burton est néanmoins un immense succès commercial et la Fox croit toujours en sa saga, prenant 10 ans avant de remettre sur pied, une réadaptation contemporaine des plus innovantes. Sous la direction de Rupert Wyatt, cette préquelle est une réussite tant sur le plan visuel que sur le plan scénaristique, installant une nouvelle mythologie et une vraie humanité au sein d’un film terriblement brûlant (critique acerbe à l’encontre de la science). Le Commencement est une immense réussite commerciale et, surtout pour la Fox, profite d’un excellent accueil critique ce qui lui permet de lancer sereinement une suite. Pas si sereinement pour Wyatt qui juge les délais trop courts et laisse donc sa place à un sympathique Yes Man en la personne de Matt Reeves (Cloverfield, Laisse-moi entrer). Avec un tel réalisateur qui pouvait s’avérer assez malléable par les studios, sans compter l’absence du casting d’origine hormis Andy Serkis, on doutait fortement du potentiel de cette suite. A tort, L’Affrontement est une excellente suite, supérieure au premier volet et dotée d’une technologie pour animer les singes tout simplement bluffante

Ape escape

Dix ans ont passé depuis les événements du Golden Bridge à San Francisco, l’humanité n’est plus ce qu’elle était à la suite d’un virus, né de l’inconscience des scientifiques après des essais sur les singes, qui a décimé une majorité de la population mondiale. La Planète des Singes : L’affrontement s’ouvre sur le regard de César, alias Andy « Motion Capture Man » Serkis, à l’allure d’un conquérant et prêt à tout pour le bien de sa tribu. Ne-serait-ce que de nom, difficile de ne pas sous-entendre le rapport à l’empereur César qui a emmené ses romains à la conquête de l’Europe, mais au fur et à mesure de l’intrigue, César se rapproche d’une certaine sagesse qui ferait penser à Nelson Mandela. Trahi et blessé par les humains, il n’en reste pas moins un singe doté d’une certaine intelligence et d’un pardon exemplaire à l’encontre de cette espèce qui ne le considère comme un vulgaire macaque. Leader et réfléchi, César est en permanence dans la réflexion pour déterminer ce qui peut s’avérer être le mieux pour sa communauté et celle des humains désemparés. S’il ne devait y avoir qu’une raison pour aller voir La Planète des Singes : L’affrontement, il s’agit bien de César et de sa communauté de singes bien plus mise en avant que dans le premier opus, qui laissait l’humanité faire face à ses conséquences. Aussi bien sur le plan visuel que sur le plan intime, cette communauté de singe est le gros point fort de ce film qui trouve le ton juste pour décrire une société naissante. En parallèle, les humains se relèvent doucement de la décimation de la population mondiale et n’espèrent plus qu’une chose, retrouver le feu de l’Homme du XXème siècle, l’électricité. Haineux envers les singes qu’ils tiennent pour responsable du virus, l’homme ne fait pas réellement preuve de la même sagesse que les singes et sont prêt à entrer en guerre pour récupérer leur dû, et au fond récupérer leur statut d’espèce dominante.

Depuis le début de la promotion, Matt Reeves a déclaré n’avoir jamais voulu faire un film manichéen qui opposerait les humains aux singes, et chaque personnage -même les plus détestables- a ses raisons pour agir comme il le fait dans le film. Si ses scénaristes tombent parfois dans la caricature outrancière aussi bien chez les humains que chez les singes, il faut reconnaître que le ton du film est bien plus humaniste que dans le premier volet. Une profonde poésie émane de ce film, notamment dans son introduction somptueuse où l’on découvre véritablement la vie en communauté de ces singes, leur joie, leur déception et la sagesse dont ils font preuve avec cet orang-outan immense, éduquant les petits derniers au principe de la vie en communauté. Nouveau père au moment du tournage, Matt Reeves a très rapidement fait le lien de sa propre vie avec César, à travers l’évolution verbale et psychologique de ses enfants. C’est ce qui tend à plus de justesse dans l’intrigue et nous amènera tristement à une cohabitation impossible avec les humains. C’est là tout l’enjeu du film, cette confrontation inévitable entre deux espèces si proches et si égocentriques à la fois, les singes n’apprenant pas des hommes et faisant preuve des mêmes erreurs. Quand l’une souhaite conserver sa suprématie mondiale, l’autre cherche à se venger de l’affront des humains à l’encontre des singes. Vrai message sur la condition humaine, le film de Matt Reeves pose d’intéressantes réflexions sur le communautarisme, le pardon, la famille, la tolérance, la conquête et montre des intentions bonnes et mauvaises aussi bien chez les humains que chez les singes.

Malgré toutes ses bonnes qualités, La Planète des Singes : L’affrontement n’en reste pas moins irréprochable. Au profit d’une contemplation et d’une immersion dans la communauté des singes qui ravira les cinéphiles par sa poésie, le film souffre d’un cruel manque de rythme, de séquences d’action marquantes et de nombreuses longueurs. En dépit de l’attaque de San Francisco ou du duel final à la « Tour des Humains », ce second volet prend le temps de placer son contexte et d’instaurer une vraie tension avant un final qui nous amène de plus en plus à l’origine-même du film de Franklin J. Schaffner. Film efficace mais qui, à l’instar de Godzilla cette année, trompera les attentes d’un public trop peu habitué à ce long parti-pris contemplatif. Le film ne s’avère pas être un produit pour les enfants et tend davantage à impliquer plus d’enjeux dramatiques, de psychologie et de résonances contemporaines. L’Affrontement est un vrai film mature. On notera que, contrairement à certains films récemment, la 3D ici est plus que dispensable. De plus, à force de vouloir concentrer l’action sur les singes, les humains s’avèrent plutôt négligés et Jason Clarke dans son premier grand rôle ne sauvera pas les meubles avec sa performance relativement discrète du film. Ni lui, ni Gary Oldman (plutôt absent du film), ni le dispensable Kodi Smit-McPhee ne font preuve de la même émotion que dégageait James Franco dans le précédent film. On saisit rapidement les états d’esprit et les attentes des humains mais ces derniers sont trop vite survolés et on ne garde à l’esprit que l’image de « sauvages réfléchis » prêt à tout pour retrouver une certaine forme de confort (ou de matérialisme) à travers l’électricité. Finalement, le seul acteur qui porte véritablement le film est paradoxalement celui dont on ne voit jamais le visage.

Justement, L’Affrontement repousse encore plus loin les limites de la motion capture et des effets spéciaux bluffants. Reconnaissons à César ce qui est à César par le biais de cette performance monstrueuse d’Andy Serkis mais n’oublions pas que des centaines de personnes ont travaillé pour rendre chaque poil de ces primates aussi réaliste que possible. Les rides sur le visage de César est une image absolument époustouflante, et il se dégage de ce seul visage, une conviction, une colère, une puissance de feu qui émanera de ce personnage tout le long du film. WETA confirme son savoir-faire dans la modélisation des visages et des mouvements de tous les personnages, un peu moins dans la séquence de la tour plus brouillonne. Mais qu’à cela ne tienne, cette suite s’affirme sans mal comme une avancée majeure en terme de langage visuel. Alors que le premier opus voyait une très grosse majorité de son intrigue être tournée en studio, les costumes de motion capture n’étant pas adaptable au terrain, ici L’Affrontement est presque entièrement tourné dans des décors extérieurs. Une prouesse technologique révolutionnaire grâce aux évolutions apportées aux costumes qui peuvent être désormais « maltraités » dans les environnements extérieurs. Le talent de tous les informaticiens, animateurs et simulateurs font le reste par ordinateur pour les raccords, les ajouts et opérer ainsi une réussite formelle sur le plan visuel. WETA confirme son expérience inégalable et se pose comme l’un des musts de la performance capture dans le monde. Des petits gars qu’il convient logiquement de saluer honorablement.

La Planète des Singes : L’affrontement est donc une excellente suite et la Fox a eu raison de croire au potentiel de cette saga, tant les thématiques du film sont d’une intelligence et d’une audace rare dans ce genre de produit formaté. Malgré quelques erreurs de parcours, l’intrigue de cette suite est d’une humanité, d’une poésie, d’une émotion et d’une intelligence très appréciable. L’Affrontement est très certainement la meilleure séquelle depuis The Dark Knight. Un troisième opus est logiquement sur les rails et on apprend que Matt Reeves sera à nouveau à sa tête. Une bonne nouvelle qui confirme la réussite du film et la toute-confiance des studios. De ce troisième volet se dégage déjà une vraie volonté de la part de la Fox de suivre l’évolution des singes avec des groupes d’humains différents. Pas sûr que Jason Clarke et sa bande reviennent mais tant mieux, l’approche n’en sera que plus focalisée sur les singes, l’essence-même de cette trilogie. Si Les Gardiens de la Galaxie risque de s’avérer être l’un des blockbusters les plus funs de l’été, La Planète des Singes : L’affrontement sera alors l’un des blockbusters intelligents de l’été, voire de l’année. Une excellente séquelle qu’il serait fort dommage de manquer.

La Planète des Singes : L’Affrontement : Bande-annonce

La Planète des singes : L’Affrontement : Fiche Technique

Titre original: L’Affrontement (Dawn of the Planet of the Apes)
Réalisation: Matt Reeves
Scénario: Mark Bomback, Scott Z. Burns, Rick Jaffa, Amanda Silver
Interprétation: Andy Serkis (César), Toby Kebbell (Koba), Gary Oldman (Dreyfus), Jason Clarke (Malcolm), Kevin Rankin (McVeigh), Kirk Acevedo (Carver)…
Genre: Science-fiction, action
Durée: 2h11
Budget:120 000 000 $
Image: Michael Seresin
Décor: Melissa Bruning
Costume: James Chinlund
Son: Will Files
Montage: William Hoy, Stan Salfas
Musique: Michael Giacchino
Producteur: Peter Chernin, Dylan Clark, Rick Jaffa, Amanda Silver
Production: Chernin Entertainment
Distributeur: Twentieth Century Fox France

Etats-Unis – 2014

*A noter la très bonne initiative du CGR Méga Kiné de Freyming-Merlebach (Moselle) qui, à l’occasion de l’avant-première, a mis en place devant son cinéma des carcasses de voiture, des tonneaux de feux, et embauchés toute une bande d’amis pour se déguiser en singes et soldats. Toute une mise en scène apocalyptique.  Remarquable quand on sait que l’audace de cette animation ne provient pas de la 20th Century Fox mais bien du cinéma.

 

 

Reporter/Rédacteur LeMagduCiné