Miss Peregrine et les enfants particuliers, un film de Tim Burton : Critique

Quand Jake était petit, il aimait les histoires. Maintenant qu’il a grandi, il ne peut plus se permettre de croire à ces contes de fées. Du moins, c’est ce que disent les adultes. Il va alors s’inventer son Pays Imaginaire, le pensionnat de Miss Peregrine.

Synopsis : À la mort de son grand-père, Jacob découvre les indices et l’existence d’un monde mystérieux qui le mène dans un lieu magique : la Maison de Miss Peregrine pour Enfants Particuliers. Mais le mystère et le danger s’amplifient quand il apprend à connaître les résidents, leurs étranges pouvoirs…  et leurs puissants ennemis. Finalement, Jacob découvre que seule sa propre « particularité » peut sauver ses nouveaux amis.

 Le syndrome de Peter Pan

Ce monde parallèle dans lequel le temps s’est arrêté fait en effet directement écho au Pays Imaginaire et aux Enfants Perdus de James Matthew Barrie. Jake tombe amoureux de la belle Emma, tout comme Wendy succombait au charme de Peter (capables tous deux de voler). Idylle qui finira par conduire les protagonistes à une remise en question sur le passage du monde de l’enfance à l’âge adulte.

Plus qu’une histoire de super-héros, Miss Peregrine et les enfants particuliers est un roman d’initiation dans lequel Jake, un adolescent qui se définit lui-même comme « ordinaire » va découvrir sa destinée. La confiance, le choix, l’indépendance et la différence sont au cœur de ce récit fantastique dont l’intrigue s’articule autour d’un contexte historique fort, la Seconde Guerre Mondiale.

Mais voilà, le film prend une toute autre direction après quarante-cinq minutes, lorsqu’il dérive vers l’héroïque, pour finalement s’échouer et perdre l’essentiel du message dont il était porteur.

Le spectateur est soudain emporté dans un tourbillon de péripéties à base de voyages spatio-temporels et d’univers parallèles. Rien de très original si l’on regarde les films du genre de ces dernières années. Le pensionnat de Miss Peregrine devient le théâtre d’évènements sans queue ni tête qui ne font nullement avancer l’intrigue. On y découvre une palette de jeunes dotés de spécificités inhumaines, obligés de se cacher du reste du monde, qui n’accepte pas leur différence. Lorsque l’on sait que Jane Goldman n’est autre que la scénariste de X-men Le Commencement et X-Men Days of Futur Past, on comprend assez aisément d’où vient l’inspiration.

Ce refuge pour enfants particuliers était une idée intéressante pour dénoncer le rejet dont ont été victimes les juifs pendant la guerre. Un sujet épineux qui aurait mérité que l’on s’y attarde.

Le film passe à côté de son sujet pour se focaliser sur un récit qui devient purement fantastique et se transforme au fur et à mesure que l’intrigue avance en un film de super-héros lambda dans lequel les gentils triomphent à la fin et dans lequel le passage de l’enfance à l’âge adulte n’est présent qu’à travers une histoire d’amour, sans reliefs et insipide.

Faire un film sur l’adolescence ne signifie pas forcément s’adresser uniquement aux adolescents. Et quand bien même, il ne semble pas que les ados manquent aussi peu d’imagination. Il paraît donc inutile d’affubler Samuel L. Jackson de crocs et d’une paire d’yeux perçants pour montrer qu’il est vraiment très méchant. Tout est mâché et le résultat est malheureusement indigeste.

 Il était une fois …

Tout comme Big Fish, Miss Peregrine et les enfants particuliers s’appuie sur les histoires fantaisistes d’un grand-père qui, usé du réel, l’enjolive et s’invente sa propre vérité. Malheureusement, le film échoue où Big Fish réussissait brillamment et intelligemment par sa finesse et sa sensibilité. Le récit de Miss Peregrine donne l’impression de ne pas savoir où il va.  Il ne raconte rien et se somme par un capharnaüm monumental où se mélangent vulgairement petite magie et effets spéciaux en veux tu en voilà.

Le personnage du grand-père autour duquel est censé s’articuler le récit, est presque totalement absent du film pour laisser briller un héros qui se révèle creux et immature.

Partenaires particuliers

Comment évoquer la filmographie de Tim Burton sans parler de son univers musical singulier ?

C’est à Danny Elfman, compositeur attitré et ami du réalisateur, que l’on doit la plupart des succès musicaux des œuvres de ce dernier, jusqu’à Big Eyes dernièrement.

Pour Miss Peregrine, Burton a fait appel à un compositeur qui avait déjà travaillé sur deux de ses films, Dark Shadows et Frankenweenie, Michael Higham, et au compositeur de la musique de Kingsman, Matthew Magerson. Les deux artistes signent une bande originale plaisante mais peu marquante. On est loin des thèmes musicaux d’Edward aux mains d’argent ou de Big Fish.

Du côté de la mise en scène, rien de bien chatoyant non plus. Le réalisateur nous avait habitué à plus effrayant et surtout, plus magique. À l’exception d’une séquence musicale assez amusante où des squelettes prennent vie, la réalisation reste plutôt classique. On a connu Tim Burton plus extravagant. La mise en scène manque d’audace, comme si le réalisateur avait dû contenir son imagination débordante. Ce n’est pas mauvais, c’est scolaire.

Tim Burton retrouve l’intrigante Eva Green pour une deuxième collaboration. L’actrice avait en effet interprété la sensuelle Angélique dans le film vampirique Dark Shadows, au côté de Johnny Depp, l’acteur fétiche du réalisateur, en 2012.

Cheveux de jais, teint de porcelaine, un physique atypique qui avait déjà séduit le réalisateur lorsque ce dernier avait fait de Winona Ryder, sa muse.

Lors de la rencontre organisée au Royal Monceau, le lundi 19 septembre, à l’occasion de l’avant-première du film, Tim Burton ne contenait pas son admiration : « Elle est à la fois drôle, dramatique, étrange et belle ».

Sur le jeu, la présence, il n’y a rien à dire. Eva Green est toujours sublime quoi qu’elle fasse. Mystérieuse, captivante, des atours dont son personnage aurait dû se parer. Miss Peregine, à l’image du film, est alléchante mais manque cruellement de profondeur.

Burtonien dans l’idée, pas dans la forme ni dans le fond

L’univers de Tim Burton ne se résume pas à quelques squelettes dansant sur une musique endiablée, des personnages aux gros yeux ou scarifiés, n’en déplaise à certains. C’est avant tout un grain de folie, une sensibilité atypique, qui fait que la filmographie du réalisateur est unique en son genre. Ceux qui connaissent l’œuvre de ce réalisateur si particulier, comprendront sans peine pourquoi l’histoire de l’écrivain Ransom Riggs l’a séduit. Malheureusement, le cœur et l’inspiration n’ y étaient pas. Pas question de douter du talent de Burton, il est immense, mais peut-être devrions-nous creuser davantage la réflexion et nous interroger sur les raisons de certains choix.

Miss Peregrine et les enfants particuliers saura très certainement trouver son public. Reste à savoir de quel côté se rangeront les fans du réalisateur.

Rencontre avec le cinéaste Tim Burton

Miss Peregrine et les enfants particuliers : Bande annonce

Miss Peregrine et les enfants particuliers : Fiche technique

Titre original : Miss Peregrine’s Home For Peculiar Children
Réalisation : Tim Burton
Scénario : Jane Goldman, d’après une histoire originale de Ransom Riggs
Interprétation : Eva Green (Miss Peregrine), Asa Butterfield (Jacob), Samuel L. Jackson (Barron), Judi Dench (Miss Avocet), Rupert Everett (L’ornithologue), Allisson Janey (Dr. Golan), Ella Purnell (Emma), Terrence Stamp (Abe)…
Photographie : Bruno Delbonnel
Décors : Gavin Bocquet, Elli Griff et Kat Kane
Costumes : Colleen Atwood
Montage : Chris Lebenzon
Musique : Michael Higham et Matthew Magerson
Producteurs : Petre Chernin et Jenno Topping
Genre : Aventure, Famille, Fantastique
Durée : 127 minutes
Date de sortie : 5 octobre 2016

Etats-Unis – 2016

Auteur : Yael Calvo