Pearl de Ti West: au coeur d’Eros et de Thanatos

Sorti en même temps que X, Pearl est son préquel et a été tourné dans la foulée, en Nouvelle-Zélande durant la COVID. Habillé des caractéristiques similaires, Pearl prend la torche et nous guide dans la tête trouble de son personnage éponyme. Retour sur un film qui offre une expérience différente, malgré les mêmes artifices.

Avec X, Ti West commençait la rentrée 2022 en beauté. Mia Goth, son interprète principale a fait des merveilles en Maxine et en Pearl. Mais justement, qui est Pearl?

Synopsis: 1918, Texas, Pearl vit avec ses deux parents d’origine allemande. Son mari, Howard, s’est engagé dans l’armée en Europe. Entre sa mère stricte comme un fouet qui claque et son père immobilisé, Pearl est malheureuse. Très malheureuse. Elle s’échappe parfois lors des courses qu’elle fait au village, mais cela devient de plus en plus difficile. Son rêve à elle est de briller. Et elle fera tout pour y arriver…

Le Vide Texan

Le casting a changé, mais Mia Goth reprend le rôle de Pearl, jeune. Parmi les acteurs, on retrouve David Corenswet (Hollywood), Tandi Wright, Emma Jenkins-Purro, Matthew Sunderland et Allistair Sewell. Il est le reflet du vide qui oppresse Pearl dans la toute petite bourgade texane où elle vit. En effet, l’image n’est pas bombardée de figurants. Ils se comptent sur les doigts de la main. Cela reflète beaucoup la solitude extrême à laquelle la mère de Pearl oblige sa fille.

C’est aussi un intéressant curseur pour Pearl elle-même qui, tout le long du film divertit un spectateur. Certaines séquences qui la montrent sur une scène en train de danser comme ses idoles, sont en fait un calque du divertissement qu’elle offre au spectateur. Cela se constate à travers les affiches du film et le générique de fin. Sinon pourquoi Pearl sourirait-elle en nous regardant? En cela, c’est impressionnant de voir le 4e mur brisé, sans échange de répliques.

Les similarités techniques avec X

Nous retrouvons les mêmes caractéristiques visuelles que pour X avec le plan qui s’élargit en début de film, le grain de l’image et sa coloration qui appuient sur le bleu, le vert et le rouge. Le jaune est très peu présent, mais les champs de blés ont un sous-ton verdâtre. C’est aussi le cas de la mare de Theda, l’alligator à qui Pearl donne ses victimes.

Il y a un constant jeu de mise en valeur de couleurs, reprenant ceux des premiers films en couleurs. Un petit rappel au Magicien d’Oz est glissé dans l’image. Les transitions et le fondu au noir final paraissent similaires aux dessins animés des Looney Toons. Ce sont à notre avis, des hommages au cinéma et à l’animation qui bourgeonnent les deux décennies suivantes. C’est aussi un jeu fait dans X avec des codes cinématographiques des années 70.

Les couleurs de Pearl

Pearl porte comme Maxine du bleu assez régulièrement, même si sa vraie couleur est le rouge. Si théoriquement, cela peut représenter un caractère, une personnalité, nous ne pourrons seulement comprendre le plein sens de cette couleur pour les deux héroïnes qu’en complétant la trilogie.

Mais en voyant Pearl ne porter cette couleur qu’avec sa famille et son amant et surtout, avant les meurtres qu’elle commet, cela peut indiquer la perception ou la place qu’on veut lui attribuer. La fille gentille, sans problèmes à donner à son entourage, celle qui est facile à vivre, à séduire, à jeter, à ramasser. Bien sûr, cette perception est erronée. Elle est une femme écarlate. Elle le devient après une énième punition de sa mère.

L’explosion de la violence: L’expression du Thanatos chez Pearl

Le film ne présente pas une Pearl innocente, ni le produit d’une éducation stricte et déséquilibrée. Pearl est ainsi faite, violente envers les animaux, puis les humains. Elle aurait pu être mieux traitée que cela n’aurait strictement rien changé. Il n’y a pas vraiment de réponse à pourquoi elle aime cette violence. La violence déchainée contre ses géniteurs n’est qu’un acte anodin si l’on se réfère à ses comportements déjà limite. Mais c’est à partir de son échec à l’audition de la paroisse qu’elle se met à être plus créative en terme de violences.

Sa haine explose contre le personnage blond de l’histoire et si nous soulignons sa couleur de cheveux, c’est parce qu’elle montre, même sénile,une vraie haine contre les blondes gentilles. Qu’elles soient paroissienne ou actrice porno (dans X), elle les perçoit comme des concurrentes et leur voue une haine tenace après l’échec de l’audition.

Et Eros?

Les pulsions d’Eros ne sont jamais loin du Thanatos… En plus d’avoir la pulsion de Mort en elle, Pearl est très passionnée et que ce soit pour son mari, pour son amant ou n’importe quel autre homme, elle est active dans la séduction. L’Amour, ou plutôt le Désir, le sexe, la séduction,  sont importants pour elle. Mais ils ont la même valeur que dans un  film de 90 minutes : quelque chose de beau et d’illusoire. Pearl ne sait malheureusement pas aimer.

Le lien entre X et Pearl

Le réalisateur ne cherche pas à expliquer pourquoi Pearl est ainsi. Il montre depuis quand sa folie meurtrière est présente. Quand elle regarde un petit film érotique avec le monteur, elle est loin de s’imaginer qu’elle est en train de regarder le futur du cinéma. Après tout, la pornographie et la danse ont en commun l’utilisation du corps. Elles ont en commun la physicalité : on a besoin du corps pour danser et pour faire l’amour. Le dialogue se transmet par des gestes corporels. Elles se caractérisent dans les deux cas par la brièveté: les carrières sont courtes, émergent des ténèbres, pour aussitôt s’y replonger. Encore une fois, il y a beaucoup d’Eros et de Thanatos dans les deux disciplines.

Conclusion

Le problème des préquels est l’anticipation du spectateur qui veut savoir comment se crée un tueur. Et si la réponse est qu’il n’y en a pas vraiment besoin. Pearl est un bon préquel, il anticipe cette question en décidant de surprendre le spectateur. Pearl n’a pas besoin d’une origine sombre. Elle est déjà sombre.

Elle est une tueuse qui aime tellement ça que c’est un acte qui fait partie de son quotidien. Jamais elle n’en a pris conscience. L’Eros et le Thanatos Freudiens sont ses carburants. Elle vit pour tuer et pour être désirée.

De plus, il y a une excellente idée de rattacher la Pearl âgée de X à Maxine. Cette dernière n’est que le futur auquel Maxine n’échappera pas: la Vieillesse, le déclin de la beauté, de la séduction. Qu’elle reste dans l’industrie ou pas, elle vieillira aussi.

Fiche technique: Pearl

Réalisateur: Ti West
Scénariste: Ti West et Mia Goth
Producteur: Ti West, Kevin Turen, Jacob Jaffke, Harrisson Kreiss
Musique: Tiler Bates, Tim Williams
Longueur: 102 minutes
Langue: Anglais, Allemand